Quelle est donc cette "avancée fondamentale" qu'apporterait la loi Claeys-Leonetti du 3 février 2016 ? La réponse française : le droit de chaque personne à demander une sédation profonde et continue jusqu'à son décès, dans certaines conditions.

Il est curieux de constater que cette loi en France a attiré les critiques tant des opposants farouches à l'euthanasie dont la SFAP (Société Française d'Accompagnement et de soins Palliatifs) et toutes les associations anti-choix (Alliance Vita, la fondation Lejeune, la Manif pour Tous, etc.) que des partisans d'une loi qui offrirait la possibilité d'une aide médicale à mourir, que celle-ci soit appelée suicide assisté ou euthanasie. Trop laxiste pour les uns, insuffisante pour les autres, il est vrai que pour un regard extérieur à la France, cette loi pose question.

C'est l'occasion de s'interroger sur ce que représente cette pratique médicale, la sédation profonde et continue, encore appelée sédation terminale ou palliative.

Des études récentes tant aux Pays-Bas qu'en Belgique ont révélé un recours sans cesse croissant à cette pratique. Il est vrai que la loi n'oblige pas le médecin à en faire la déclaration, contrairement à ce qui est prévu pour l'euthanasie. Par ailleurs, ce n'est pas le patient qui prend l'initiative mais bien le médecin, contrairement aussi à l'euthanasie. Serait-il plus "facile" pour un médecin de recourir à la sédation terminale ?

Certes, dans certains cas, la sédation terminale peut se révéler une option valable. Pourvu qu'elle ne soit pas pratiquée à défaut pour le médecin de respecter une demande d'euthanasie. Pourvu aussi qu'elle soit pratiquée dans de bonnes conditions, le médecin et l'équipe médicale en maîtrisant les tenants et aboutissants. La KNMG -Koninklijke Nederlandsche Maatschappij tot bevordering der Geneeskunst- a proposé dès 2009 des directives qui stipulent notamment comme conditions que les douleurs du patient soient réfractaires, en d'autres mots que les douleurs résistent à tout traitement, et que l'espérance de vie soit de l'ordre de maximum deux semaines. La sédation profonde et continue ne peut donc être proposée que dans des situations d'extrême fin de vie.

En outre, la sédation terminale, exigeant un suivi (monitoring) constant, ne peut pratiquement pas s'envisager à domicile.

Par ailleurs, toute communication est rompue. L'équipe médicale et les proches vivent cette agonie, si l'on peut encore parler de vivre, l'autre étant déjà absent. Gabriel Ringlet le souligne : la sédation s'inscrit-elle réellement dans la philosophie des soins palliatifs, "lutter contre la souffrance tout en maintenant la relation"(1)?

Au moment du passage, très souvent, la personne sous sédation est seule. En quelque sorte, sauf accord du patient, il s'agit de morts volées qui n'ont pas grand-chose à envier à son ancêtre, le cocktail lytique. Tout comme ce bon vieux cocktail pratiqué en Belgique avant 2002 et toujours actuellement en France, l'acte de sédation peut être posé par une infirmière.

Pour aller plus loin dans la réflexion concernant la sédation palliative, Wim Distelmans vient de publier un livre dont le titre en lui-même est très évocateur : Palliative sedatie : Trage euthanasie of sociale dood.

En soi, la sédation palliative n'est ni une bonne, ni une mauvaise solution. Tout dépend du contexte, de la situation médicale du patient, de ses choix de vie et du bon exercice de la médecine. Un patient sous respirateur, pour lequel il est décidé d'arrêter le traitement, pourra connaître une mort sereine grâce à une sédation bien conduite. En revanche, la sédation imposée au patient à la place de l'euthanasie est inacceptable. Une sédation mal conduite, les jours s'ajoutant aux jours, l'agonie se prolongeant alors que la communication a été rompue, est une abomination.

Combien de proches et de patients se sont-ils vu ainsi voler une mort accompagnée, partagée ? Seule une étude interuniversitaire couvrant toutes les décisions médicales de fin de vie à travers la Belgique pourra nous éclairer à ce sujet. Nous disposons en effet de données importantes quant à la pratique de l'euthanasie grâce aux rapports de la Commission Fédérale d'Evaluation et de Contrôle de la loi relative à l'Euthanasie. Mais les déclarations portent nécessairement sur les euthanasies pratiquées. Nous ne disposons pas des données quant aux euthanasies refusées, que ce soit sur la base d'une demande actuelle ou sur la base d'une déclaration anticipée, ni de celles relatives aux sédations. Il serait utile de connaître les conditions dans lesquelles les sédations sont pratiquées, le consentement ou non du patient ou de ses représentants, les médicaments utilisés, la situation médicale du patient, la durée de l'agonie.

Nous avons levé le tabou de l'euthanasie : il est temps de lever le mystère de la sédation palliative.

