Si ce lundi 19 septembre était l'occasion de célébrer la fonction psychomotrice, la journée aura vraisemblablement un goût amer pour beaucoup. Depuis la décision du Conseil national des professions paramédicales en juin de ne pas offrir le statut de profession à la psychomotricité, c'est l'incompréhension et la colère qui règnent. En 2012, pourtant, un bachelier a été ouvert qui compte aujourd'hui un millier d'étudiants en cours de cursus et près de 300 diplômés. La décision du conseil ayant été approuvé par le cabinet de Maggie De Block, plusieurs centaines de personnes ont manifesté en juillet contre cet avis. Malgré tout, le diplôme du bachelier est quand même reconnu par la communauté française et un psychomotricien peut exercer sans être dans l'illégalité.

Le principal reproche fait à la psychomotricité est celui de proposer des actes qui seraient déjà exercés par d'autres professions paramédicales telles que la kinésithérapie, la logopédie ou l'ergothérapie. Au-delà de ce clivage, la psychomotricité est aussi souvent perçue comme relevant davantage de la pédagogie que du monde médical.

Pourtant, malgré cette accusation, la psychomotricité est souvent amenée à travailler de concert avec d'autres acteurs médicaux, sans forcément marcher sur leurs plates-bandes.

Collaborer pour avancer

Le champ d'action de la psychomotricité n'est pas le même que celui de la médecine, mais cela n'empêche pas un travail en contigüité. "On ne s'occupe pas du même corps que les médecins qui ont un point de vue physique. On ne soigne pas au sens strict, mais on doit travailler en collaboration avec eux. J'ai parfois des collègues neuropsychiatres ou pédopsychiatres qui m'envoient des enfants avec un bilan fonctionnel. Je m'occupe ensuite de leur offrir une relation avec leur environnement pour modifier ou agir sur leurs difficultés", explique Eliane Desmidt, psychomotricienne et enseignante dans le bachelier paramédical en psychomotricité à la Haute école de la province de Liège (HEPL) et la Haute école libre mosane (Helmo).

Dans un dossier réalisé à la suite de la manifestation de juillet, plusieurs professionnels du monde de la santé ont exprimé leur soutien à la psychomotricité à travers des lettres ouvertes ou des opinions. "Je ne doute pas du bienfait qu'apportent les psychomotriciens bien formés. Je m'étonne de cette décision sortie d'un chapeau après les nombreuses concertations sur le terrain entre les différents intervenants" écrit Katia Cherton, médecin généraliste à Namêche. On trouve aussi l'intervention d'une pédiatre, Mireille Derasse exerçant à Mehaigne qui note : "les psychomotriciens aident les enfants d'une manière incroyable en mettant leur corps en adéquation avec leur cerveau, de nombreux troubles du comportement sont évités grâce aux thérapies".

Si certains peuvent craindre que la psychomotricité empiète sur leurs activités, d'autres sont convaincus de l'importance de cette fonction psychomotrice. "C'est une profession qui gagne à être reconnue puisqu'elle est tout à fait différente des autres. Certains ne voient pas l'utilité de la psychomotricité alors que c'est une formation aussi riche que celle de kinésithérapie", explique Carole Coenon, maitre assistante dans le bachelier de psychomotricité et qui exerce en tant que kinésithérapeute et psychomotricienne dans un centre pédiatrique à Liège.

La thérapie psychomotrice ne s'attache qu'à des patients spécifiques qui ne souffrent pas exclusivement d'un problème moteur mais bien de troubles psychomoteurs où le rapport avec l'environnement est crucial. C'est un travail qui se veut complémentaire avec les autres professions paramédicales.

"Au carrefour de plusieurs disciplines"

Pour Eliane Desmidt, la psychomotricité est une discipline tout à fait spécifique qui ne ressemble pas à ce que font les autres professions du domaine paramédical. "L'objet dont on s'occupe n'est pas le même. Nous sommes en charge de la fonction psychomotrice et des symptômes psychomoteurs. On essaye d'apporter une vision holistique et nous travaillons avec une relation intersubjective qui s'inspire de la psychologie clinique", explique-t-elle.

Contrairement à certaines idées reçues, de nombreux auteurs ont participé à l'élaboration d'une définition claire de la psychomotricité comme le Pr Julian De Ajuriaguerra, neuropsychiatre et psychanalyste français décédé en 1993 qui parle d'une dialectisation entre le corps du sujet et son environnement. Dans cette optique, on peut dire que la psychomotricité a pour fonction de restaurer un lien entre le somatique et le psychique.

