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Au-delà de cette limite... votre ticket est toujours valable. En introduisant son exposé lors de l'édition 2024 de l'ECCMID qui s'est déroulée à Barcelone fin avril, le Pr Justyna Kowalska, de la faculté de médecine de Varsovie, a choisi ce titre d'un roman célèbre de Romain Gary pour bien souligner que prendre de l'âge ne rend pas asexuel. En effet, médecine préventive de pointe et amélioration du confort de vie font que la majorité des gens jouissent plus longtemps d'une vie saine et d'une sexualité épanouie et de qualité. Pour preuve, cette étude suédoise qui montre que 46 % des 60 ans et plus et 10 % des 90 ans et plus déclarent maintenir une activité sexuelle.Mais à chaque médaille son revers, puisqu'on constate parallèlement une véritable explosion des IST chez les 50 ans et plus. Ainsi, aux Etats-Unis, les taux de gonorrhée ont quintuplé entre 2015 et 2019 dans la tranche d'âge des 55-65 ans, passant de 15 cas pour 100.000 à 57 cas pour 100.000. Cette tendance à la hausse est également retrouvée pour la syphilis, la chlamydia et d'autres IST. Au Royaume-Uni, le nombre de nouveaux diagnostics d'IST chez les 45 ans et plus a augmenté de 18 % entre 2015 et 2019 pour atteindre les 38.000 cas. Syphilis et gonorrhée ont même vu leurs taux doubler durant cette courte période.Pour notre consoeur polonaise, plusieurs facteurs pourraient être à l'origine de cette augmentation des IST chez nos seniors. Parmi les principales causes retenons :-L'augmentation des taux de divorce, ce qui signifie que de plus en plus de personnes âgées sont célibataires, sortent et recherchent de la compagnie (pour quelques heures ou davantage) plus tard dans l'existence.-Le veuvage, surtout précoce, est un autre facteur favorisant. Une étude américaine portant sur plus de 500.000 couples révèle que le veuvage récent augmente drastiquement le risque de contracter une IST chez les hommes, mais pas chez les femmes.-Beaucoup renoncent à l'usage du préservatif vu l'absence de risque de grossesse.-Des médicaments comme le Viagra ont permis aux hommes de rester plus facilement et plus longtemps actifs sur le plan sexuel.-Vivre dans des résidences pour retraités n'exclut pas la sexualité.-Les applications de rencontres, dont certaines spécifiquement destinées aux seniors, ont littéralement décollé cette dernière décennie.Pour le Pr Kowalska, ces données sous-estiment probablement l'ampleur réelle du problème des IST chez nos seniors. Nombre d'entre-elles passent en effet sous le radar car les seniors ne fréquentent que peu, voire pas du tout les services spécifiques de santé sexuelle, souvent par ignorance de leur existence. Autre raison majeure, la honte et la peur de la stigmatisation en évoquant ce type de problématique avec leur praticien. Tout ceci fait que, in fine, cette tranche de la population ne recherche pas d'aide dans le cadre d'une infection sexuellement transmissible, d'autant que les grandes campagnes de sensibilisation et d'information sur la prévention des IST s'adressent exclusivement aux jeunes et passent les seniors sous silence. Pour conclure, voici quelques pistes pour tenter d'endiguer le niveau record des IST dans cette tranche de la population :-Intégrer la santé sexuelle dans les soins de routine des seniors et l'aborder sans tabou.-Développer des campagnes d'information adaptées aux seniors.-Mobiliser les milieux associatifs pour aborder ces sujets et ainsi tenter de réduire la stigmatisation.-Rendre préservatifs, tests et traitements plus accessibles.Réf : Kowalska J. STI: Epidemiology and clinical update, ECCMID 2024.