"Notre système actuel de soins de santé est essentiellement basé sur une approche par maladie et financé par prestation, ce qui n'est pas optimal pour faire face aux défis du vieillissement et de la multiplication des maladies chroniques. C'est pourquoi il est souhaitable d'évoluer vers un système de "soins intégrés", c'est-à-dire des soins plus adaptés aux besoins multidimensionnels des patients atteints de maladies chroniques, tout au long de leur vie et à travers les différentes lignes de soins. Différentes initiatives en ce sens sont déjà en cours en Belgique, tant au niveau fédéral que des entités fédérées, mais les acteurs de terrain ont l'impression que celles-ci ne sont pas encore assez coordonnées. Le nouveau Plan interfédéral sur les Soins intégrés, prévu pour début 2024, devrait pouvoir y remédier", avancent les auteurs du rapport N°359b (1).

À la demande du ministre de la Santé publique, ils ont été chargés de cartographier les soins intégrés en Belgique et d'identifier les points d'action pour permettre une transition vers davantage d'intégration des soins. De nombreux professionnels et experts de la santé et du social ont été consultés. Trois priorités ont été dégagées : un accord politique clair, une définition des territoires et une réforme du financement des soins.

Cette prise en charge globale requiert, selon le centre fédéral, une coordination non seulement de tous les acteurs au sein du secteur de la santé, mais aussi au-delà, avec une inclusion des services sociaux et de l'aide à la personne.

Initiatives dispersées

Le KCE rappelle que des initiatives de soins intégrés ont été lancées dans notre pays, notamment sous la forme de projets pilotes, dont ceux lancés par l'ancienne ministre de la santé publique Maggie De Block. "Les différentes réformes en cours tant au niveau de l'État fédéral que des entités fédérées (par exemple la réforme des hôpitaux, Proxisanté en Wallonie, les 'eerstelijnszones' en Flandre...) visent également une plus grande intégration des soins", précisent les chercheurs. "Par ailleurs, les soins intégrés recouvrent de nombreux secteurs qui ont souvent aussi leurs propres plans et réformes politiques. Toutes ces initiatives apparaissent aux yeux des acteurs de terrain comme dispersées ; ils ne distinguent pas directement les liens et les priorités entre elles. Néanmoins, les acteurs interrogés ont manifesté une réelle volonté commune de s'engager, même si le sujet est à l'ordre du jour depuis de nombreuses années. Il est donc temps d'aller de l'avant !", soutient le KCE.

Définir le cadre politique

La première priorité dégagée par les chercheurs est la nécessité de définir un cadre politique clair. "Les parties prenantes en appellent à un accord de collaboration interfédéral dans lequel tous les niveaux de pouvoir coordonneraient leurs différentes initiatives et définiraient ensemble les réformes et autres initiatives qu'ils souhaitent mettre en oeuvre. Depuis lors, ceci a déjà été amorcé via le développement d'un Plan interfédéral sur les Soins Intégrés", précisent-ils.

Ce plan est développé actuellement par l'Inami, le SPF Santé publique et le cabinet du ministre Vandenbroucke, avec la contribution des entités fédérées et l'aide du consortium WeCare. Il s'appuie sur des groupes de projets existants et déjà coordonnés, dans trois domaines de soins : 12 projets pilotes en faveur des malades chroniques ; 19 projets de formes alternatives de soins et de soutien aux personnes âgées fragiles et 32 projets pour renforcer l'offre de soins psychologiques de 1re ligne dans l'ensemble du pays via les réseaux de soins en santé mentale. Ce plan devrait être prêt au début de l'année 2024.

La deuxième priorité, identifiée par les chercheurs, est le développement des soins intégrés en Belgique doit se faire selon une approche territoriale. "Cela permet de bien cerner les besoins de la population bénéficiaire (approche populationnelle) et d'identifier les partenaires avec lesquels on peut collaborer. La plupart des initiatives et réformes des soins de santé citées plus haut reposent déjà sur une base territoriale, et il en va de même dans le secteur social et de l'aide à la personne. Le problème est ici encore que ces différentes zones géographiques sont difficilement articulables entre elles", souligne le KCE. Il estime que plusieurs questions doivent donc être résolues au niveau politique avant de pouvoir aller plus avant : comment aligner les différentes approches territoriales existantes ? Quelle est la taille optimale d'un territoire ? Comment chaque territoire doit-il être géré ? "Aucune réponse claire et nette ne ressort de l'étude, chaque approche présentant ses propres avantages et inconvénients", concluent les chercheurs.

Une certitude : il sera indispensable de renforcer dans ces territoires la première ligne de soins et la collaboration entre intervenants. "Ce "maillage multidisciplinaire" autour du patient devrait idéalement inclure des acteurs de la santé préventive, somatique et mentale, du secteur social et de l'aide à la personne, tant en ambulatoire qu'au niveau hospitalier. Une telle évolution passe nécessairement par l'utilisation d'outils numériques communs, par exemple en facilitant l'accès des uns et des autres aux informations pertinentes, en rémunérant les temps de coordination, etc".

