Né en 1953, Patrice Lejuste s'est formé en stomatologie et chirurgie maxillo-faciale à l'UCL auprès du Pr Reychler puis à Genève auprès du Pr Chausse et a complété sa formation en chirurgie générale auprès du Docteur Aubry. Il a formé de nombreux assistants et est réputé pour sa rigueur. De nombreux jeunes l'ont suivi au sein du service à Saint-Elisabeth lequel a accédé à une grande notoriété dans le monde occidental et est devenu le plus grand service maxillo-facial de Wallonie.

Patrice Lejuste participe à la commission d'agrément des médecins spécialistes en chirurgie orale et maxillo-faciale. Il a présidé la Société royale belge de stomatologie et de chirurgie orale et maxillo-faciale de 2010 à 2012 et a organisé quatre congrès nationaux dont un de deux jours à Namur intitulé Cranio-Maxillo-Facial Reconstructive Surgery. Il est membre de plusieurs sociétés scientifiques et publie régulièrement ses recherches notamment dans la Rev Stomatol Chir Maxillofac.

JdM : D'où est née votre vocation de médecin ?

J'ai toujours été attiré par la science dès le collège Saint-Julien d'Ath. J'ai failli être ingénieur mais travailler avec des gens qu'on ne rencontre même pas m'aurait gêné. J'ai opté pour la médecine pour les contacts humains. Par éducation familiale, je suis porté sur l'aide à mon prochain.

Mais pourquoi cette spécialité si particulière ?

Je ne peux pas dire que j'ai un vécu particulier en ce domaine. Sauf que j'ai fait une chute dans l'enfance et en ait eu un traumatisme. Dans ma jeunesse, le médecin de famille arrachait les dents au domicile sans anesthésie. Quand je me suis destiné à la chirurgie maxillo-faciale en 1972, c'était plus une compétence qu'une spécialité. Divers spécialistes peuvent l'acquérir - les stomatologues, les chirurgiens plasticiens, les ORL - mais il faut avoir la dentisterie dans son bagage (j'ai une licence en dentisterie) ce qui en rebute plus d'un.

Quels patients traitez-vous en particulier ?

On fait un petit peu de chirurgie dentoalvéolaire (dents de sagesse), on corrige les dysmorphoses des mâchoires : prognathisme par exemple. à différents niveaux : le maxillaire supérieur peut être en arrière, l'inférieur en avant voire les deux. Dans les cas graves, le patient a du mal à manger, parler, sourire... Nous avons une grosse activité en oncologie. Nous réparons les mâchoires via des greffes prélevées au niveau de la crête iliaque, de l'avant-bras. L'autre champ d'activité est la traumatologie.

Quel est l'état du " marché " ?

On manque cruellement de spécialistes dans mon domaine dans toute la région francophone. C'est pourquoi j'ai rejoint le GHDC. Il n'y a pas d'offre dans la région de Charleroi alors que nous avons pas mal d'accidentés de la route ou du sport (notamment le VTT). Après le port obligatoire de la ceinture de sécurité, nous avons connu une chute des cas à traiter de 80 % ce qui prouve l'utilité des ceintures mais aussi des airbags. On a également beaucoup d'activités dans les malformations faciales (fentes labiales), les tumeurs au niveau du crâne en collaboration avec les neurochirurgiens. Nous plaçons des greffons antébrachiaux de grand dorsal et du grand pectoral mais pas de greffe de visage.

Comment parvenez-vous à obtenir le consentement éclairé ?

Il faut passer beaucoup de temps avec le patient. Je ne peux pas, en une demi-heure, expliquer à un patient que je vais lui enlever la moitié de la mâchoire. Que je vais lui faire un évidement cervical pour lui enlever tous les ganglions, contenir les métastases etc. Il faut une heure au moins. Le patient est parfois nerveux, agressif. Les parents d'un ado à qui je prévois une ostéotomie des mâchoires sont particulièrement anxieux.

Ça dépend de l'optimisme du chirurgien ?

Il faut que le patient ait une confiance complète. Je suis excessivement minutieux, systématique. On n'est pas à l'abri des ennuis. Dans le cas de l'ostéotomie, j'explique qu'il y a un risque de léser le nerf labio-mentonner. J'explique que 95 % des patients récupèrent. Les chances de s'en sortir d'un cancer ? Je fournis les statistiques les plus correctes : 85 % de rémission à 5 ans même si ce n'est pas la vraie vérité, c'est celle des statistiques...

Quels sont les défis de la formation aux jeunes ?

La difficulté, ce sont les restrictions ministérielles. On ne peut former que deux candidats-spécialistes par université (ULB et UCL). La dentisterie freine beaucoup de vocation. Et pour former des gens, il faut suffisamment de patients. Ce sera un problème à l'avenir de former des gens. Les Post-gradués, les internes, il faut les assister. Cela prend du temps. Globalement, je trouve que la transmission du savoir se fait bien. Mais les problèmes de disponibilité générale sont liés à l'aspect financier. Certains actes techniques rapportent plus que de travailler sur un gros trauma le samedi et le dimanche.

