Jacqueline Herremans, avocate et présidente de l'Association pour le Droit de mourir dans la dignité (ADMD) a le sens de la scène: pour fêter les 20 ans de "sa" loi dépénalisant l'euthanasie, elle a réuni au Théâtre de Poche, dans une salle assombrie, le président de la Commission conjointe Justice et Santé de l'époque, Josy Dubié (ex-Ecolo) qui rappelle avoir été très étonné en tant que globe-trotter d'avoir été élu parlementaire et parachuté président. En tous les cas, les 40 auditions qui eurent lieu sur deux ans, il en réclame la paternité (notons qu'à l'époque le journal du Médecin a également joué sa part dans le débat).

La loi dépénalisant l'euthanasie est presque parachevée mais nécessite une sécurité juridique.

Autour de lui, en raison d'un vote crucial à la Chambre: des seconds couteaux à la tête bien pleine mais trop jeunes pour avoir réellement joué un rôle dans cette "avancée sociétale": David Weytsman (MR), Martin Casier (PS), Matteo Segers (Ecolo-Groen) et le Dr Sophie Merckx (PTB), le tout orchestré par l'inénarrable Eddy Caeckelbergs. Et en l'absence notoire des Engagés (ex-cdH et ex-PSC) qui auraient pu être représentés par le Dr Catherine Fonck, et sans Défi. Bref: un parterre très militant...

Jacqueline Herremans a rappelé combien la Belgique fut pionnière à l'époque puisque seuls l'Oregon et les Pays-Bas possédaient une législation abrégeant les souffrances des patients souhaitant en finir plus tôt que n'en aurait décidé Dame Nature. La loi fut, malgré une avalanche d'amendements des "Chrétiens", votée à une large majorité en 2002. Depuis, environ 27.000 personnes ont fait appel à ce "droit de mourir dans la dignité", selon le député Weytsman.

Loi fragile

Toutefois, aucune loi n'est d'airain dans une démocratie. La loi euthanasie traverse en ce moment quelques turbulences: la CEDH (Cour européenne des Droits de l'homme) a réaffirmé le manque d'indépendance de la Commission fédérale de contrôle et d'évaluation de l'euthanasie, qui compte en son sein des médecins pratiquants et dont certains membres ont largement dépassé la période de leurs mandats (les remplacer pose problème car on ne se bouscule pas au portillon). Plus récemment encore (lire dans notre dernière édition l'analyse de Me Ben Messaoud et Bellemans ainsi que la tribune de Jacqueline Herremans en pages 28 et 29), la Cour constitutionnelle a rappelé la nécessité pour les médecins de respecter à la fois les modalités de fond et de forme faute de risquer d'être accusés d'empoisonnement. "De nombreux médecins pensent du coup que la loi est anticonstitutionnelle", regrette Mme Herremans. "Il n'en est rien bien sûr. Mais la loi souffre d'un défaut: elle ne prévoit pas de sanction spécifique. Nous vivons dans un vide juridique actuellement. Les médecins ne risquent donc rien pour le moment." Pour autant, le législateur va devoir rapidement combler les lacunes. Or le gouvernement Vivaldi compte en son sein le CD&V qui ne sera pas forcément facile à convaincre. à défaut d'une chute du gouvernement De Croo (que le panel ne souhaitait pas malgré une position ambiguë du représentant d'Ecolo-Groen), des majorités alternatives seront peut-être nécessaires.

En attendant, pour que la partition soit complètement achevée, il reste à régler notamment le problème de la déclaration anticipée qui, seule, peut soulager la conscience des soignants et des familles qui ont à gérer des personnes en déclin cognitif ne pouvant plus décider par elles-mêmes. Aujourd'hui, les modalités d'enregistrement de la déclaration anticipée sont encore trop complexes. "Et il est difficile d'y penser lorsqu'on est jeune", souligne Martin Casier. Sophie Merckx rappelle qu'aux Pays-Bas, il existe une "Wilsverklaring" qui semble bien fonctionner... Mais il n'y a pas que les patients à l'état comateux: "La perte de conscience irrévocable amenant la perte de reconnaissance de ses proches est un immense défi", précise David Weytsman. "Deux-tiers des décès sont prévisibles." Le MR, sous la houlette de Jacques Brotchi, avait proposé d'étendre la loi pour qu'elle puisse s'appliquer à toutes les atteintes au cerveau dont le cancer, le Parkinson... "Dans le cadre de la déclaration d'euthanasie, il faut discuter des limites pour lesquelles on accepte d'être accompagné pour sa fin de vie."

Une loi de liberté

Encore "jeune médecin généraliste" (elle pratique depuis 20 ans), le Dr Sophie Merckx souligne que la situation dans les maisons de repos et de soins n'est pas simple lorsqu'on y est appelé en tant que médecin. "Quelle est la volonté de la vieille personne? Souvent, le dossier médical est vide."

Martin Casier, jeune député bruxellois, s'extasie sur cette loi qui est avant tout un texte de liberté qui n'oblige personne. Mais il souligne le côté kafkaïen de la procédure de déclaration anticipée qui est inacceptable avec notamment deux témoins, etc. Il souhaite ancrer la loi dans une sécurité juridique. Le droit de disposer de son propre corps doit être total, tant au niveau de la loi dépénalisant l'avortement que celle dépénalisant l'euthanasie. Or, celle-ci est encore fragile, qu'on en juge par les récents arrêts de la CEDH et de la Cour constitutionnelle.

Maintenant que la loi a été étendue aux mineurs émancipés sous conditions plus restrictives que les adultes, la symphonie de Jacqueline Herremans est-elle achevée? On attend encore le point d'orgue.

