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Epargner et investir, ce n'est pas la même chose. Les banquiers furent nombreux à expliquer ceci à leurs clients au moment où les carnets de dépôt rapportaient vraiment trois fois rien. Ce n'est toujours pas princier, mais soit... Le message est clair: le carnet de dépôt est très sûr et très liquide, puisqu'on peut retirer son argent du jour au lendemain, quitte bien entendu à perdre la prime de fidélité. Par contre, on ne peut pas en espérer des étincelles. Pour vraiment gagner de l'argent, il faut prendre des risques, fussent-ils fort raisonnables. C'est-à-dire viser les actions, en particulier, au moins pour une partie de son patrimoine. Et pour éviter de faire de mauvais choix individuels, on conseillera un fonds bien diversifié. Fort bien, mais... De fait, il est indispensable de connaître l'horizon de placement du candidat investisseur. Veut-il faire face à un évènement imprévu pouvant entraîner des frais? On visera alors clairement l'épargne. Même chose s'il s'agit d'acheter une voiture l'année prochaine. Car c'est à long terme que la bourse est le meilleur investissement, comme l'immobilier d'ailleurs. Elle est donc tout indiquée pour le trentenaire actif qui vise un complément de revenu à la retraite. Pour la voiture à acheter en 2025 par contre, ce serait clairement prendre un risque excessif. Sans remonter au déluge, rappelons le krach du début 2020, quand les bourses européennes perdirent un tiers de leur valeur en un mois à peine! D'autant plus vexant de devoir vendre à ce moment précis, alors que la chute était oubliée un mois plus tard. La remontée peut évidemment prendre beaucoup plus de temps: les sommets de la fin 2021 n'ont été retrouvés qu'au début 2024. Et la terrible année 2022 a rappelé, phénomène rare il est vrai, qu'un krach pouvait également concerner les obligations: certaines ont perdu près de 20% de leur valeur! Fort bien, une fois encore, mais... Si l'achat concerne non pas une voiture mais une maison et qu'il est envisagé à échéance de cinq ans? Ne serait-il pas dommage de se contenter du carnet de dépôt? À défaut de la bourse, ne peut-on pas envisager les obligations? Et y a-t-il alors moyen d'éviter tout risque de moins-value? Oui, absolument! La solution existe: elle s'appelle le "fonds à échéance". Le nom du produit est explicite: le fonds a une date d'échéance, à laquelle le souscripteur est certain de retrouver sa mise de départ. Sans moins-value, ni plus-value, en tout cas autre que les revenus annuels accumulés quand il s'agit d'un fonds de capitalisation. Un fonds à échéance a un fonctionnement un peu particulier: la souscription est généralement ouverte pendant de longs mois. C'est ce qu'on appelle la "période de montée en puissance", pendant laquelle les souscriptions recueillies sont progressivement investies. Par contre, une fois cette période terminée, on ne peut plus acheter des parts du fonds. Ce type de fonds est donc "ouvert" au début, mais "fermé" ensuite. Alors que la plupart des fonds sont en principe l'un ou l'autre. Autre particularité: le caractère statique du portefeuille. Sauf en cas d'alerte sur un débiteur, par exemple, les obligations achetées au départ sont conservées jusqu'à leur échéance. C'est en effet le plus sûr moyen de ne pas subir de moins-value en cas de hausse des taux d'intérêt (cf. l'année 2022! ), puisque l'obligation est alors remboursée à 100%. Précisons toutefois, pour être précis, que le but est d'acheter des titres qui échoient en tout cas durant l'année d'échéance du fonds, mais pas au jour ni à la semaine près! Le délai peut être de plusieurs mois. La raison en est simple: le marché obligataire international est vaste, certes, mais le choix n'est pas infini. Les obligations une fois remboursées par leur émetteur, le fonds conserve les liquidités obtenues, en principe sans les réinvestir autrement qu'à très court terme, en attendant son échéance. Le souci est toujours de ne pas subir une fluctuation de la valeur en fonction des conditions de marché. De tels fonds présentent dès lors un risque très limité. Ils seront souvent noté 2 sur une échelle allant jusqu'à 7, alors que d'autres fonds obligataires peuvent être notés 3. Les fonds d'actions, eux, recevront parfois un 4, plus souvent un 5, voire 6 s'ils sont très spéculatifs. C'est un 2 qui a ainsi été attribué au fonds BNP Paribas Flexi Obliselect Euro 2028 qu'on va prendre comme exemple. Il le doit largement à son échéance fixe, car il n'est pas investi uniquement en obligations souveraines (c'est-à-dire émises par des États) ou autres émissions de première qualité: il peut mettre en portefeuille jusqu'à 30% d'émissions dont la notation est inférieure à "qualité d'investissement". Celles-ci présentent un risque supérieur et, en conséquence, offrent un rendement également supérieur. On notera que la part de ces obligations un peu plus risquées a tendance à baisser dans les portefeuilles des fonds, maintenant que les rendements ne sont plus misérables pour les émissions de très bonne qualité. Ce fonds de BNP Paribas a le statut de sicav luxembourgeoise, présente une échéance au 30 juin 2028 et vise un rendement annuel de 3%. C'est assez modeste, car le Carmignac Credit 2029, autre fonds à échéance, vise plus de 4%. Ce sont des fonds de capitalisation, qui accumulent donc les revenus (les coupons des obligations) jusqu'à l'échéance. Logique pour un tel produit: l'investisseur achetant un fonds à échéance souhaite disposer d'un capital à cette date et ne vise normalement pas un rendement annuel. Au fait, que trouve-t-on dans le portefeuille de ce fonds de BNP Paribas? Avec pour gestionnaire une banque française (via une entité luxembourgeoise créée naguère par... Fortis), le fonds détenait assez logiquement 22% d'obligations d'entreprises françaises à fin 2023, suivies par les allemandes et néerlandaises (9%) notamment. Près de trois quarts du portefeuille sont le fait d'obligations classiques, mais on relève pas moins de 22% d'obligations à taux flottant, c'est-à-dire variable. Une bonne manière de profiter de la hausse des taux d'intérêt. Toutes ces obligations ont pour émetteur une entreprise ; aucune émission d'État ne figure dans le portefeuille. Le même émetteur a déjà lancé une obligation à échéance 2029 et ce n'est pas étonnant: comme le produit s'adresse en principe à un investisseur ayant un horizon précis, il faut offrir un choix de millésimes assez large, étant entendu que l'échéance est souvent de cinq ans, mais absolument pas de dix. Un autre gestionnaire de fonds, Rothschild & Co, propose également à la fois 2028 et 2029. Et il en existe plusieurs autres. Les fonds à échéance sont vraiment dans l'air du temps!