Souffrez-vous de la bureaucratie hospitalière ? Des gestionnaires ?

Pour moi, l'arrivée de l'ordinateur est une véritable catastrophe. C'est chronophage. Cela augmente la paperasserie au lieu de la diminuer. On nous demande d'être un bon dactylo et taper de bons rapports et non plus d'être un bon médecin. Au lieu de soigner, on nous demande de rédiger des rapports. Ils sont indispensables, bien sûr. Mais le respect de toute une série de normes, cela rapporte au gestionnaire. Toute cette paperasse ne diminue pas, que du contraire, avec l'informatisation. Cela s'aggrave de manière linéaire depuis 30 ans.

Toutefois, la nouvelle technologie médicale vous aide dans votre métier de chirurgien...

Bien entendu, la modélisation des images 3D, la planification par ordinateur c'est l'avenir. Donc je crois aux nouvelles technologies mais les médecins ne sont pas des ingénieurs techniciens. Nous ne sommes pas formés à cela. Or il y a des restrictions budgétaires dans tous les hôpitaux.

Quels rapports entretenez-vous avec les MG ?

Excellents. Nous n'avons aucun problème avec les MG et les autres spécialistes ni d'ailleurs avec les dentistes.

Au niveau humanitaire, que peut-on noter dans votre CV ?

J'ai tenté des missions humanitaires au Burkina-Faso, au Mali. On a reçu des patients qui ont vécu à la maison pendant six mois. Mais passer trois semaines là-bas où vous n'opérez pas beaucoup, n'est pas très pertinent. Ça n'apporte pas beaucoup aux patients sur place. Ces pays n'ont pas d'hôpitaux en bon état. Le 22 octobre, nous opérerons un patient qui vient du Sénégal au Grand-Duché de Luxembourg. Lorsque des patients étrangers viennent chez nous dans nos hôpitaux, cela est plus productif.

Et côté hobbies ?

Je fais de la menuiserie au sens large et du jardinage à la maison à Wépion. Beaucoup de chirurgiens font de la menuiserie. Cela m'apporte le calme même si je suis d'un naturel peu stressé...

À vous de voter !

Nous présentons dans cinq numéros consécutifs les nominés au Prix du Spécialiste de l'année. Il vous revient - chers lecteurs - d'attribuer votre vote de préférence après avoir lu les différents portraits, et ce à partir du 2 novembre, sur lejournaldumedecin.com.

