L'incapacité de travail est prescrite quotidiennement en médecine générale. Son rôle à première vue thérapeutique permet au patient un temps de repos. Cependant, apposer notre signature au bas de ce certificat soulève d'autres questions.

Lors de mes débuts en tant qu'assistante, j'ai été interpellée par la quantité de consultations en rapport avec des prolongations d'incapacité de travail et le nombre important de patients se présentant pour des problèmes de santé semblant en lien avec leur travail.(...)

Nous sommes régulièrement les prescripteurs de la première incapacité de travail et du renouvellement de celle-ci. Cela a toute son importance lorsque l'on sait que " après trois mois d'incapacité de travail, les chances de retour vers le dernier emploi sont de 50%, après un an de 20%, au bout de 2 ans, elles chutent à 10%".

Au travers de différentes situations cliniques au cours de ma pratique, je me suis interrogée sur le bien-fondé de plusieurs motifs d'incapacité. J'ai parfois été empêtrée dans un cercle vicieux: un premier certificat en ayant entraîné un autre, puis encore un autre, sans parvenir à en voir le terme. Je me suis parfois sentie assez démunie et peu outillée.

Cet inconfort dans ma position de médecin a été à l'origine d'un questionnement plus global qui a remis ma pratique en question. En effet, mon rôle est avant tout de mettre en place le traitement que je juge nécessaire pour le bien de mon patient, cela peut parfois se résumer à ladite incapacité de travail, afin de permettre un temps de repos nécessaire. Cependant, prolonger un certificat pendant plusieurs mois est-ce en faire usage à bon escient?

Au cours de notre parcours universitaire, on nous a régulièrement répété de faire un usage rationnel des prescriptions, notamment en ce qui concerne la prescription d'examens d'imagerie, de biologie, ou des prescriptions de médicaments en privilégiant ceux dits "bon marché". Nous avons donc clairement un rôle sociétal à prendre en compte, en tant que "garant de la sécurité sociale".

Mais qu'en est-il de la prescription rationnelle d'incapacité de travail? Comment composer au mieux entre le rôle du médecin dans sa relation avec le patient et son rôle vis-à-vis de la société?

Ce travail de fin d'études (TFE) n'a pas pour objectif d'apporter une réponse univoque à ces différentes questions. Il a pour objectif de partager un début de réflexion basé sur la question suivante: le travail dans notre société actuelle est-il en partie la cause de l'augmentation de l'invalidité? Quel est notre place en tant que médecin généraliste dans cette problématique?

Ce TFE se présente comme une revue critique de la littérature, basée sur des articles scientifiques et des ouvrages de référence. Ma réflexion a par ailleurs été alimentée par des discussions avec différents médecins.

Evolution de l'invalidité

Je vais aborder ce sujet en m'inspirant de certaines caractéristiques propres à notre profession selon la définition de la médecine générale par la Wonca. Ceci va permettre de prendre du recul par rapport à la seule relation médecin-patient et aborder ce thème de manière plus transversale.

Une première partie du TFE s'intéresse à l'évolution de l'invalidité en Belgique au cours des dernières années, permettant une mise en contexte du sujet. Nous verrons que deux groupes de pathologies représentent à eux seuls les deux tiers des motifs d'invalidité: les pathologies musculo-squelettiques et les troubles psychiques. Ces deux motifs ont permis de guider la suite de ce travail.

Dans la seconde partie, au départ de la relation médecin-patient et de situations cliniques, ce travail va permettre d'ouvrir la discussion autour de la mise en incapacité. L'objectif est d'entamer une réflexion à propos d'un acte quotidien du médecin généraliste, au coeur de notre métier. Nous allons explorer ce thème selon différents points de vue: tant celui du patient, premier concerné, que celui du médecin à la base de la signature, ainsi qu'au regard de la société, de manière plus globale.

Cet acte a des répercussions, tant au niveau économique que sociétal, et s'inscrit dans une réflexion éthique et philosophique que nous évoquerons dans la troisième partie.

Enfin, une dernière partie évoquera quelques pistes de solution en vue d'améliorer la prise en charge de ces patients et quelques propositions de changement au point de vue sociétal.

Titre complet: le travail, l'invalidité et le médecin généraliste: une relation interdépendante? Revue de la littérature axée sur deux des motifs d'invalidité les plus fréquents en Belgique.

