L'arbre bronchique de nos poumons se ramifie progressivement en bronches de plus en plus petites et de plus en plus distales, celles dont le diamètre est inférieur à deux millimètres étant appelées petites voies aériennes ou petites voies respiratoires. La littérature parle parfois aussi de la "zone silencieuse" du poumon, parce que ces voies respiratoires périphériques sont difficiles à la fois à mesurer, à objectiver et à traiter. Dans la mesure où elles représentent aussi - de par leur nombre - la plus grande surface muqueuse totale, l'inflammation et le remodelage de celle-ci peuvent avoir un impact considérable sur l'obstruction des petites voies respiratoires et la résistance des voies aériennes périphériques. Le tout est donc de savoir et de comprendre ce qui se passe dans les régions distales du poumon pour orienter le traitement d'une manière optimale. Le Pr Thérèse Lapperre, chef du service des maladies pulmonaires de l'UZ Antwerpen, se consacre avec ses collègues à la recherche sur la MPVA. Elle a accepté de nous donner un mot d'explication.

L'étude Atlantis démontre qu'il existe un lien manifeste entre la maladie des petites voies aériennes et l'asthme sévère. La MPVA est aussi associée à un moins bon contrôle de l'asthme et à des exacerbations plus fréquentes.

Histologie

L'examen histopathologique de tissu pulmonaire périphérique obtenu après une résection chirurgicale ou un décès (p.ex. des suites d'une crise gravissime) chez des patients asthmatiques a révélé d'importantes modifications au niveau des petites voies aériennes, avec une augmentation du nombre de cellules inflammatoires et caliciformes et un épaississement de la couche de cellules musculaires lisses de la paroi bronchique. L'obstruction des petites voies respiratoires repose donc sur un double mécanisme, d'une part celui de l'accumulation de mucus ("bouchon muqueux") dans la lumière des broches, de l'autre celui de l'épaississement de la paroi. " C'est ainsi que nous avons découvert que ces petites voies aériennes étaient le théâtre de modifications pathologiques, surtout à mesure que l'asthme s'aggrave et provoque davantage de plaintes", explique le Pr Lapperre.

Les mécanismes qui sous-tendent la MPVA restent (trop) mal connus. Pour l'instant, le consensus est que l'inflammation chronique classiquement observée dans l'asthme se manifeste aussi bien au niveau des grandes voies respiratoires que des petites, mais pas forcément en même temps ni de façon uniforme dans les deux poumons. " Il est capital d'obtenir des informations fiables sur les petites voies respiratoires du patient, mais par des moyens non invasifs", souligne le Pr Lapperre. Des techniques d'imagerie et de mesure de la fonction pulmonaire ont été développées et affinées spécialement pour évaluer la fonction des petites voies respiratoires, les informations fournies par une spirométrie standard n'étant pas suffisantes. " Certains patients asthmatiques présentent des plaintes persistantes alors que leur fonction pulmonaire semble normale. Dans ce cas de figure, il est intéressant de creuser plus loin - au sens le plus littéral du terme", commente le Pr Lapperre.

Atlantis

Le scanner thoracique et plusieurs mesures de la fonction pulmonaire permettent aujourd'hui aux médecins de dresser le tableau de la perméabilité et des modifications morphologiques des petites voies respiratoires. La grande étude observationnelle internationale Atlantis1 a utilisé ces techniques pour en investiguer la fonction chez des patients asthmatiques (plus ou moins gravement atteints). " Ses conclusions sont exceptionnellement intéressantes et ont des implications concrètes pour l'évaluation et le traitement des patients asthmatiques", commente la pneumologue . "Ces données vont beaucoup faciliter les recherches futures."

" Les techniques d'imagerie et de mesure de la fonction pulmonaire n'ont pas toutes livré le même tableau et il est probable qu'elles apportent des informations complémentaires concernant différents aspects de la MPVA. Chez 90% des patients asthmatiques, au moins un test indiquait une anomalie de la fonction des petites voies respiratoires - une proportion étonnamment élevée. Bien que la MPVA se rencontre aussi dans les formes d'asthme légères, ces travaux révèlent un lien manifeste avec l'asthme sévère. En outre, la MPVA est également associée à un moins bon contrôle de l'asthme (sur la base des directives GINA) et à des exacerbations plus fréquentes", explique le Pr Lapperre . "La mesure FOT2, en particulier, est un prédicteur indépendant de la survenue d'exacerbations dans la MPVA, même si cette technique n'est pas (encore) disponible dans tous les services de pneumologie. Trois autres méthodes peuvent toutefois déjà être appliquées dans la pratique pour se faire une idée de la gravité de la MPVA - pour ceux que cela intéresse, la spirométrie permet d'examiner le débit de fin d'expiration, la pléthysmographie corps entier le piégeage gazeux (VR/CPT)3 et les scanners en inspiration et en expiration permettent d'identifier les zones des poumons qui présentent (ou non) une obstruction des petites voies respiratoires."

