Un des observateurs les plus avertis et qu'on ne peut soupçonner d'hostilité 1, le Dr Jean Creplet, écrit que " les associations de praticiens reproduisent en leur sein le fossé entre leurs propres bases et leurs représentants actifs ". Remarquons cependant que le Dr Creplet qui s'exprime ainsi en termes généraux, vise sans doute essentiellement l'Absym. Réunissant les généralistes et toutes les catégories de spécialistes, celle -ci défend des intérêts concurrents, ce qui la place dans une situation bien plus compliquée que le GBO ou Domus Medica, consacrés aux intérêts des seuls généralistes. Et par ailleurs plus simple, parce qu'unique représentante importante des spécialistes, elle ne ressent pas l'aiguillon de la concurrence qui pourrait la rendre plus combattive.

Le Dr Creplet constate que les associations concernées ne semblent pas prêtes aux inéluctables changements. Trop repliées sur elles-mêmes, trop occupées à de vaines polémiques, elles ne peuvent pas contrebalancer le poids de groupes tels les mutuelles. " Pour cela, elles doivent garder le soutien d'une base forte. Or celle-ci se sent moins attirée par les syndicats traditionnels. Les médecins généralistes du Nord et du Sud n'auraient plus confiance que dans leurs cercles et les spécialistes se confinent de plus en plus dans leurs disciplines. 1"

Or cercles et Unions ne sont pas reconnus comme organisations représentatives, ce qui laisse finalement désarmée la majorité du corps médical, à moins de changer fondamentalement les critères de représentativité. Mais coïncidence : la même semaine, le Dr Guy Delrée, président de la FAGW, exprimait son inquiétude concernant l'avenir des cercles wallons. Évoquant la révision des missions des cercles, il plaidait pour une concentration " qui permettra aux médecins de mieux se consacrer à... la défense de la profession, à la politique de santé locale... 2"

Dans un tweet du 18 mars 2022, le Docteur David Simon incrimine l'exclusion des médecins en activité des lieux de décisions dans lesquels " il ne faut pas s'étonner ensuite de n'y rencontrer que de vieux mâles blancs cisgenres. ". Mais l'âge des responsables est-il si déterminant ? Pour la première fois depuis quelques années, l'Absym a été dirigée par un jeune médecin en activité et il n'a pas terminé son mandat (...)

Pourquoi cette méfiance envers les dirigeants : une approche

A quoi pourrait-on attribuer ce sentiment de méfiance, justifié ou non envers les syndicats et l'Absym en particulier ?

On pourrait peut-être explorer quelques positions délicates d'un syndicat médical à cet égard.

Premièrement, la négociation avec le ministre et l'Inami est une activité politique. Les délégués syndicaux qui s'y plongent sont progressivement assimilés à leurs interlocuteurs, les hommes politiques avec leurs compromis, et la prévalence de leurs vues personnelles. Plutôt que celles de leurs mandants.

Deuxièmement, les délégués syndicaux exercent dans leurs spécialités dont ils partagent les préoccupations. Or il ne leur est laissé que la possibilité de partager la pénurie budgétaire entre les catégories de médecins faute de pouvoir exiger des augmentations généralisées. Ils s'exposent dans cette tâche piège, à la suspicion de privilégier leurs disciplines personnelles ou leurs conceptions de l'organisation des soins, au détriment des autres.

Alors que le doute s'installe sur la pérennité des syndicats médicaux, certains s'interrogent sur l'avenir des cercles de médecine générale

La désignation de représentants en activité aurait l'avantage que les négociateurs seraient eux-mêmes impactés par leurs décisions ; mais en même temps, le soupçon de privilégier des intérêts particuliers lors des inévitables compromis sera renforcé.

Troisièmement, les supplications des dirigeants pour obtenir un financement plus important des associations peuvent paraître une reconnaissance de leur relative impuissance faute de ces subsides. Elles peuvent faire douter de leur indépendance et de leur aptitude à se heurter à un ministre qui les paie pour financer leur coopération à l'Inami.

Le sentiment de déclin de la profession

Il y a aussi, me semble-t-il, le sentiment d'un déclin de la profession. Les médecins ont été frappés par la facilité avec laquelle les associations ont accepté la fin de la liberté thérapeutique, de la continuité des soins, le transfert de compétences médicales à d'autres professions, voire des missions de police de la santé en Wallonie. La mort du contre-pouvoir médical équilibrant le pouvoir des mutuelles semble avoir découragé toute autre résistance que quelques protestations impuissantes.

L'absence de reconnaissance après les sacrifices consentis par la profession lors de la pandémie a suscité une certaine amertume. L'évaporation de l'indexation des honoraires, alors que toutes les travailleurs, les fonctionnaires, les pensionnés étaient augmentés, a été ressentie par les médecins comme une vexation délibérée et un test de soumission. Si le statut de faux indépendant leur est conservé, il n'aura plus que la seule ambition d'épargner au Pouvoir les coûts d 'une vraie protection sociale et d'offrir des économies au régime.

Cela étant dit, il en faudra du courage aux dirigeants syndicaux pour se remettre en question et chercher des solutions, une politique, une doctrine, et des hommes et femmes pour les réaliser.