Né en 1953, Patrice Lejuste s'est formé en stomatologie et chirurgie maxillo-faciale à l'UCL auprès du Pr Reychler puis à Genève auprès du Pr Chausse et a complété sa formation en chirurgie générale auprès du Docteur Aubry. Il a formé de nombreux assistants et est réputé pour sa rigueur. De nombreux jeunes l'ont suivi au sein du service à Saint-Elisabeth lequel a accédé à une grande notoriété dans le monde occidental et est devenu le plus grand service maxillo-facial de Wallonie. Patrice Lejuste participe à la commission d'agrément des médecins spécialistes en chirurgie orale et maxillo-faciale. Il a présidé la Société royale belge de stomatologie et de chirurgie orale et maxillo-faciale de 2010 à 2012 et a organisé quatre congrès nationaux dont un de deux jours à Namur intitulé Cranio-Maxillo-Facial Reconstructive Surgery. Il est membre de plusieurs sociétés scientifiques et publie régulièrement ses recherches notamment dans la Rev Stomatol Chir Maxillofac. JdM : D'où est née votre vocation de médecin ? J'ai toujours été attiré par la science dès le collège Saint-Julien d'Ath. J'ai failli être ingénieur mais travailler avec des gens qu'on ne rencontre même pas m'aurait gêné. J'ai opté pour la médecine pour les contacts humains. Par éducation familiale, je suis porté sur l'aide à mon prochain. Mais pourquoi cette spécialité si particulière ? Je ne peux pas dire que j'ai un vécu particulier en ce domaine. Sauf que j'ai fait une chute dans l'enfance et en ait eu un traumatisme. Dans ma jeunesse, le médecin de famille arrachait les dents au domicile sans anesthésie. Quand je me suis destiné à la chirurgie maxillo-faciale en 1972, c'était plus une compétence qu'une spécialité. Divers spécialistes peuvent l'acquérir - les stomatologues, les chirurgiens plasticiens, les ORL - mais il faut avoir la dentisterie dans son bagage (j'ai une licence en dentisterie) ce qui en rebute plus d'un. Quels patients traitez-vous en particulier ? On fait un petit peu de chirurgie dentoalvéolaire (dents de sagesse), on corrige les dysmorphoses des mâchoires : prognathisme par exemple. à différents niveaux : le maxillaire supérieur peut être en arrière, l'inférieur en avant voire les deux. Dans les cas graves, le patient a du mal à manger, parler, sourire... Nous avons une grosse activité en oncologie. Nous réparons les mâchoires via des greffes prélevées au niveau de la crête iliaque, de l'avant-bras. L'autre champ d'activité est la traumatologie. Quel est l'état du " marché " ? On manque cruellement de spécialistes dans mon domaine dans toute la région francophone. C'est pourquoi j'ai rejoint le GHDC. Il n'y a pas d'offre dans la région de Charleroi alors que nous avons pas mal d'accidentés de la route ou du sport (notamment le VTT). Après le port obligatoire de la ceinture de sécurité, nous avons connu une chute des cas à traiter de 80 % ce qui prouve l'utilité des ceintures mais aussi des airbags. On a également beaucoup d'activités dans les malformations faciales (fentes labiales), les tumeurs au niveau du crâne en collaboration avec les neurochirurgiens. Nous plaçons des greffons antébrachiaux de grand dorsal et du grand pectoral mais pas de greffe de visage. Comment parvenez-vous à obtenir le consentement éclairé ? Il faut passer beaucoup de temps avec le patient. Je ne peux pas, en une demi-heure, expliquer à un patient que je vais lui enlever la moitié de la mâchoire. Que je vais lui faire un évidement cervical pour lui enlever tous les ganglions, contenir les métastases etc. Il faut une heure au moins. Le patient est parfois nerveux, agressif. Les parents d'un ado à qui je prévois une ostéotomie des mâchoires sont particulièrement anxieux. Ça dépend de l'optimisme du chirurgien ? Il faut que le patient ait une confiance complète. Je suis excessivement minutieux, systématique. On n'est pas à l'abri des ennuis. Dans le cas de l'ostéotomie, j'explique qu'il y a un risque de léser le nerf labio-mentonner. J'explique que 95 % des patients récupèrent. Les chances de s'en sortir d'un cancer ? Je fournis les statistiques les plus correctes : 85 % de rémission à 5 ans même si ce n'est pas la vraie vérité, c'est celle des statistiques... Quels sont les défis de la formation aux jeunes ? La difficulté, ce sont les restrictions ministérielles. On ne peut former que deux candidats-spécialistes par université (ULB et UCL). La dentisterie freine beaucoup de vocation. Et pour former des gens, il faut suffisamment de patients. Ce sera un problème à l'avenir de former des gens. Les Post-gradués, les internes, il faut les assister. Cela prend du temps. Globalement, je trouve que la transmission du savoir se fait bien. Mais les problèmes de disponibilité générale sont liés à l'aspect financier. Certains actes techniques rapportent plus que de travailler sur un gros trauma le samedi et le dimanche. Souffrez-vous de la bureaucratie hospitalière ? Des gestionnaires ? Pour moi, l'arrivée de l'ordinateur est une véritable catastrophe. C'est chronophage. Cela augmente la paperasserie au lieu de la diminuer. On nous demande d'être un bon dactylo et taper de bons rapports et non plus d'être un bon médecin. Au lieu de soigner, on nous demande de rédiger des rapports. Ils sont indispensables, bien sûr. Mais le respect de toute une série de normes, cela rapporte au gestionnaire. Toute cette paperasse ne diminue pas, que du contraire, avec l'informatisation. Cela s'aggrave de manière linéaire depuis 30 ans. Toutefois, la nouvelle technologie médicale vous aide dans votre métier de chirurgien... Bien entendu, la modélisation des images 3D, la planification par ordinateur c'est l'avenir. Donc je crois aux nouvelles technologies mais les médecins ne sont pas des ingénieurs techniciens. Nous ne sommes pas formés à cela. Or il y a des restrictions budgétaires dans tous les hôpitaux. Quels rapports entretenez-vous avec les MG ? Excellents. Nous n'avons aucun problème avec les MG et les autres spécialistes ni d'ailleurs avec les dentistes. Au niveau humanitaire, que peut-on noter dans votre CV ? J'ai tenté des missions humanitaires au Burkina-Faso, au Mali. On a reçu des patients qui ont vécu à la maison pendant six mois. Mais passer trois semaines là-bas où vous n'opérez pas beaucoup, n'est pas très pertinent. Ça n'apporte pas beaucoup aux patients sur place. Ces pays n'ont pas d'hôpitaux en bon état. Le 22 octobre, nous opérerons un patient qui vient du Sénégal au Grand-Duché de Luxembourg. Lorsque des patients étrangers viennent chez nous dans nos hôpitaux, cela est plus productif. Et côté hobbies ? Je fais de la menuiserie au sens large et du jardinage à la maison à Wépion. Beaucoup de chirurgiens font de la menuiserie. Cela m'apporte le calme même si je suis d'un naturel peu stressé...