Malgré la disponibilité d'outils de prévention efficaces, 890 nouvelles infections par le VIH ont été diagnostiquées en 2017 en Belgique classant notre pays parmi ceux de l'Union Européenne avec la plus haute incidence du virus. Deux populations sont touchées de façon disproportionnée en Belgique : les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes et les personnes originaires d'Afrique subsaharienne.

La prophylaxie pré-exposition (PrEP) consiste en la prise orale par un individu séronégatif d'un comprimé contenant une combinaison de deux antirétroviraux. De nombreuses études ont démontré la sécurité et l'efficacité de la PrEP sur la réduction du nombre d'infections par le VIH. En Belgique, celle-ci est remboursée depuis juin 2017 pour les individus à haut risque de contracter le virus mais seuls les médecins spécialistes (MS) rattachés à un centre de référence SIDA (CRS) sont autorisés à introduire une demande de remboursement. Bien que le taux d'utilisation de la PrEP en Belgique semble prometteur, un des freins à un meilleur accès au traitement pourrait être son cadre de prescription.

Méthode

Vingt entretiens semi-directifs ont été réalisés à Bruxelles entre novembre 2018 et mars 2019. Huit patients, sept médecins généralistes et cinq médecins spécialistes ont été interrogés.

Résultats

Il ressort de nos entretiens qu'il est difficile pour le patient d'aborder la sexualité avec son MG. Le MG est décrit comme mal à l'aise, moralisateur et non proactif dans l'abord de la sexualité en consultation. Pourtant, les MG interrogés se disent tout à fait à l'aise d'aborder la sexualité.

Les compétences des MG en terme de santé sexuelle au sens large sont jugées insuffisantes par les patients. Pourtant, là aussi, le contraste est à noter car les MG se sentent compétents.

Les patients interrogés sont globalement satisfaits de l'accès actuel à la PrEP à Bruxelles. Certains nuancent néanmoins cette facilité d'accès par le fait que la ville est particulièrement bien desservie en CRS. Toutefois, il ressort des entretiens qu'une partie de la population concernée par la PrEP n'ose probablement pas se rendre à l'hôpital et échappe au système belge, avec en tête les migrants d'Afrique subsaharienne et les travailleurs du sexe.

L'infrastructure disponible en CRS apparaît comme un avantage de la MS aux yeux des participants, en particulier la disponibilité d'une équipe pluridisciplinaire comprenant infirmiers, sexologues et spécialistes en assuétudes.

Les éléments exprimés en faveur de la prise en charge de la PrEP par le MG sont la relation privilégiée patient/MG, la plus grande facilité d'accès à la médecine générale (proximité géographique, délais de rendez vous plus courts) et l'accès du MG à un public plus large. Certains intervenants craignent d'ailleurs qu'en empêchant le MG de prescrire la PrEP, on diminue la portée de la prophylaxie.

Si la plupart des intervenants pensent que la prescription et le suivi de la PrEP sont possibles en MG, ils estiment néanmoins qu'une formation est indispensable. En effet, si la plupart des MG interrogés sont favorables à la PrEP, reconnaissant son potentiel à empêcher de nouvelles infections, seulement une minorité d'entre eux se disent bien informés. Les sujets exprimés comme indispensables à la prise en charge de la PrEP sont : les IST, les substances récréatives, les différentes pratiques sexuelles et le médicament en lui même.

Les MG non favorables à la PrEP évoquent la crainte d'une émergence des autres IST et se disent gênés par le fait de prescrire un médicament coûteux lorsque la prise de risque est évitable.

Conclusion

Pour avoir un impact sur la santé publique, la PrEP doit être délivrée de façon efficace. Bien qu'ils pourraient jouer un rôle important dans l'implémentation du traitement de par leur place prépondérante dans la prévention des maladies chroniques, les MG ne sont pas préparés à la prise en charge du médicament. Il est nécessaire de mieux informer les MG à propos de la PrEP et de les former tant à l'abord de la sexualité en consultation qu'à la prise en charge de la santé sexuelle dans sa globalité.

Titre complet : Freins et leviers à la prescription et au suivi de la prophylaxie pré-exposition au VIH en médecine générale

Auteur : Dr Emilie Nizette (ULB)

Promoteur : Dr Didier Piquard

Co-promoteur : Dr Vincent Huberland

Master de spécialisation en médecine générale

Année académique 2018-2019

Prix du Généraliste

Pour la dix-neuvième année consécutive, le journal du Médecin organise, en partenariat avec la SSM-J, " petite " soeur de la SSMG s'adressant plus spécifiquement aux jeunes MG, le Prix du généraliste, qui vise à faire connaître - et récompenser - les travaux de fin d'études de six jeunes sélectionnés par leurs universités respectives.