Se trouver à l'embranchement de plusieurs disciplines entraîne néanmoins la conséquence qu'il est difficile de percevoir clairement l'apport singulier de la psychomotricité pour le patient. La mission du psychomotricien est d'objectiver un trouble à partir d'un bilan et de comprendre ce que peut exprimer le patient grâce à la motricité. Ce qui fait la subtilité de la thérapie est l'aspect purement relationnel entre le praticien et le patient. "L'approche relationnelle est importante, on va observer la problématique qu'a le patient avec ce qui l'entoure. Pour qu'une personne se développe, elle a besoin d'un potentiel génétique, mais aussi de comprendre son environnement. On veut instaurer ou restaurer les relations entre le patient et cet environnement pour qu'il développe ses potentialités affectives et cognitives", précise Eliane Desmidt.

Des tensions internes à la formation

Tant que la profession n'est pas reconnue, la psychomotricité souffre également de conflits internes au niveau de la vision pédagogique. Le bachelier étant financé à moitié par l'enseignement libre et à moitié par le provincial, les professeurs n'adoptent pas les mêmes points de vue sur l'apprentissage de la psychomotricité. "Les visions pédagogiques sont totalement différentes et les formations sont donc différentes selon les écoles. Au final les étudiants se retrouvent avec des diplômes disparates", précise Eliane Desmidt.

La reconnaissance permettrait de créer une sémantique propre et d'harmoniser l'enseignement de la psychomotricité mais le monde politique ne semble pas prêt d'octroyer les moyens nécessaires à cette construction d'identité.

Aujourd'hui, la psychomotricité est dans l'attente d'une nouvelle décision du cabinet de Maggie De Block. La ministre fédérale a été mise en demeure par l'Union professionnelle belge des psychomotriciens francophones (UPBPF) et la Fédération des étudiants francophones (FEF) et le blocage semble être maintenant entièrement politique. La faute également à un conflit communautaire puisque la profession n'est pas reconnue en Flandre. "Le gouvernement a sûrement peur qu'en tant que profession, la psychomotricité veuillent faire l'acquisition de subventions et des remboursements de soin. Mais ce n'est pas l'objectif des psychomotriciens qui demandent seulement une reconnaissance professionnelle. D'ailleurs, certaines mutuelles remboursent déjà une partie des soins. C'est une bagarre qui ne sert à rien", conclut Carole Coenon.

