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François Jamar naît en Allemagne, dans le quartier d'Ehrenfeld, à Cologne. " Mon père était pharmacien militaire dans l'armée belge. Mais dès l'âge d'un an et demi, j'étais de retour en Belgique. " Le jeune homme entame ses études de sciences médicales à Namur. L'absence de doctorat dans la capitale wallonne le pousse vers le nord, où l'UCL l'accueille. " J'étais très intéressé par deux spécialités proches à l'époque : l'endocrinologie et la médecine nucléaire. J'ai été diplômé en 1985, année de promulgation de la loi instituant la médecine nucléaire comme une spécialité à part entière. J'ai donc dû faire un choix difficile. J'aichoisi la médecine nucléaire tout en gardant une fibre endocrinologique. "Pour le nucléariste, il faut toujours aller plus loin que l'image. " J'ai une autre vocation ", acquiesce le médecin. " J'adore utiliser la médecine nucléaire comme un outil de physiologie. Cela permet d'explorer diverses fonctions biologiques. Un tiers de mes publications ne sont pas dédiées au patient mais à l'exploration de fonctions chez des volontaires sains. Je pense que c'est cette vocation qui a fait que je suis resté dans le milieu universitaire. "Son parcours diversifié avec un passage en oncologie mais aussi en hématologie lui permet de mieux comprendre le patient, ses attentes, mais aussi les attentes de ses confrères. " En médecine nucléaire, on voit beaucoup le patient. C'est agréable, car cela permet de comprendre leur situation. Il faut toutefois se méfier de ne pas franchir la ligne rouge : nous prestons un service pour un collègue médecin et il ne faut pas se substituer à lui dans l'information que nous donnons au patient."La fibre endocrinologique, elle se retrouve dans la recherche, notamment le traitement novateur des tumeurs neuroendocrines, mais aussi en consultation de pathologies thyroïdiennes. " Je traite bon an mal an entre 80 et 100 patients atteints de cancer thyroïdien ", explique le Dr Jamar. " J'ai là une relation directe et privilégiée avec le patient. Indépendamment de l'activité de traitement qui se fait en fonction des besoins, j'ai une consultation purement clinique qui est un peu une récréation pour moi. C'est une bulle dans laquelle je suis seul avec le patient et je pense que j'ai besoin de cela. C'est important. C'est un monde différent, que j'aime beaucoup."À côté du parcours académique, François Jamar a participé activement dans diverses instances scientifiques et professionnelles. " Je n'ai jamais été un militant, mais depuis 15 ans, je suis proche des unions professionnelles dans les matières où il y a un lien important entre le côté scientifique et le côté professionnel. "C'est le cas du développement du pet scan en Belgique. " Ce fut un parcours du combattant qu'on a commencé il y a pratiquement une dizaine d'années. Nous sommes allés convaincre les autorités qu'il fallait développer le pet scan, que la programmation qui avait été imposée en 2001 était insuffisante pour les besoins de la population. Pour cela, il fallait des arguments de programmation médicale mais aussi des arguments scientifiques. C'est une activité qui m'a pris beaucoup de temps, beaucoup d'énergie, mais qui ne m'a apporté que des satisfactions. Même si dans les cercles de l'administration, on a parfois l'impression de perdre son temps, d'être un Don Quichotte incertain de savoir ce qu'il va obtenir. Il faut de la patience, de la conviction, de la cohésion. Avec le GBS, on a réussi à trouver ce mode de fonctionnement relativement uni afin d'obtenir un plan de reprogrammation satisfaisant pour l'ensemble et qui permette à la population belge d'avoir accès au pet scan dans un rayon géographique tout à fait raisonnable."Plus étonnant, François Jamar a également mis le pied dans le monde l'édition. Entre 2010 et 2017, le nucléariste a participé à l'élaboration d'une brochure à l'attention du corps médical appelée Focus on medical imaging, via la Belgian medical imaging platform (Belmip). La démarche est soutenue par l'Inami et par le SPF Santé publique. " Faire de l'édition, c'était une expérience passionnante ! Il faut trouver des auteurs, négocier avec eux... On parle d'imagerie, donc il faut de belles images et il y a toute une partie graphique... C'était dur, c'était du travail. Les 72 heures avant la deadline pour impression, c'était chaud ! "François Jamar a fait le tour de la mission de chef de service. Il y a deux ans, après 15 ans sous cette casquette, il passe la main pour se concentrer sur la recherche. " Il me reste huit ans de carrière et je veux les utiliser pour dynamiser la recherche. C'est un challenge compliqué au vu du maigre financement. "Le futur ne sera pas dénué de défis scientifiques, certes, mais également politiques. Notamment concernant le rôle de l'Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) dans la médecine nucléaire. " L'AFCN a une mission définie par la directive Euratom de 2013 de protéger la population 'contre les dangers des radiations ionisantes'. Dans le milieu médical, certes, il peut y avoir des risques, mais ces risques doivent toujours être pesés à la lumière du bénéfice qu'en tire le patient. Parfois on a l'impression que l'AFCN ne suit pas ce raisonnement et impose des règlements trop complexes. Ce qui est difficile à accepter, c'est de voir une agence parastatale s'immiscer dans une grande coupole qui est la loi santé, qui est l'exercice de l'art de guérir. Quand on vient nous dire comment soigner le patient, c'est faire fit d'une dimension essentielle, un moment symbolique dans la vie d'un médecin : le serment d'Hippocrate. C'est une manière de mettre en doute notre respect de ce serment en matière de radioprotection. C'est un combat en cours. Il faut se rapprocher de la réalité du métier de médecin, ce qui n'est pas simple malgré la bonne volonté de l'AFCN."