Vous les découvrirez au fil de nos prochaines éditions, et en ligne sur www.lejournaldumedecin.com. Deux prix seront attribués aux candidats : le prix décerné par la SSM-J, et le prix des lecteurs pour lequel les médecins lecteurs du jdM élisent en ligne le travail qui aura le plus retenu leur attention. Place à notre sixième candidate : le Dr Emilie Nizette (ULB)

Malgré la disponibilité d'outils de prévention efficaces, 890 nouvelles infections par le VIH ont été diagnostiquées en 2017 en Belgique classant notre pays parmi ceux de l'Union Européenne avec la plus haute incidence du virus. Deux populations sont touchées de façon disproportionnée en Belgique : les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes et les personnes originaires d'Afrique subsaharienne. La prophylaxie pré-exposition (PrEP) consiste en la prise orale par un individu séronégatif d'un comprimé contenant une combinaison de deux antirétroviraux. De nombreuses études ont démontré la sécurité et l'efficacité de la PrEP sur la réduction du nombre d'infections par le VIH. En Belgique, celle-ci est remboursée depuis juin 2017 pour les individus à haut risque de contracter le virus mais seuls les médecins spécialistes (MS) rattachés à un centre de référence SIDA (CRS) sont autorisés à introduire une demande de remboursement. Bien que le taux d'utilisation de la PrEP en Belgique semble prometteur, un des freins à un meilleur accès au traitement pourrait être son cadre de prescription.Vingt entretiens semi-directifs ont été réalisés à Bruxelles entre novembre 2018 et mars 2019. Huit patients, sept médecins généralistes et cinq médecins spécialistes ont été interrogés. Il ressort de nos entretiens qu'il est difficile pour le patient d'aborder la sexualité avec son MG. Le MG est décrit comme mal à l'aise, moralisateur et non proactif dans l'abord de la sexualité en consultation. Pourtant, les MG interrogés se disent tout à fait à l'aise d'aborder la sexualité. Les compétences des MG en terme de santé sexuelle au sens large sont jugées insuffisantes par les patients. Pourtant, là aussi, le contraste est à noter car les MG se sentent compétents. Les patients interrogés sont globalement satisfaits de l'accès actuel à la PrEP à Bruxelles. Certains nuancent néanmoins cette facilité d'accès par le fait que la ville est particulièrement bien desservie en CRS. Toutefois, il ressort des entretiens qu'une partie de la population concernée par la PrEP n'ose probablement pas se rendre à l'hôpital et échappe au système belge, avec en tête les migrants d'Afrique subsaharienne et les travailleurs du sexe. L'infrastructure disponible en CRS apparaît comme un avantage de la MS aux yeux des participants, en particulier la disponibilité d'une équipe pluridisciplinaire comprenant infirmiers, sexologues et spécialistes en assuétudes. Les éléments exprimés en faveur de la prise en charge de la PrEP par le MG sont la relation privilégiée patient/MG, la plus grande facilité d'accès à la médecine générale (proximité géographique, délais de rendez vous plus courts) et l'accès du MG à un public plus large. Certains intervenants craignent d'ailleurs qu'en empêchant le MG de prescrire la PrEP, on diminue la portée de la prophylaxie. Si la plupart des intervenants pensent que la prescription et le suivi de la PrEP sont possibles en MG, ils estiment néanmoins qu'une formation est indispensable. En effet, si la plupart des MG interrogés sont favorables à la PrEP, reconnaissant son potentiel à empêcher de nouvelles infections, seulement une minorité d'entre eux se disent bien informés. Les sujets exprimés comme indispensables à la prise en charge de la PrEP sont : les IST, les substances récréatives, les différentes pratiques sexuelles et le médicament en lui même. Les MG non favorables à la PrEP évoquent la crainte d'une émergence des autres IST et se disent gênés par le fait de prescrire un médicament coûteux lorsque la prise de risque est évitable. Pour avoir un impact sur la santé publique, la PrEP doit être délivrée de façon efficace. Bien qu'ils pourraient jouer un rôle important dans l'implémentation du traitement de par leur place prépondérante dans la prévention des maladies chroniques, les MG ne sont pas préparés à la prise en charge du médicament. Il est nécessaire de mieux informer les MG à propos de la PrEP et de les former tant à l'abord de la sexualité en consultation qu'à la prise en charge de la santé sexuelle dans sa globalité.