1 Jdm du 17 mars 2022

2 Jdm du 24 mars 2022

Un des observateurs les plus avertis et qu'on ne peut soupçonner d'hostilité 1, le Dr Jean Creplet, écrit que " les associations de praticiens reproduisent en leur sein le fossé entre leurs propres bases et leurs représentants actifs ". Remarquons cependant que le Dr Creplet qui s'exprime ainsi en termes généraux, vise sans doute essentiellement l'Absym. Réunissant les généralistes et toutes les catégories de spécialistes, celle -ci défend des intérêts concurrents, ce qui la place dans une situation bien plus compliquée que le GBO ou Domus Medica, consacrés aux intérêts des seuls généralistes. Et par ailleurs plus simple, parce qu'unique représentante importante des spécialistes, elle ne ressent pas l'aiguillon de la concurrence qui pourrait la rendre plus combattive.Le Dr Creplet constate que les associations concernées ne semblent pas prêtes aux inéluctables changements. Trop repliées sur elles-mêmes, trop occupées à de vaines polémiques, elles ne peuvent pas contrebalancer le poids de groupes tels les mutuelles. " Pour cela, elles doivent garder le soutien d'une base forte. Or celle-ci se sent moins attirée par les syndicats traditionnels. Les médecins généralistes du Nord et du Sud n'auraient plus confiance que dans leurs cercles et les spécialistes se confinent de plus en plus dans leurs disciplines. 1"Or cercles et Unions ne sont pas reconnus comme organisations représentatives, ce qui laisse finalement désarmée la majorité du corps médical, à moins de changer fondamentalement les critères de représentativité. Mais coïncidence : la même semaine, le Dr Guy Delrée, président de la FAGW, exprimait son inquiétude concernant l'avenir des cercles wallons. Évoquant la révision des missions des cercles, il plaidait pour une concentration " qui permettra aux médecins de mieux se consacrer à... la défense de la profession, à la politique de santé locale... 2" Dans un tweet du 18 mars 2022, le Docteur David Simon incrimine l'exclusion des médecins en activité des lieux de décisions dans lesquels " il ne faut pas s'étonner ensuite de n'y rencontrer que de vieux mâles blancs cisgenres. ". Mais l'âge des responsables est-il si déterminant ? Pour la première fois depuis quelques années, l'Absym a été dirigée par un jeune médecin en activité et il n'a pas terminé son mandat (...)A quoi pourrait-on attribuer ce sentiment de méfiance, justifié ou non envers les syndicats et l'Absym en particulier ?On pourrait peut-être explorer quelques positions délicates d'un syndicat médical à cet égard. Premièrement, la négociation avec le ministre et l'Inami est une activité politique. Les délégués syndicaux qui s'y plongent sont progressivement assimilés à leurs interlocuteurs, les hommes politiques avec leurs compromis, et la prévalence de leurs vues personnelles. Plutôt que celles de leurs mandants.Deuxièmement, les délégués syndicaux exercent dans leurs spécialités dont ils partagent les préoccupations. Or il ne leur est laissé que la possibilité de partager la pénurie budgétaire entre les catégories de médecins faute de pouvoir exiger des augmentations généralisées. Ils s'exposent dans cette tâche piège, à la suspicion de privilégier leurs disciplines personnelles ou leurs conceptions de l'organisation des soins, au détriment des autres.La désignation de représentants en activité aurait l'avantage que les négociateurs seraient eux-mêmes impactés par leurs décisions ; mais en même temps, le soupçon de privilégier des intérêts particuliers lors des inévitables compromis sera renforcé.Troisièmement, les supplications des dirigeants pour obtenir un financement plus important des associations peuvent paraître une reconnaissance de leur relative impuissance faute de ces subsides. Elles peuvent faire douter de leur indépendance et de leur aptitude à se heurter à un ministre qui les paie pour financer leur coopération à l'Inami.Il y a aussi, me semble-t-il, le sentiment d'un déclin de la profession. Les médecins ont été frappés par la facilité avec laquelle les associations ont accepté la fin de la liberté thérapeutique, de la continuité des soins, le transfert de compétences médicales à d'autres professions, voire des missions de police de la santé en Wallonie. La mort du contre-pouvoir médical équilibrant le pouvoir des mutuelles semble avoir découragé toute autre résistance que quelques protestations impuissantes.L'absence de reconnaissance après les sacrifices consentis par la profession lors de la pandémie a suscité une certaine amertume. L'évaporation de l'indexation des honoraires, alors que toutes les travailleurs, les fonctionnaires, les pensionnés étaient augmentés, a été ressentie par les médecins comme une vexation délibérée et un test de soumission. Si le statut de faux indépendant leur est conservé, il n'aura plus que la seule ambition d'épargner au Pouvoir les coûts d 'une vraie protection sociale et d'offrir des économies au régime.Cela étant dit, il en faudra du courage aux dirigeants syndicaux pour se remettre en question et chercher des solutions, une politique, une doctrine, et des hommes et femmes pour les réaliser. 1 Jdm du 17 mars 20222 Jdm du 24 mars 2022