L'enseignement de la médecine porte essentiellement sur les différentes pathologies, leur épidémiologie et le traitement qui peut y être apporté. Peu de cours concernent le ressenti du médecin ou celui du patient.

Pourtant, la médecine et plus précisément encore la médecine générale est une science humaniste, pratiquée par des humains, au service d'autres humains. Dès lors, sa pratique est influencée, de manière consciente ou non, par les propres émotions et le vécu du médecin.

En outre, le patient lui-même est influencé par ses émotions et son vécu quand il rapporte ses symptômes. Il peut en taire certains ou en exagérer d'autres et ce, en fonction de sa personnalité, de son vécu familial, des émotions qu'il ressent mais également de la relation qu'il a tissé avec son médecin de famille.

Comme le démontre l'étude Remede réalisée en 2002, cette relation duale entre le médecin et son patient dans laquelle se confrontent émotions et vécus peut toutefois être modifiée par un tiers ou un proche du patient menant ainsi à une relation triangulaire où chaque acteur s'influence mutuellement.

Ceci est d'autant plus vrai en maison de repos. Le fonctionnement intrinsèque de ce lieu fait que le " tiers " s'impose naturellement dans la relation que l'on peut entretenir avec un patient âgé.

Partant de ce constat, nous avons cherché à déterminer si les informations qu'un médecin généraliste peut récolter en maison de repos auprès de tiers, au sens large, peuvent influencer la prise en charge du patient âgé.

Modèle de Neuburger

Pour ce faire, 57 médecins généralistes francophones ont été interrogés sur leur pratique en maison de repos à l'aide d'un questionnaire comprenant tant des questions ouvertes que fermées.

Premièrement, les données récoltées ont montré que la plupart des médecins répondants reconnaissent être influencés dans leur prise en charge aussi bien de façon positive que négative par le personnel soignant ou la famille du patient âgé. Ainsi, le vécu et les représentations de chaque intervenant influencent la perception des symptômes et la manière dont ils sont transmis aux médecins.

En découlent alors des situations où le praticien peut se sentir mal à l'aise face à une demande de soins ou en avoir un mauvais ressenti. Ce dernier peut alors se poser les trois questions sur lesquelles repose le modèle de Neuburger (1984) : Qui présente le symptôme ? Qui en souffre le plus ? Qui fait la demande de soins ?

En effet, la personne qui présente un symptôme n'est pas toujours celle qui en souffre le plus ni celle qui formule la demande de soins. Il s'agit donc pour le praticien de comprendre quelle souffrance ou quelles représentations se cachent derrière la demande de soins.

Deuxièmement, la majorité des médecins répondants ont affirmé dialoguer avec le personnel soignant préalablement à l'anamnèse avec le patient. En effet, afin de garantir une bonne prise en charge au résident d'une maison de repos, la communication entre les soignants est primordiale.

Ainsi, une étude réalisée en Allemagne en 2018 et analysée par la revue Minerva, propose des mesures concrètes afin d'améliorer la communication dans les maisons de repos. Les systèmes de soins allemands et belges étant assez semblables, nous avons trouvé pertinent de mettre en exergue deux mesures qui pourraient être mises en place dans nos maisons de repos.

Deux mesures concrètes

La première mesure consiste, à organiser, pour chaque résident, des réunions de concertation multidisciplinaire où seraient présents le généraliste, un membre du personnel infirmier, le résident et éventuellement un membre de la famille. Ces réunions auraient pour but de définir des objectifs de vie à long terme dans l'institution pour le résident, qu'il s'agisse du point de vue de la santé, de la mobilité ou des relations sociales.

La seconde mesure vise à ce qu'une personne de référence du personnel infirmier centralise toutes les demandes et remarques à propos des résidents au niveau de l'établissement et qu'elle puisse en discuter avec un médecin généraliste désigné comme personne de contact privilégié. Cela permettrait d'éviter de se disperser et d'avoir de multiples interlocuteurs.

Ces deux mesures sont souvent appliquées dans les services de gériatrie à l'hôpital, pourquoi dès lors ne pas les appliquer également aux maisons de repos ?

De nombreuses pistes dans ce domaine restent encore à explorer et pourraient sans doute faire l'objet d'autres travaux pour mieux appréhender la relation triangulaire médecin-patient-entourage.