Jacqueline Herremans, avocate et présidente de l'Association pour le Droit de mourir dans la dignité (ADMD) a le sens de la scène: pour fêter les 20 ans de "sa" loi dépénalisant l'euthanasie, elle a réuni au Théâtre de Poche, dans une salle assombrie, le président de la Commission conjointe Justice et Santé de l'époque, Josy Dubié (ex-Ecolo) qui rappelle avoir été très étonné en tant que globe-trotter d'avoir été élu parlementaire et parachuté président. En tous les cas, les 40 auditions qui eurent lieu sur deux ans, il en réclame la paternité (notons qu'à l'époque le journal du Médecin a également joué sa part dans le débat). Autour de lui, en raison d'un vote crucial à la Chambre: des seconds couteaux à la tête bien pleine mais trop jeunes pour avoir réellement joué un rôle dans cette "avancée sociétale": David Weytsman (MR), Martin Casier (PS), Matteo Segers (Ecolo-Groen) et le Dr Sophie Merckx (PTB), le tout orchestré par l'inénarrable Eddy Caeckelbergs. Et en l'absence notoire des Engagés (ex-cdH et ex-PSC) qui auraient pu être représentés par le Dr Catherine Fonck, et sans Défi. Bref: un parterre très militant... Jacqueline Herremans a rappelé combien la Belgique fut pionnière à l'époque puisque seuls l'Oregon et les Pays-Bas possédaient une législation abrégeant les souffrances des patients souhaitant en finir plus tôt que n'en aurait décidé Dame Nature. La loi fut, malgré une avalanche d'amendements des "Chrétiens", votée à une large majorité en 2002. Depuis, environ 27.000 personnes ont fait appel à ce "droit de mourir dans la dignité", selon le député Weytsman. Toutefois, aucune loi n'est d'airain dans une démocratie. La loi euthanasie traverse en ce moment quelques turbulences: la CEDH (Cour européenne des Droits de l'homme) a réaffirmé le manque d'indépendance de la Commission fédérale de contrôle et d'évaluation de l'euthanasie, qui compte en son sein des médecins pratiquants et dont certains membres ont largement dépassé la période de leurs mandats (les remplacer pose problème car on ne se bouscule pas au portillon). Plus récemment encore (lire dans notre dernière édition l'analyse de Me Ben Messaoud et Bellemans ainsi que la tribune de Jacqueline Herremans en pages 28 et 29), la Cour constitutionnelle a rappelé la nécessité pour les médecins de respecter à la fois les modalités de fond et de forme faute de risquer d'être accusés d'empoisonnement. "De nombreux médecins pensent du coup que la loi est anticonstitutionnelle", regrette Mme Herremans. "Il n'en est rien bien sûr. Mais la loi souffre d'un défaut: elle ne prévoit pas de sanction spécifique. Nous vivons dans un vide juridique actuellement. Les médecins ne risquent donc rien pour le moment." Pour autant, le législateur va devoir rapidement combler les lacunes. Or le gouvernement Vivaldi compte en son sein le CD&V qui ne sera pas forcément facile à convaincre. à défaut d'une chute du gouvernement De Croo (que le panel ne souhaitait pas malgré une position ambiguë du représentant d'Ecolo-Groen), des majorités alternatives seront peut-être nécessaires. En attendant, pour que la partition soit complètement achevée, il reste à régler notamment le problème de la déclaration anticipée qui, seule, peut soulager la conscience des soignants et des familles qui ont à gérer des personnes en déclin cognitif ne pouvant plus décider par elles-mêmes. Aujourd'hui, les modalités d'enregistrement de la déclaration anticipée sont encore trop complexes. "Et il est difficile d'y penser lorsqu'on est jeune", souligne Martin Casier. Sophie Merckx rappelle qu'aux Pays-Bas, il existe une "Wilsverklaring" qui semble bien fonctionner... Mais il n'y a pas que les patients à l'état comateux: "La perte de conscience irrévocable amenant la perte de reconnaissance de ses proches est un immense défi", précise David Weytsman. "Deux-tiers des décès sont prévisibles." Le MR, sous la houlette de Jacques Brotchi, avait proposé d'étendre la loi pour qu'elle puisse s'appliquer à toutes les atteintes au cerveau dont le cancer, le Parkinson... "Dans le cadre de la déclaration d'euthanasie, il faut discuter des limites pour lesquelles on accepte d'être accompagné pour sa fin de vie."Encore "jeune médecin généraliste" (elle pratique depuis 20 ans), le Dr Sophie Merckx souligne que la situation dans les maisons de repos et de soins n'est pas simple lorsqu'on y est appelé en tant que médecin. "Quelle est la volonté de la vieille personne? Souvent, le dossier médical est vide."Martin Casier, jeune député bruxellois, s'extasie sur cette loi qui est avant tout un texte de liberté qui n'oblige personne. Mais il souligne le côté kafkaïen de la procédure de déclaration anticipée qui est inacceptable avec notamment deux témoins, etc. Il souhaite ancrer la loi dans une sécurité juridique. Le droit de disposer de son propre corps doit être total, tant au niveau de la loi dépénalisant l'avortement que celle dépénalisant l'euthanasie. Or, celle-ci est encore fragile, qu'on en juge par les récents arrêts de la CEDH et de la Cour constitutionnelle. Maintenant que la loi a été étendue aux mineurs émancipés sous conditions plus restrictives que les adultes, la symphonie de Jacqueline Herremans est-elle achevée? On attend encore le point d'orgue.