Revoir le financement

La troisième priorité est une réforme du système de financement des soins, qui est actuellement principalement basé sur le volume de soins prestés. Une réforme qui va dans le même que celle du financement hospitalier qui prévoit des paiements groupés visant à renforcer la continuité des soins et à décourager les tests et examens redondants. Le paiement à l'acte est considéré comme l'un des principaux obstacles à l'intégration des soins, car il ne comporte pas suffisamment d'incitations à la collaboration, à la coordination et à la prévention. "Il faudrait idéalement tendre vers un modèle de financement mixte, avec, à côté des paiements à l'acte, une part de financements alternatifs (par exemple forfaitaires) non directement liés au nombre de prestations, ainsi que des incitants à la qualité", avance le KCE.

Les chercheurs estiment qu'il faudra prévoir un investissement initial substantiel pour implanter les soins intégrés. "Si le passage à des soins (plus) intégrés devrait en théorie mener à terme à un retour sur investissement (par exemple en renforçant la prévention peut réduire à long terme les coûts des soins curatifs), il est illusoire de penser que renforcer la multidisciplinarité, soutenir la 1ère ligne et réformer le système de financement puisse être neutre à court terme pour le budget des soins de santé."

Un colloque pour en débattre

Si l'évolution des soins intégrés vous intéresse, n'hésitez pas à vous inscrire au colloque Chronisanté qui durant deux jours donnera la parole à des experts étrangers et belges, lors d'un débat réunissant Ri De Ridder cabinet Vandenbroucke, Brieuc Van Damme (Fondation Roi Baudouin), Olivier Binet (Vivalia), Paul de Munck (GBO), Albert Counet (LUSS), Delphine Mathieux (ASD de la province de Namur), François Perl (Solidaris) et modéré par Vincent Claes (journal du Médecin).

Informations et inscription : https://maladieschroniques.be/chronisante/

(1) Cette étude a été menée en collaboration avec l'Institut de recherche santé et société de l'UCLouvain, ShiftN, la Paqs, Profacts et Hict.

Une définition commune des soins intégrés

Le KCE définit les soins intégrés comme "des soins fournis selon un continuum qui va de la promotion de la santé et la prévention des maladies, au diagnostic, au traitement, à l'accompagnement à long terme en cas de maladie chronique, à la réadaptation et aux soins palliatifs, en fonction des besoins des patients, et ce tout au long de leur vie."