Petites particules et traitements biologiques

L'inflammation des petites voies respiratoires influence de façon significative le tableau des plaintes des patients asthmatiques. Pour améliorer le contrôle de la maladie, il est important que les médicaments prescrits atteignent effectivement ces petites voies respiratoires. " La taille de leurs particules a un rôle à jouer sur ce plan: les particules extrafines (< 2m m) se déposent mieux dans les zones plus périphériques des poumons. Certains médecins ne sont pas encore tout à fait convaincus et attendent des études randomisées supplémentaires, mais nous appliquons déjà souvent ce principe dans la pratique: en présence de signes de MPVA et/ou de contrôle insuffisant de l'asthme, nous passons à un traitement inhalé par stéroïde/formotérol en particules extrafines... et nous voyons que l'état du patient s'en trouve souvent amélioré", commente la spécialiste . "Les médecins de famille peuvent tout à fait passer eux-mêmes à un aérosol à particules ultrafines. Néanmoins, il est aussi et surtout important de contrôler la technique d'inhalation et la compliance."

Les traitements biologiques aussi sont prometteurs dans le cadre de la MPVA. Administrés par voie systémique (ce qui constitue une autre piste pour atteindre les petites voies respiratoires), ils bloquent de façon très spécifique certaines cascades inflammatoires. "Des recherches supplémentaires restent nécessaires, mais je m'attends à ce que les médicaments biologiques aient un effet sur les petites voies respiratoires. Ils sont destinés avant tout au traitement de l'asthme sévère non contrôlé accompagné d'exacerbations, et l'étude ATLANTIS nous apprend justement que la MVPA y est associée", conclut le Pr Lapperre.

1. Postma D, Brightling C, Baldi S, et al. Exploring the relevance and extent of small airways dysfunction in asthma (ATLANTIS). The Lancet Respiratory Medicine. 2019 ; 7(5): 402-416.

