"S i la maladie hémorroïdaire est fréquente, elle n'en reste pas moins taboue chez de nombreux patients", constate le Dr Marie-Armelle Denis, qui a collaboré à l'élaboration du consensus. Du reste, "ils sont également assez nombreux à évoquer ce diagnostic sans qu'il ait été établi par un médecin. Or, il s'agit parfois de tout autre chose, comme par exemple d'une fissure anale."

Le risque réside donc notamment, dans cette période où la pénurie de médecins a tendance à réduire le temps de consultation, à faire trop vite confiance dans le diagnostic affirmé par le patient et à lui prescrire un traitement topique ou un phlébotrope alors que leur indication n'est pas toujours pertinente, sans compter qu'elle n'est pas reconnue sur le long terme. Et comme, justement, les traitements topiques sont en vente libre, certains patients arrivent à la consultation après plusieurs années d'essais personnels infructueux.

Un des risques encourus, en présence d'une hémorragie, est de passer à côté d'un cancer colorectal méconnu ou d'une maladie inflammatoire de l'intestin.

En cas de manque de temps, face (bis repetita) au délai parfois long pour obtenir un rendez-vous chez un proctologue, un premier tri peut être fait en médecine de première ligne. Un simple examen rapide de la marge anale permet déjà de repérer facilement certaines fissures, voire un cancer local ou un abcès qui inciteront à diriger le patient vers un spécialiste en passant par le service d'urgences pour une prise en charge suffisamment rapide. Le toucher rectal, qui est généralement bien accepté en expliquant correctement son intérêt, permettra évidemment de progresser dans la recherche diagnostique.

D'autres soucis plus chroniques peuvent souvent attendre quelques semaines, comme une maladie hémorroïdaire de grade modéré et qui saigne à bas bruit, un trouble de la statique pelvienne ou une incontinence fécale. Ce type de problème réclame d'ailleurs une prise en charge adaptée.

L'identification des causes (supposées ou réelles) sur le terrain

Contrairement à ce qu'on croit souvent au sein de la population générale, la maladie hémorroïdaire se développe le plus souvent chez des personnes assez jeunes, aux alentours de la trentaine. Il s'y ajoute un terrain héréditaire, une tendance familiale qu'on observe dans les consultations.

Une cause fréquemment évoquée pour expliquer la maladie hémorroïdaire tient dans la consommation élevée de piments, comme c'est le cas pour de nombreuses personnes originaires d'Afrique Centrale ou de l'Ouest. "Cependant, les études comparatives n'ont pas objectivé cette cause possible", tempère Marie-Armelle Denis. "D'autres patients évoquent également des crises après une soirée bien arrosée, un excès relatif de café ou la prise de produits ayant un effet vasodilatateur. Il faudrait probablement lancer d'autres études pour vérifier ce qu'il en est réellement. Au stade actuel des connaissances, seule la recommandation d'éviter la constipation s'avère scientifiquement pertinente."

Sclérothérapie out, topiques et phlébotropes encore in

Dans le domaine du traitement, la sclérose est abandonnée en raison de son manque d'efficacité à moyen et long terme en comparaison avec la ligature et d'un risque plus élevé de complications, notamment infectieuses, alors qu'a priori la maladie hémorroïdaire est une affection bénigne.

Souvent pratiquée, la ligature des hémorroïdes est contre-indiquée chez les patients sous anticoagulants, "car cela peut entraîner des hémorragies importantes. " Il en va de même chez les femmes enceintes, pour lesquelles s'ajoute un risque d'infection parfois sévère. On peut observer chez elles - bien que ce soit rare - le développement d'une thrombose hémorroïdaire étranglée. Dans ce cas, on intervient en enlevant le paquet hémorroïdaire. "C'est assez rapide et efficace, avec moins de risques tant pour le foetus que pour la mère."

A noter encore que les ligatures sont également contre-indiquées chez les patients sous immunosuppresseurs - et ils sont de plus en plus nombreux - pour des greffes ou certaines maladies chroniques, à cause du risque d'infections ou de saignements massifs retardés (souvent dans les quinze premiers jours post-ligature).

Un traitement actuellement en vogue pour la maladie hémorroïdaire de grade 1, autrement dit pour les saignements hémorroïdaires sur des paquets pas trop congestifs et sans prolapsus, est la photocoagulation au moyen d'une sonde à infrarouges. L'acte, qui est rapide à réaliser en consultation de proctologie, entraîne une fibrose par cicatrisation. De petits saignements peuvent survenir, ainsi que de la douleur pendant deux ou trois jours. Ceci dit, les traitements topiques et les phlébotropes aident souvent très bien en cures courtes, en rappelant que l'application d'un topique contenant un corticostéroïde ne doit pas dépasser deux semaines.

Le grade 2, qui correspond à l'existence d'un prolapsus sous l'effort et qui se résorbe spontanément, est une bonne indication des ligatures, qui donnent un bon résultat à moyen terme. Ici encore, et "souvent en fonction de l'expérience personnelle du patient, les phlébotropes peuvent s'envisager en cures courtes, pour autant que le saignement ne soit pas persistant", ajoute la spécialiste.