Auteur: Dr Camille Fox (ULiège)

Promoteur: Dr Stéphane Debanterlé

Tutrice: Dr Mélanie Delperdange

Master complémentaire en médecine générale

Année académique 2019-2020

L'incapacité de travail est prescrite quotidiennement en médecine générale. Son rôle à première vue thérapeutique permet au patient un temps de repos. Cependant, apposer notre signature au bas de ce certificat soulève d'autres questions. Lors de mes débuts en tant qu'assistante, j'ai été interpellée par la quantité de consultations en rapport avec des prolongations d'incapacité de travail et le nombre important de patients se présentant pour des problèmes de santé semblant en lien avec leur travail.(...) Nous sommes régulièrement les prescripteurs de la première incapacité de travail et du renouvellement de celle-ci. Cela a toute son importance lorsque l'on sait que " après trois mois d'incapacité de travail, les chances de retour vers le dernier emploi sont de 50%, après un an de 20%, au bout de 2 ans, elles chutent à 10%".Au travers de différentes situations cliniques au cours de ma pratique, je me suis interrogée sur le bien-fondé de plusieurs motifs d'incapacité. J'ai parfois été empêtrée dans un cercle vicieux: un premier certificat en ayant entraîné un autre, puis encore un autre, sans parvenir à en voir le terme. Je me suis parfois sentie assez démunie et peu outillée. Cet inconfort dans ma position de médecin a été à l'origine d'un questionnement plus global qui a remis ma pratique en question. En effet, mon rôle est avant tout de mettre en place le traitement que je juge nécessaire pour le bien de mon patient, cela peut parfois se résumer à ladite incapacité de travail, afin de permettre un temps de repos nécessaire. Cependant, prolonger un certificat pendant plusieurs mois est-ce en faire usage à bon escient? Au cours de notre parcours universitaire, on nous a régulièrement répété de faire un usage rationnel des prescriptions, notamment en ce qui concerne la prescription d'examens d'imagerie, de biologie, ou des prescriptions de médicaments en privilégiant ceux dits "bon marché". Nous avons donc clairement un rôle sociétal à prendre en compte, en tant que "garant de la sécurité sociale". Mais qu'en est-il de la prescription rationnelle d'incapacité de travail? Comment composer au mieux entre le rôle du médecin dans sa relation avec le patient et son rôle vis-à-vis de la société? Ce travail de fin d'études (TFE) n'a pas pour objectif d'apporter une réponse univoque à ces différentes questions. Il a pour objectif de partager un début de réflexion basé sur la question suivante: le travail dans notre société actuelle est-il en partie la cause de l'augmentation de l'invalidité? Quel est notre place en tant que médecin généraliste dans cette problématique? Ce TFE se présente comme une revue critique de la littérature, basée sur des articles scientifiques et des ouvrages de référence. Ma réflexion a par ailleurs été alimentée par des discussions avec différents médecins. Je vais aborder ce sujet en m'inspirant de certaines caractéristiques propres à notre profession selon la définition de la médecine générale par la Wonca. Ceci va permettre de prendre du recul par rapport à la seule relation médecin-patient et aborder ce thème de manière plus transversale. Une première partie du TFE s'intéresse à l'évolution de l'invalidité en Belgique au cours des dernières années, permettant une mise en contexte du sujet. Nous verrons que deux groupes de pathologies représentent à eux seuls les deux tiers des motifs d'invalidité: les pathologies musculo-squelettiques et les troubles psychiques. Ces deux motifs ont permis de guider la suite de ce travail. Dans la seconde partie, au départ de la relation médecin-patient et de situations cliniques, ce travail va permettre d'ouvrir la discussion autour de la mise en incapacité. L'objectif est d'entamer une réflexion à propos d'un acte quotidien du médecin généraliste, au coeur de notre métier. Nous allons explorer ce thème selon différents points de vue: tant celui du patient, premier concerné, que celui du médecin à la base de la signature, ainsi qu'au regard de la société, de manière plus globale. Cet acte a des répercussions, tant au niveau économique que sociétal, et s'inscrit dans une réflexion éthique et philosophique que nous évoquerons dans la troisième partie. Enfin, une dernière partie évoquera quelques pistes de solution en vue d'améliorer la prise en charge de ces patients et quelques propositions de changement au point de vue sociétal.