"Notre système actuel de soins de santé est essentiellement basé sur une approche par maladie et financé par prestation, ce qui n'est pas optimal pour faire face aux défis du vieillissement et de la multiplication des maladies chroniques. C'est pourquoi il est souhaitable d'évoluer vers un système de "soins intégrés", c'est-à-dire des soins plus adaptés aux besoins multidimensionnels des patients atteints de maladies chroniques, tout au long de leur vie et à travers les différentes lignes de soins. Différentes initiatives en ce sens sont déjà en cours en Belgique, tant au niveau fédéral que des entités fédérées, mais les acteurs de terrain ont l'impression que celles-ci ne sont pas encore assez coordonnées. Le nouveau Plan interfédéral sur les Soins intégrés, prévu pour début 2024, devrait pouvoir y remédier", avancent les auteurs du rapport N°359b (1).À la demande du ministre de la Santé publique, ils ont été chargés de cartographier les soins intégrés en Belgique et d'identifier les points d'action pour permettre une transition vers davantage d'intégration des soins. De nombreux professionnels et experts de la santé et du social ont été consultés. Trois priorités ont été dégagées : un accord politique clair, une définition des territoires et une réforme du financement des soins.Cette prise en charge globale requiert, selon le centre fédéral, une coordination non seulement de tous les acteurs au sein du secteur de la santé, mais aussi au-delà, avec une inclusion des services sociaux et de l'aide à la personne.Le KCE rappelle que des initiatives de soins intégrés ont été lancées dans notre pays, notamment sous la forme de projets pilotes, dont ceux lancés par l'ancienne ministre de la santé publique Maggie De Block. "Les différentes réformes en cours tant au niveau de l'État fédéral que des entités fédérées (par exemple la réforme des hôpitaux, Proxisanté en Wallonie, les 'eerstelijnszones' en Flandre...) visent également une plus grande intégration des soins", précisent les chercheurs. "Par ailleurs, les soins intégrés recouvrent de nombreux secteurs qui ont souvent aussi leurs propres plans et réformes politiques. Toutes ces initiatives apparaissent aux yeux des acteurs de terrain comme dispersées ; ils ne distinguent pas directement les liens et les priorités entre elles. Néanmoins, les acteurs interrogés ont manifesté une réelle volonté commune de s'engager, même si le sujet est à l'ordre du jour depuis de nombreuses années. Il est donc temps d'aller de l'avant !", soutient le KCE. La première priorité dégagée par les chercheurs est la nécessité de définir un cadre politique clair. "Les parties prenantes en appellent à un accord de collaboration interfédéral dans lequel tous les niveaux de pouvoir coordonneraient leurs différentes initiatives et définiraient ensemble les réformes et autres initiatives qu'ils souhaitent mettre en oeuvre. Depuis lors, ceci a déjà été amorcé via le développement d'un Plan interfédéral sur les Soins Intégrés", précisent-ils. Ce plan est développé actuellement par l'Inami, le SPF Santé publique et le cabinet du ministre Vandenbroucke, avec la contribution des entités fédérées et l'aide du consortium WeCare. Il s'appuie sur des groupes de projets existants et déjà coordonnés, dans trois domaines de soins : 12 projets pilotes en faveur des malades chroniques ; 19 projets de formes alternatives de soins et de soutien aux personnes âgées fragiles et 32 projets pour renforcer l'offre de soins psychologiques de 1re ligne dans l'ensemble du pays via les réseaux de soins en santé mentale. Ce plan devrait être prêt au début de l'année 2024.La deuxième priorité, identifiée par les chercheurs, est le développement des soins intégrés en Belgique doit se faire selon une approche territoriale. "Cela permet de bien cerner les besoins de la population bénéficiaire (approche populationnelle) et d'identifier les partenaires avec lesquels on peut collaborer. La plupart des initiatives et réformes des soins de santé citées plus haut reposent déjà sur une base territoriale, et il en va de même dans le secteur social et de l'aide à la personne. Le problème est ici encore que ces différentes zones géographiques sont difficilement articulables entre elles", souligne le KCE. Il estime que plusieurs questions doivent donc être résolues au niveau politique avant de pouvoir aller plus avant : comment aligner les différentes approches territoriales existantes ? Quelle est la taille optimale d'un territoire ? Comment chaque territoire doit-il être géré ? "Aucune réponse claire et nette ne ressort de l'étude, chaque approche présentant ses propres avantages et inconvénients", concluent les chercheurs. Une certitude : il sera indispensable de renforcer dans ces territoires la première ligne de soins et la collaboration entre intervenants. "Ce "maillage multidisciplinaire" autour du patient devrait idéalement inclure des acteurs de la santé préventive, somatique et mentale, du secteur social et de l'aide à la personne, tant en ambulatoire qu'au niveau hospitalier. Une telle évolution passe nécessairement par l'utilisation d'outils numériques communs, par exemple en facilitant l'accès des uns et des autres aux informations pertinentes, en rémunérant les temps de coordination, etc". La troisième priorité est une réforme du système de financement des soins, qui est actuellement principalement basé sur le volume de soins prestés. Une réforme qui va dans le même que celle du financement hospitalier qui prévoit des paiements groupés visant à renforcer la continuité des soins et à décourager les tests et examens redondants. Le paiement à l'acte est considéré comme l'un des principaux obstacles à l'intégration des soins, car il ne comporte pas suffisamment d'incitations à la collaboration, à la coordination et à la prévention. "Il faudrait idéalement tendre vers un modèle de financement mixte, avec, à côté des paiements à l'acte, une part de financements alternatifs (par exemple forfaitaires) non directement liés au nombre de prestations, ainsi que des incitants à la qualité", avance le KCE.Les chercheurs estiment qu'il faudra prévoir un investissement initial substantiel pour implanter les soins intégrés. "Si le passage à des soins (plus) intégrés devrait en théorie mener à terme à un retour sur investissement (par exemple en renforçant la prévention peut réduire à long terme les coûts des soins curatifs), il est illusoire de penser que renforcer la multidisciplinarité, soutenir la 1ère ligne et réformer le système de financement puisse être neutre à court terme pour le budget des soins de santé." Si l'évolution des soins intégrés vous intéresse, n'hésitez pas à vous inscrire au colloque Chronisanté qui durant deux jours donnera la parole à des experts étrangers et belges, lors d'un débat réunissant Ri De Ridder cabinet Vandenbroucke, Brieuc Van Damme (Fondation Roi Baudouin), Olivier Binet (Vivalia), Paul de Munck (GBO), Albert Counet (LUSS), Delphine Mathieux (ASD de la province de Namur), François Perl (Solidaris) et modéré par Vincent Claes (journal du Médecin).Informations et inscription : https://maladieschroniques.be/chronisante/(1) Cette étude a été menée en collaboration avec l'Institut de recherche santé et société de l'UCLouvain, ShiftN, la Paqs, Profacts et Hict.