1. Acta gastroenterol. belg., 2021, 84, 101-120

"S i la maladie hémorroïdaire est fréquente, elle n'en reste pas moins taboue chez de nombreux patients", constate le Dr Marie-Armelle Denis, qui a collaboré à l'élaboration du consensus. Du reste, "ils sont également assez nombreux à évoquer ce diagnostic sans qu'il ait été établi par un médecin. Or, il s'agit parfois de tout autre chose, comme par exemple d'une fissure anale."Le risque réside donc notamment, dans cette période où la pénurie de médecins a tendance à réduire le temps de consultation, à faire trop vite confiance dans le diagnostic affirmé par le patient et à lui prescrire un traitement topique ou un phlébotrope alors que leur indication n'est pas toujours pertinente, sans compter qu'elle n'est pas reconnue sur le long terme. Et comme, justement, les traitements topiques sont en vente libre, certains patients arrivent à la consultation après plusieurs années d'essais personnels infructueux. Un des risques encourus, en présence d'une hémorragie, est de passer à côté d'un cancer colorectal méconnu ou d'une maladie inflammatoire de l'intestin. En cas de manque de temps, face (bis repetita) au délai parfois long pour obtenir un rendez-vous chez un proctologue, un premier tri peut être fait en médecine de première ligne. Un simple examen rapide de la marge anale permet déjà de repérer facilement certaines fissures, voire un cancer local ou un abcès qui inciteront à diriger le patient vers un spécialiste en passant par le service d'urgences pour une prise en charge suffisamment rapide. Le toucher rectal, qui est généralement bien accepté en expliquant correctement son intérêt, permettra évidemment de progresser dans la recherche diagnostique. D'autres soucis plus chroniques peuvent souvent attendre quelques semaines, comme une maladie hémorroïdaire de grade modéré et qui saigne à bas bruit, un trouble de la statique pelvienne ou une incontinence fécale. Ce type de problème réclame d'ailleurs une prise en charge adaptée. Contrairement à ce qu'on croit souvent au sein de la population générale, la maladie hémorroïdaire se développe le plus souvent chez des personnes assez jeunes, aux alentours de la trentaine. Il s'y ajoute un terrain héréditaire, une tendance familiale qu'on observe dans les consultations. Une cause fréquemment évoquée pour expliquer la maladie hémorroïdaire tient dans la consommation élevée de piments, comme c'est le cas pour de nombreuses personnes originaires d'Afrique Centrale ou de l'Ouest. "Cependant, les études comparatives n'ont pas objectivé cette cause possible", tempère Marie-Armelle Denis. "D'autres patients évoquent également des crises après une soirée bien arrosée, un excès relatif de café ou la prise de produits ayant un effet vasodilatateur. Il faudrait probablement lancer d'autres études pour vérifier ce qu'il en est réellement. Au stade actuel des connaissances, seule la recommandation d'éviter la constipation s'avère scientifiquement pertinente."Dans le domaine du traitement, la sclérose est abandonnée en raison de son manque d'efficacité à moyen et long terme en comparaison avec la ligature et d'un risque plus élevé de complications, notamment infectieuses, alors qu'a priori la maladie hémorroïdaire est une affection bénigne. Souvent pratiquée, la ligature des hémorroïdes est contre-indiquée chez les patients sous anticoagulants, "car cela peut entraîner des hémorragies importantes. " Il en va de même chez les femmes enceintes, pour lesquelles s'ajoute un risque d'infection parfois sévère. On peut observer chez elles - bien que ce soit rare - le développement d'une thrombose hémorroïdaire étranglée. Dans ce cas, on intervient en enlevant le paquet hémorroïdaire. "C'est assez rapide et efficace, avec moins de risques tant pour le foetus que pour la mère."A noter encore que les ligatures sont également contre-indiquées chez les patients sous immunosuppresseurs - et ils sont de plus en plus nombreux - pour des greffes ou certaines maladies chroniques, à cause du risque d'infections ou de saignements massifs retardés (souvent dans les quinze premiers jours post-ligature). Un traitement actuellement en vogue pour la maladie hémorroïdaire de grade 1, autrement dit pour les saignements hémorroïdaires sur des paquets pas trop congestifs et sans prolapsus, est la photocoagulation au moyen d'une sonde à infrarouges. L'acte, qui est rapide à réaliser en consultation de proctologie, entraîne une fibrose par cicatrisation. De petits saignements peuvent survenir, ainsi que de la douleur pendant deux ou trois jours. Ceci dit, les traitements topiques et les phlébotropes aident souvent très bien en cures courtes, en rappelant que l'application d'un topique contenant un corticostéroïde ne doit pas dépasser deux semaines. Le grade 2, qui correspond à l'existence d'un prolapsus sous l'effort et qui se résorbe spontanément, est une bonne indication des ligatures, qui donnent un bon résultat à moyen terme. Ici encore, et "souvent en fonction de l'expérience personnelle du patient, les phlébotropes peuvent s'envisager en cures courtes, pour autant que le saignement ne soit pas persistant", ajoute la spécialiste.