Sept patients ayant bénéficié d'une chirurgie bariatrique ont été interrogés via des entretiens individuels semi-dirigés, dans le but de mieux comprendre leur vécu et de clarifier la place que peut prendre le médecin généraliste dans la prise en charge de l'obésité par la chirurgie bariatrique.

L'analyse qualitative des témoignages révèle différentes phases émotionnelles par lesquelles les patients peuvent passer une fois que le processus d'intervention chirurgicale est enclenché. Le médecin généraliste, présent en première ligne, a un rôle crucial dans l'accompagnement des patients face aux changements et dans l'identification des signes précoces d'une souffrance psychologique, à condition d'être attentif de manière continue à l'évolution émotionnelle des patients. Il pourrait également être un relai vers les aides disponibles et en informer le patient.

Méthodologie

ll s'agit d'une étude qualitative menée au travers d'entretiens de patients ayant bénéficié d'une chirurgie bariatrique. Chaque entretien est individuel, compréhensif et semi-dirigé à l'aide d'un guide qui aborde de manière non exclusive différents thèmes tels que la perception de l'obésité, le vécu avant et après l'opération, la démarche décisionnelle, le rôle du médecin généraliste et les ressources personnelles du patient.

De manière à obtenir une diversité élargie de données, des profils différents ont été recherchés selon des caractéristiques susceptibles d'influencer ces données, telles que le type de chirurgie bariatrique (le bypass ou le sleeve), le délai variable entre le moment de l'intervention et le moment de l'entretien (six mois à six ans) ainsi que le degré variable de satisfaction face à l'intervention.

Tous les entretiens ont été analysés selon la méthode de théorisation ancrée, une démarche inductive qui consiste à se familiariser avec les témoignages, à codifier les entretiens en étiquettes, à regrouper ces dernières en catégories pour obtenir des thèmes plus généraux. C'est un travail de prise de distance par rapport aux propos recueillis, un travail qui permet de faire émerger du sens, des idées, voire une théorie, à partir des données du terrain et du discours des patients, les verbatims.

L'objectif est d'explorer leurs ressentis ainsi que l'évolution psychologique lors de la prise en charge.

Résultats

Lors de l'analyse, trois thèmes ont été relevés. Le premier met en évidence la relation des patients avec leur poids avant la chirurgie. Le deuxième est synthétisé sur une ligne du temps, identifiant les phases émotionnelles par lesquelles le patient peut passer lors du parcours bariatrique. Le troisième démontre l'implication du médecin généraliste dans cette prise en charge.

1. Moi et mon poids avant la chirurgie: la relation du patient avec son poids.

Selon les patients interrogés, l'obésité n'est pas seulement un problème comportemental: elle est le résultat d'une vulnérabilité individuelle, exacerbée par des déterminants multiples (politiques, économiques, psychologiques). Ces derniers s'ancrent dans une société qui les pousse parfois à être "victime" de leur obésité.

2. De victime à acteur de l'obésité: la vie après la chirurgie bariatrique.

Le deuxième thème est synthétisé et schématisé sur une ligne du temps, créée par le chercheur. L'ensemble des récits de patients fait émerger quatre grandes phases représentées en fonction du temps sur la courbe bleue. Celle-ci exprime les phases émotionnelles par lesquelles les patients semblent passer lors de la prise en charge chirurgicale de l'obésité: la première phase "Honey Moon", la deuxième phase "Hangover", la troisième phase "Back to reality", la quatrième phase "Let's go". Deux points d'inflexion sur la courbe sont décrits comme des points de départ de parcours alternatifs empruntés par certains patients, ici représentés par la courbe verte et la courbe orange (voir graphique). Ce vécu est propre à chaque individu et varie en fonction de l'histoire personnelle du patient.