Titre complet: Influence de l'hétéroanamnèse recueillie en maison de repos sur la prise en charge des résidents en médecine générale

Auteur : Dr Mélody Maréchal (ULouvain)

Promoteur : Dr Jean-Luc Pirlot

Master complémentaire en médecine générale

Année académique 2018-2019

L'enseignement de la médecine porte essentiellement sur les différentes pathologies, leur épidémiologie et le traitement qui peut y être apporté. Peu de cours concernent le ressenti du médecin ou celui du patient. Pourtant, la médecine et plus précisément encore la médecine générale est une science humaniste, pratiquée par des humains, au service d'autres humains. Dès lors, sa pratique est influencée, de manière consciente ou non, par les propres émotions et le vécu du médecin. En outre, le patient lui-même est influencé par ses émotions et son vécu quand il rapporte ses symptômes. Il peut en taire certains ou en exagérer d'autres et ce, en fonction de sa personnalité, de son vécu familial, des émotions qu'il ressent mais également de la relation qu'il a tissé avec son médecin de famille. Comme le démontre l'étude Remede réalisée en 2002, cette relation duale entre le médecin et son patient dans laquelle se confrontent émotions et vécus peut toutefois être modifiée par un tiers ou un proche du patient menant ainsi à une relation triangulaire où chaque acteur s'influence mutuellement. Ceci est d'autant plus vrai en maison de repos. Le fonctionnement intrinsèque de ce lieu fait que le " tiers " s'impose naturellement dans la relation que l'on peut entretenir avec un patient âgé. Partant de ce constat, nous avons cherché à déterminer si les informations qu'un médecin généraliste peut récolter en maison de repos auprès de tiers, au sens large, peuvent influencer la prise en charge du patient âgé. Pour ce faire, 57 médecins généralistes francophones ont été interrogés sur leur pratique en maison de repos à l'aide d'un questionnaire comprenant tant des questions ouvertes que fermées. Premièrement, les données récoltées ont montré que la plupart des médecins répondants reconnaissent être influencés dans leur prise en charge aussi bien de façon positive que négative par le personnel soignant ou la famille du patient âgé. Ainsi, le vécu et les représentations de chaque intervenant influencent la perception des symptômes et la manière dont ils sont transmis aux médecins. En découlent alors des situations où le praticien peut se sentir mal à l'aise face à une demande de soins ou en avoir un mauvais ressenti. Ce dernier peut alors se poser les trois questions sur lesquelles repose le modèle de Neuburger (1984) : Qui présente le symptôme ? Qui en souffre le plus ? Qui fait la demande de soins ? En effet, la personne qui présente un symptôme n'est pas toujours celle qui en souffre le plus ni celle qui formule la demande de soins. Il s'agit donc pour le praticien de comprendre quelle souffrance ou quelles représentations se cachent derrière la demande de soins. Deuxièmement, la majorité des médecins répondants ont affirmé dialoguer avec le personnel soignant préalablement à l'anamnèse avec le patient. En effet, afin de garantir une bonne prise en charge au résident d'une maison de repos, la communication entre les soignants est primordiale. Ainsi, une étude réalisée en Allemagne en 2018 et analysée par la revue Minerva, propose des mesures concrètes afin d'améliorer la communication dans les maisons de repos. Les systèmes de soins allemands et belges étant assez semblables, nous avons trouvé pertinent de mettre en exergue deux mesures qui pourraient être mises en place dans nos maisons de repos. La première mesure consiste, à organiser, pour chaque résident, des réunions de concertation multidisciplinaire où seraient présents le généraliste, un membre du personnel infirmier, le résident et éventuellement un membre de la famille. Ces réunions auraient pour but de définir des objectifs de vie à long terme dans l'institution pour le résident, qu'il s'agisse du point de vue de la santé, de la mobilité ou des relations sociales. La seconde mesure vise à ce qu'une personne de référence du personnel infirmier centralise toutes les demandes et remarques à propos des résidents au niveau de l'établissement et qu'elle puisse en discuter avec un médecin généraliste désigné comme personne de contact privilégié. Cela permettrait d'éviter de se disperser et d'avoir de multiples interlocuteurs. Ces deux mesures sont souvent appliquées dans les services de gériatrie à l'hôpital, pourquoi dès lors ne pas les appliquer également aux maisons de repos ? De nombreuses pistes dans ce domaine restent encore à explorer et pourraient sans doute faire l'objet d'autres travaux pour mieux appréhender la relation triangulaire médecin-patient-entourage.