Si ce lundi 19 septembre était l'occasion de célébrer la fonction psychomotrice, la journée aura vraisemblablement un goût amer pour beaucoup. Depuis la décision du Conseil national des professions paramédicales en juin de ne pas offrir le statut de profession à la psychomotricité, c'est l'incompréhension et la colère qui règnent. En 2012, pourtant, un bachelier a été ouvert qui compte aujourd'hui un millier d'étudiants en cours de cursus et près de 300 diplômés. La décision du conseil ayant été approuvé par le cabinet de Maggie De Block, plusieurs centaines de personnes ont manifesté en juillet contre cet avis. Malgré tout, le diplôme du bachelier est quand même reconnu par la communauté française et un psychomotricien peut exercer sans être dans l'illégalité.Le principal reproche fait à la psychomotricité est celui de proposer des actes qui seraient déjà exercés par d'autres professions paramédicales telles que la kinésithérapie, la logopédie ou l'ergothérapie. Au-delà de ce clivage, la psychomotricité est aussi souvent perçue comme relevant davantage de la pédagogie que du monde médical. Pourtant, malgré cette accusation, la psychomotricité est souvent amenée à travailler de concert avec d'autres acteurs médicaux, sans forcément marcher sur leurs plates-bandes.Le champ d'action de la psychomotricité n'est pas le même que celui de la médecine, mais cela n'empêche pas un travail en contigüité. "On ne s'occupe pas du même corps que les médecins qui ont un point de vue physique. On ne soigne pas au sens strict, mais on doit travailler en collaboration avec eux. J'ai parfois des collègues neuropsychiatres ou pédopsychiatres qui m'envoient des enfants avec un bilan fonctionnel. Je m'occupe ensuite de leur offrir une relation avec leur environnement pour modifier ou agir sur leurs difficultés", explique Eliane Desmidt, psychomotricienne et enseignante dans le bachelier paramédical en psychomotricité à la Haute école de la province de Liège (HEPL) et la Haute école libre mosane (Helmo).Dans un dossier réalisé à la suite de la manifestation de juillet, plusieurs professionnels du monde de la santé ont exprimé leur soutien à la psychomotricité à travers des lettres ouvertes ou des opinions. "Je ne doute pas du bienfait qu'apportent les psychomotriciens bien formés. Je m'étonne de cette décision sortie d'un chapeau après les nombreuses concertations sur le terrain entre les différents intervenants" écrit Katia Cherton, médecin généraliste à Namêche. On trouve aussi l'intervention d'une pédiatre, Mireille Derasse exerçant à Mehaigne qui note : "les psychomotriciens aident les enfants d'une manière incroyable en mettant leur corps en adéquation avec leur cerveau, de nombreux troubles du comportement sont évités grâce aux thérapies".Si certains peuvent craindre que la psychomotricité empiète sur leurs activités, d'autres sont convaincus de l'importance de cette fonction psychomotrice. "C'est une profession qui gagne à être reconnue puisqu'elle est tout à fait différente des autres. Certains ne voient pas l'utilité de la psychomotricité alors que c'est une formation aussi riche que celle de kinésithérapie", explique Carole Coenon, maitre assistante dans le bachelier de psychomotricité et qui exerce en tant que kinésithérapeute et psychomotricienne dans un centre pédiatrique à Liège.La thérapie psychomotrice ne s'attache qu'à des patients spécifiques qui ne souffrent pas exclusivement d'un problème moteur mais bien de troubles psychomoteurs où le rapport avec l'environnement est crucial. C'est un travail qui se veut complémentaire avec les autres professions paramédicales.Pour Eliane Desmidt, la psychomotricité est une discipline tout à fait spécifique qui ne ressemble pas à ce que font les autres professions du domaine paramédical. "L'objet dont on s'occupe n'est pas le même. Nous sommes en charge de la fonction psychomotrice et des symptômes psychomoteurs. On essaye d'apporter une vision holistique et nous travaillons avec une relation intersubjective qui s'inspire de la psychologie clinique", explique-t-elle.Contrairement à certaines idées reçues, de nombreux auteurs ont participé à l'élaboration d'une définition claire de la psychomotricité comme le Pr Julian De Ajuriaguerra, neuropsychiatre et psychanalyste français décédé en 1993 qui parle d'une dialectisation entre le corps du sujet et son environnement. Dans cette optique, on peut dire que la psychomotricité a pour fonction de restaurer un lien entre le somatique et le psychique. Se trouver à l'embranchement de plusieurs disciplines entraîne néanmoins la conséquence qu'il est difficile de percevoir clairement l'apport singulier de la psychomotricité pour le patient. La mission du psychomotricien est d'objectiver un trouble à partir d'un bilan et de comprendre ce que peut exprimer le patient grâce à la motricité. Ce qui fait la subtilité de la thérapie est l'aspect purement relationnel entre le praticien et le patient. "L'approche relationnelle est importante, on va observer la problématique qu'a le patient avec ce qui l'entoure. Pour qu'une personne se développe, elle a besoin d'un potentiel génétique, mais aussi de comprendre son environnement. On veut instaurer ou restaurer les relations entre le patient et cet environnement pour qu'il développe ses potentialités affectives et cognitives", précise Eliane Desmidt.Tant que la profession n'est pas reconnue, la psychomotricité souffre également de conflits internes au niveau de la vision pédagogique. Le bachelier étant financé à moitié par l'enseignement libre et à moitié par le provincial, les professeurs n'adoptent pas les mêmes points de vue sur l'apprentissage de la psychomotricité. "Les visions pédagogiques sont totalement différentes et les formations sont donc différentes selon les écoles. Au final les étudiants se retrouvent avec des diplômes disparates", précise Eliane Desmidt.La reconnaissance permettrait de créer une sémantique propre et d'harmoniser l'enseignement de la psychomotricité mais le monde politique ne semble pas prêt d'octroyer les moyens nécessaires à cette construction d'identité. Aujourd'hui, la psychomotricité est dans l'attente d'une nouvelle décision du cabinet de Maggie De Block. La ministre fédérale a été mise en demeure par l'Union professionnelle belge des psychomotriciens francophones (UPBPF) et la Fédération des étudiants francophones (FEF) et le blocage semble être maintenant entièrement politique. La faute également à un conflit communautaire puisque la profession n'est pas reconnue en Flandre. "Le gouvernement a sûrement peur qu'en tant que profession, la psychomotricité veuillent faire l'acquisition de subventions et des remboursements de soin. Mais ce n'est pas l'objectif des psychomotriciens qui demandent seulement une reconnaissance professionnelle. D'ailleurs, certaines mutuelles remboursent déjà une partie des soins. C'est une bagarre qui ne sert à rien", conclut Carole Coenon.