3. Le médecin généraliste: une place à trouver dans la prise en charge de l'obésité.

Le troisième thème aborde la perception du patient par rapport à l'implication du médecin généraliste dans cette prise en charge. Selon les patients, le médecin traitant est perçu comme une personne de confiance, stimulant la perte pondérale, conseillant la chirurgie dans certains cas et étant témoin d'un souhait, de la part du patient, de prise en charge urgente de l'obésité. Après la chirurgie, l'intervention du médecin généraliste auprès des patients ayant bénéficié d'une chirurgie bariatrique peut être différente selon l'évolution post-opératoire. Le rôle du médecin généraliste est crucial dans la conscientisation des enjeux de la chirurgie bariatrique, dans l'accompagnement pré et post-opératoire des patients ainsi que dans l'identification des signes précoces de fragilité psychologique.

Conclusion

Prévenir l'obésité et accompagner les patients obèses est un enjeu sociétal majeur. Les données épidémiologiques sont sans équivoque, nous allons être de plus en plus confrontés à une population qui aura recours à la chirurgie bariatrique. Celle-ci n'a plus à démontrer son efficacité, tant sur la perte pondérale que sur la diminution des comorbidités associées. Cependant, une telle intervention bouleverse une vie. Quiconque l'envisage doit être conscient des enjeux et des changements qu'elle va apporter dans le quotidien et le suivi médical qu'elle exige à long terme. Toutes ces modifications tant corporelles que psychologiques constitueront un défi permanent pour le reste d'une vie. Pour tendre vers une réussite au long terme de la chirurgie bariatrique, le médecin généraliste est un levier crucial dans l'accompagnement de ces patients en changement, un accompagnement pluridisciplinaire ancré dans le temps. Mais ne serait-il pas plus judicieux de s'investir davantage dans la prévention de l'obésité plutôt que dans sa prise en charge?

Titre complet : Chirurgie bariatrique, du rêve à la réalité: Comment les patients vivent-ils la prise en charge de l'obésité par la chirurgie bariatrique? Étude du vécu de ces patients et réflexion sur le rôle du médecin généraliste dans l'accompagnement de ces patients.

Auteur: Dr Charline Bronchain (UCLouvain)