2. Forced Oscillation Technique ou technique des oscillations forcées

3. Volume résiduel/capacité pulmonaire totale

L'arbre bronchique de nos poumons se ramifie progressivement en bronches de plus en plus petites et de plus en plus distales, celles dont le diamètre est inférieur à deux millimètres étant appelées petites voies aériennes ou petites voies respiratoires. La littérature parle parfois aussi de la "zone silencieuse" du poumon, parce que ces voies respiratoires périphériques sont difficiles à la fois à mesurer, à objectiver et à traiter. Dans la mesure où elles représentent aussi - de par leur nombre - la plus grande surface muqueuse totale, l'inflammation et le remodelage de celle-ci peuvent avoir un impact considérable sur l'obstruction des petites voies respiratoires et la résistance des voies aériennes périphériques. Le tout est donc de savoir et de comprendre ce qui se passe dans les régions distales du poumon pour orienter le traitement d'une manière optimale. Le Pr Thérèse Lapperre, chef du service des maladies pulmonaires de l'UZ Antwerpen, se consacre avec ses collègues à la recherche sur la MPVA. Elle a accepté de nous donner un mot d'explication. L'examen histopathologique de tissu pulmonaire périphérique obtenu après une résection chirurgicale ou un décès (p.ex. des suites d'une crise gravissime) chez des patients asthmatiques a révélé d'importantes modifications au niveau des petites voies aériennes, avec une augmentation du nombre de cellules inflammatoires et caliciformes et un épaississement de la couche de cellules musculaires lisses de la paroi bronchique. L'obstruction des petites voies respiratoires repose donc sur un double mécanisme, d'une part celui de l'accumulation de mucus ("bouchon muqueux") dans la lumière des broches, de l'autre celui de l'épaississement de la paroi. " C'est ainsi que nous avons découvert que ces petites voies aériennes étaient le théâtre de modifications pathologiques, surtout à mesure que l'asthme s'aggrave et provoque davantage de plaintes", explique le Pr Lapperre. Les mécanismes qui sous-tendent la MPVA restent (trop) mal connus. Pour l'instant, le consensus est que l'inflammation chronique classiquement observée dans l'asthme se manifeste aussi bien au niveau des grandes voies respiratoires que des petites, mais pas forcément en même temps ni de façon uniforme dans les deux poumons. " Il est capital d'obtenir des informations fiables sur les petites voies respiratoires du patient, mais par des moyens non invasifs", souligne le Pr Lapperre. Des techniques d'imagerie et de mesure de la fonction pulmonaire ont été développées et affinées spécialement pour évaluer la fonction des petites voies respiratoires, les informations fournies par une spirométrie standard n'étant pas suffisantes. " Certains patients asthmatiques présentent des plaintes persistantes alors que leur fonction pulmonaire semble normale. Dans ce cas de figure, il est intéressant de creuser plus loin - au sens le plus littéral du terme", commente le Pr Lapperre. Le scanner thoracique et plusieurs mesures de la fonction pulmonaire permettent aujourd'hui aux médecins de dresser le tableau de la perméabilité et des modifications morphologiques des petites voies respiratoires. La grande étude observationnelle internationale Atlantis1 a utilisé ces techniques pour en investiguer la fonction chez des patients asthmatiques (plus ou moins gravement atteints). " Ses conclusions sont exceptionnellement intéressantes et ont des implications concrètes pour l'évaluation et le traitement des patients asthmatiques", commente la pneumologue . "Ces données vont beaucoup faciliter les recherches futures." " Les techniques d'imagerie et de mesure de la fonction pulmonaire n'ont pas toutes livré le même tableau et il est probable qu'elles apportent des informations complémentaires concernant différents aspects de la MPVA. Chez 90% des patients asthmatiques, au moins un test indiquait une anomalie de la fonction des petites voies respiratoires - une proportion étonnamment élevée. Bien que la MPVA se rencontre aussi dans les formes d'asthme légères, ces travaux révèlent un lien manifeste avec l'asthme sévère. En outre, la MPVA est également associée à un moins bon contrôle de l'asthme (sur la base des directives GINA) et à des exacerbations plus fréquentes", explique le Pr Lapperre . "La mesure FOT2, en particulier, est un prédicteur indépendant de la survenue d'exacerbations dans la MPVA, même si cette technique n'est pas (encore) disponible dans tous les services de pneumologie. Trois autres méthodes peuvent toutefois déjà être appliquées dans la pratique pour se faire une idée de la gravité de la MPVA - pour ceux que cela intéresse, la spirométrie permet d'examiner le débit de fin d'expiration, la pléthysmographie corps entier le piégeage gazeux (VR/CPT)3 et les scanners en inspiration et en expiration permettent d'identifier les zones des poumons qui présentent (ou non) une obstruction des petites voies respiratoires."L'inflammation des petites voies respiratoires influence de façon significative le tableau des plaintes des patients asthmatiques. Pour améliorer le contrôle de la maladie, il est important que les médicaments prescrits atteignent effectivement ces petites voies respiratoires. " La taille de leurs particules a un rôle à jouer sur ce plan: les particules extrafines (< 2m m) se déposent mieux dans les zones plus périphériques des poumons. Certains médecins ne sont pas encore tout à fait convaincus et attendent des études randomisées supplémentaires, mais nous appliquons déjà souvent ce principe dans la pratique: en présence de signes de MPVA et/ou de contrôle insuffisant de l'asthme, nous passons à un traitement inhalé par stéroïde/formotérol en particules extrafines... et nous voyons que l'état du patient s'en trouve souvent amélioré", commente la spécialiste . "Les médecins de famille peuvent tout à fait passer eux-mêmes à un aérosol à particules ultrafines. Néanmoins, il est aussi et surtout important de contrôler la technique d'inhalation et la compliance." Les traitements biologiques aussi sont prometteurs dans le cadre de la MPVA. Administrés par voie systémique (ce qui constitue une autre piste pour atteindre les petites voies respiratoires), ils bloquent de façon très spécifique certaines cascades inflammatoires. "Des recherches supplémentaires restent nécessaires, mais je m'attends à ce que les médicaments biologiques aient un effet sur les petites voies respiratoires. Ils sont destinés avant tout au traitement de l'asthme sévère non contrôlé accompagné d'exacerbations, et l'étude ATLANTIS nous apprend justement que la MVPA y est associée", conclut le Pr Lapperre.