Références:

(1)Gabriel RINGLET, "Vous me coucherez nu sur la terre nue", l'accompagnement spirituel jusqu'à l'euthanasie, Albin Michel, 2015

(2)Wim DISTELMANS, Palliatieve sedatie, Trage euthanasie of sociale dood ?, Houtekiet, 2017

Quelle est donc cette "avancée fondamentale" qu'apporterait la loi Claeys-Leonetti du 3 février 2016 ? La réponse française : le droit de chaque personne à demander une sédation profonde et continue jusqu'à son décès, dans certaines conditions.Il est curieux de constater que cette loi en France a attiré les critiques tant des opposants farouches à l'euthanasie dont la SFAP (Société Française d'Accompagnement et de soins Palliatifs) et toutes les associations anti-choix (Alliance Vita, la fondation Lejeune, la Manif pour Tous, etc.) que des partisans d'une loi qui offrirait la possibilité d'une aide médicale à mourir, que celle-ci soit appelée suicide assisté ou euthanasie. Trop laxiste pour les uns, insuffisante pour les autres, il est vrai que pour un regard extérieur à la France, cette loi pose question.C'est l'occasion de s'interroger sur ce que représente cette pratique médicale, la sédation profonde et continue, encore appelée sédation terminale ou palliative.Des études récentes tant aux Pays-Bas qu'en Belgique ont révélé un recours sans cesse croissant à cette pratique. Il est vrai que la loi n'oblige pas le médecin à en faire la déclaration, contrairement à ce qui est prévu pour l'euthanasie. Par ailleurs, ce n'est pas le patient qui prend l'initiative mais bien le médecin, contrairement aussi à l'euthanasie. Serait-il plus "facile" pour un médecin de recourir à la sédation terminale ?Certes, dans certains cas, la sédation terminale peut se révéler une option valable. Pourvu qu'elle ne soit pas pratiquée à défaut pour le médecin de respecter une demande d'euthanasie. Pourvu aussi qu'elle soit pratiquée dans de bonnes conditions, le médecin et l'équipe médicale en maîtrisant les tenants et aboutissants. La KNMG -Koninklijke Nederlandsche Maatschappij tot bevordering der Geneeskunst- a proposé dès 2009 des directives qui stipulent notamment comme conditions que les douleurs du patient soient réfractaires, en d'autres mots que les douleurs résistent à tout traitement, et que l'espérance de vie soit de l'ordre de maximum deux semaines. La sédation profonde et continue ne peut donc être proposée que dans des situations d'extrême fin de vie.En outre, la sédation terminale, exigeant un suivi (monitoring) constant, ne peut pratiquement pas s'envisager à domicile.Par ailleurs, toute communication est rompue. L'équipe médicale et les proches vivent cette agonie, si l'on peut encore parler de vivre, l'autre étant déjà absent. Gabriel Ringlet le souligne : la sédation s'inscrit-elle réellement dans la philosophie des soins palliatifs, "lutter contre la souffrance tout en maintenant la relation"(1)? Au moment du passage, très souvent, la personne sous sédation est seule. En quelque sorte, sauf accord du patient, il s'agit de morts volées qui n'ont pas grand-chose à envier à son ancêtre, le cocktail lytique. Tout comme ce bon vieux cocktail pratiqué en Belgique avant 2002 et toujours actuellement en France, l'acte de sédation peut être posé par une infirmière. Pour aller plus loin dans la réflexion concernant la sédation palliative, Wim Distelmans vient de publier un livre dont le titre en lui-même est très évocateur : Palliative sedatie : Trage euthanasie of sociale dood. En soi, la sédation palliative n'est ni une bonne, ni une mauvaise solution. Tout dépend du contexte, de la situation médicale du patient, de ses choix de vie et du bon exercice de la médecine. Un patient sous respirateur, pour lequel il est décidé d'arrêter le traitement, pourra connaître une mort sereine grâce à une sédation bien conduite. En revanche, la sédation imposée au patient à la place de l'euthanasie est inacceptable. Une sédation mal conduite, les jours s'ajoutant aux jours, l'agonie se prolongeant alors que la communication a été rompue, est une abomination.Combien de proches et de patients se sont-ils vu ainsi voler une mort accompagnée, partagée ? Seule une étude interuniversitaire couvrant toutes les décisions médicales de fin de vie à travers la Belgique pourra nous éclairer à ce sujet. Nous disposons en effet de données importantes quant à la pratique de l'euthanasie grâce aux rapports de la Commission Fédérale d'Evaluation et de Contrôle de la loi relative à l'Euthanasie. Mais les déclarations portent nécessairement sur les euthanasies pratiquées. Nous ne disposons pas des données quant aux euthanasies refusées, que ce soit sur la base d'une demande actuelle ou sur la base d'une déclaration anticipée, ni de celles relatives aux sédations. Il serait utile de connaître les conditions dans lesquelles les sédations sont pratiquées, le consentement ou non du patient ou de ses représentants, les médicaments utilisés, la situation médicale du patient, la durée de l'agonie.Nous avons levé le tabou de l'euthanasie : il est temps de lever le mystère de la sédation palliative.Références:(1)Gabriel RINGLET, "Vous me coucherez nu sur la terre nue", l'accompagnement spirituel jusqu'à l'euthanasie, Albin Michel, 2015(2)Wim DISTELMANS, Palliatieve sedatie, Trage euthanasie of sociale dood ?, Houtekiet, 2017