Promoteur: Dr F. Chevalier

Co-promoteur: Dr S. de Rouffignac

Master complémentaire en médecine générale

Année académique 2019-2020

Sept patients ayant bénéficié d'une chirurgie bariatrique ont été interrogés via des entretiens individuels semi-dirigés, dans le but de mieux comprendre leur vécu et de clarifier la place que peut prendre le médecin généraliste dans la prise en charge de l'obésité par la chirurgie bariatrique.L'analyse qualitative des témoignages révèle différentes phases émotionnelles par lesquelles les patients peuvent passer une fois que le processus d'intervention chirurgicale est enclenché. Le médecin généraliste, présent en première ligne, a un rôle crucial dans l'accompagnement des patients face aux changements et dans l'identification des signes précoces d'une souffrance psychologique, à condition d'être attentif de manière continue à l'évolution émotionnelle des patients. Il pourrait également être un relai vers les aides disponibles et en informer le patient. Méthodologie ll s'agit d'une étude qualitative menée au travers d'entretiens de patients ayant bénéficié d'une chirurgie bariatrique. Chaque entretien est individuel, compréhensif et semi-dirigé à l'aide d'un guide qui aborde de manière non exclusive différents thèmes tels que la perception de l'obésité, le vécu avant et après l'opération, la démarche décisionnelle, le rôle du médecin généraliste et les ressources personnelles du patient. De manière à obtenir une diversité élargie de données, des profils différents ont été recherchés selon des caractéristiques susceptibles d'influencer ces données, telles que le type de chirurgie bariatrique (le bypass ou le sleeve), le délai variable entre le moment de l'intervention et le moment de l'entretien (six mois à six ans) ainsi que le degré variable de satisfaction face à l'intervention. Tous les entretiens ont été analysés selon la méthode de théorisation ancrée, une démarche inductive qui consiste à se familiariser avec les témoignages, à codifier les entretiens en étiquettes, à regrouper ces dernières en catégories pour obtenir des thèmes plus généraux. C'est un travail de prise de distance par rapport aux propos recueillis, un travail qui permet de faire émerger du sens, des idées, voire une théorie, à partir des données du terrain et du discours des patients, les verbatims. L'objectif est d'explorer leurs ressentis ainsi que l'évolution psychologique lors de la prise en charge. Lors de l'analyse, trois thèmes ont été relevés. Le premier met en évidence la relation des patients avec leur poids avant la chirurgie. Le deuxième est synthétisé sur une ligne du temps, identifiant les phases émotionnelles par lesquelles le patient peut passer lors du parcours bariatrique. Le troisième démontre l'implication du médecin généraliste dans cette prise en charge. 1. Moi et mon poids avant la chirurgie: la relation du patient avec son poids. Selon les patients interrogés, l'obésité n'est pas seulement un problème comportemental: elle est le résultat d'une vulnérabilité individuelle, exacerbée par des déterminants multiples (politiques, économiques, psychologiques). Ces derniers s'ancrent dans une société qui les pousse parfois à être "victime" de leur obésité. 2. De victime à acteur de l'obésité: la vie après la chirurgie bariatrique. Le deuxième thème est synthétisé et schématisé sur une ligne du temps, créée par le chercheur. L'ensemble des récits de patients fait émerger quatre grandes phases représentées en fonction du temps sur la courbe bleue. Celle-ci exprime les phases émotionnelles par lesquelles les patients semblent passer lors de la prise en charge chirurgicale de l'obésité: la première phase "Honey Moon", la deuxième phase "Hangover", la troisième phase "Back to reality", la quatrième phase "Let's go". Deux points d'inflexion sur la courbe sont décrits comme des points de départ de parcours alternatifs empruntés par certains patients, ici représentés par la courbe verte et la courbe orange (voir graphique). Ce vécu est propre à chaque individu et varie en fonction de l'histoire personnelle du patient. 3. Le médecin généraliste: une place à trouver dans la prise en charge de l'obésité. Le troisième thème aborde la perception du patient par rapport à l'implication du médecin généraliste dans cette prise en charge. Selon les patients, le médecin traitant est perçu comme une personne de confiance, stimulant la perte pondérale, conseillant la chirurgie dans certains cas et étant témoin d'un souhait, de la part du patient, de prise en charge urgente de l'obésité. Après la chirurgie, l'intervention du médecin généraliste auprès des patients ayant bénéficié d'une chirurgie bariatrique peut être différente selon l'évolution post-opératoire. Le rôle du médecin généraliste est crucial dans la conscientisation des enjeux de la chirurgie bariatrique, dans l'accompagnement pré et post-opératoire des patients ainsi que dans l'identification des signes précoces de fragilité psychologique. Prévenir l'obésité et accompagner les patients obèses est un enjeu sociétal majeur. Les données épidémiologiques sont sans équivoque, nous allons être de plus en plus confrontés à une population qui aura recours à la chirurgie bariatrique. Celle-ci n'a plus à démontrer son efficacité, tant sur la perte pondérale que sur la diminution des comorbidités associées. Cependant, une telle intervention bouleverse une vie. Quiconque l'envisage doit être conscient des enjeux et des changements qu'elle va apporter dans le quotidien et le suivi médical qu'elle exige à long terme. Toutes ces modifications tant corporelles que psychologiques constitueront un défi permanent pour le reste d'une vie. Pour tendre vers une réussite au long terme de la chirurgie bariatrique, le médecin généraliste est un levier crucial dans l'accompagnement de ces patients en changement, un accompagnement pluridisciplinaire ancré dans le temps. Mais ne serait-il pas plus judicieux de s'investir davantage dans la prévention de l'obésité plutôt que dans sa prise en charge?