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C'est en tout cas ce qu'indique une étude rétrospective sur dix ans qui a été récemment publiée par le World Journal of Clinical Cases[1], et qui évaluait l'efficacité de différentes options thérapeutiques ainsi que l'éventuelle présence de comorbidités préexistantes chez des patients atteints d'une forme sévère d'hémorroïdes. Pour les cas moins sévères (grade 1 ou 2: sans prolapsus, ou avec prolapsus spontanément réductible), le consensus belge publié en 2021 [2] recommande un traitement conservateur, comprenant une supplémentation en fibres, ainsi qu'une cure de veinotropes en cas de saignement. Un traitement instrumental peut s'y ajouter si nécessaire (photocoagulation infrarouge ou ligature élastique). Dans la nouvelle étude portant sur les cas plus sévères, les traitements comparés étaient l'hémorroïdectomie ouverte, l'hémorroïdopexie par agrafes (intervention de Longo), la ligature élastique et la photocoagulation infrarouge. Au total, les auteurs ont recensé 10.940 patients atteints de maladie hémorroïdaire, dont 8.144 traités de manière conservatrice (pharmacologie), 2.097 traités par des procédures peu invasives et 699 traités de manière invasive. Le rapport hommes/femmes était de 1,3 et la catégorie d'âge la plus représentée était celle des 39 à 48 ans. En termes de symptomatologie post-interventionnelle, les auteurs ont calculé une incidence de 90% pour la douleur immédiate, de 1,5% pour les hémorragies immédiates, de 1% pour les hémorragies retardées et de 0,6% pour les infections locales (souvent par Escherichia coli). Plus gênants: le rétrécissement anal (1%), l'incontinence fécale (0,5%) et la rétention urinaire post-cathétérisme vésical (0,2%). Les douleurs postopératoires immédiates et retardées étaient largement plus fréquentes après hémorroïdectomie ouverte (respectivement 95% et 28% des patients) qu'en cas d'hémorroïdopexie par agrafes (4,8% pour tous les incidents douloureux) ou de ligature/photocoagulation (2% pour les deux techniques combinées). Les hémorragies postopératoires immédiates ont été principalement observées après hémorroïdopexie (4% des patients). Dans cette étude, tous les 2.796 patients traités de manière non conservatrice ont subi une coloscopie préopératoire, dans le but de détecter une éventuelle comorbidité intestinale. Et ce n'était pas superflu, car 87 patients (3,1%) étaient porteurs d'une tumeur maligne, le plus souvent localisée au niveau du sigmoïde. Par ailleurs, 35,6% des patients présentaient des diverticules, et des polypes étaient observés dans 23% des cas. Les MICI étaient assez présentes (environ 6%) dans ce groupe de patients, la colite ulcéreuse étant un peu plus fréquente que la maladie de Crohn (rapport: 1,14). S'il n'existe actuellement aucun consensus quant à la nécessité d'inclure une coloscopie dans la procédure diagnostique des hémorroïdes, les auteurs insistent pour leur part sur le bien-fondé de cette précaution au vu de la considérable prévalence de comorbidités. Les hémorroïdes peuvent en effet masquer une hémorragie provoquée par une tumeur du sigmoïde, de façon que celle-ci ne sera pas suspectée. Les patients atteints d'une MICI présentent quant à eux un risque majeur de complications postopératoires, essentiellement des hémorragies et des infections. En matière de comorbidités, signalons encore que 6,6% des patients étaient sous traitement anticoagulant, débouchant sur un taux de 4% d'hémorragies immédiates et de 2% d'hémorragies retardées. Si plusieurs techniques chirurgicales sont disponibles pour les grades 3 et 4, aucun consensus définitif sur leur utilisation et leurs indications n'a été obtenu au niveau mondial. L'hémorroïdoplastie au laser (HPL) compte parmi les techniques les plus récentes. Très peu invasive, elle consiste à cautériser par contact laser direct, au moyen d'une diode radiale introduite dans le plan sous-muqueux, les plexus hémorroïdaires internes. Visant à y limiter le débit sanguin, il ne s'agit donc pas d'une technique de résection des hémorroïdes, et son efficacité se cantonne à la réduction des symptômes de type rectorragies et prolapsus hémorroïdaire. Au moins en théorie, elle est de nature à réduire la gêne et la douleur post-interventionnelles. Plusieurs études lui ont été consacrées dans la maladie hémorroïdaire de grade 3, dont une des plus récentes [3] l'a comparée à l'hémorroïdectomie plus classique, selon la méthode Milligan-Morgan (MM). Dans cette étude ayant duré deux ans, 81 patients ont bénéficié d'une HPL par laser à diode de 1.470 nm, versus 93 patients ayant été traités par MM. Aucune complication peropératoire significative n'est survenue dans les deux groupes. Les patients ayant bénéficié du traitement au laser ont affiché un score de douleur postopératoire plus faible (p < 0,0001). Cependant, après un suivi médian de 25 mois, une récurrence symptomatique a été observée chez 21,6% de ces patients, contre 8,1% des patients du groupe MM (p < 0,05). Ces observations paraissent facilement explicables, d'après les auteurs: comme l'HPL dénature la sous-muqueuse vasculaire et induit ainsi un rétrécissement contrôlé du tissu hémorroïdaire, on peut imaginer qu'une revascularisation hémorroïdaire ou une néo-angiogenèse se produise au bout d'un moment. En résumé, une efficacité bien présente pour le laser, moins de douleurs, mais des récidives nettement plus fréquentes. Cette technique récente serait-elle donc à rejeter? S'il faut évidemment informer les patients de la possibilité d'une récidive à long terme après HPL, on notera aussi que l'absence d'inconfort et de douleur postopératoires peuvent constituer un argument majeur à leurs yeux. Ici, au terme du suivi, ils ont été interrogés sur la possibilité de répéter l'HPL en cas de persistance ou de récidive de la maladie, et ils étaient 95,9% à répondre par l'affirmative. À l'inverse, seulement 59,8% des patients du groupe MM s'y disaient prêts (p < 0,0001). Pour les auteurs, il se pourrait donc (dans un contexte de pathologie non maligne et ne menaçant pas le pronostic vital, comme la maladie hémorroïdaire) que le traitement le plus apprécié ne soit pas nécessairement le plus efficace ni le plus durable, mais plutôt celui combinant efficacité, caractère invasif ou non invasif, douleurs et faible morbidité induite. Ils ajoutent que l'HPL ne modifie pas l'anatomie normale du canal anal et des hémorroïdes, ce qui laisse intacte la possibilité d'un traitement chirurgical ultérieur plus invasif en cas de récidives.