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Pour rappel, la chirurgie bariatrique n'est remboursée en Belgique qu'en cas d'échec des modifications de l'hygiène de vie et du traitement médical, avec un IMC ? 40 ou ? 35 avec présence de comorbidités comme une HTA sévère (? 3 médicaments différents), un diabète de type 2 et/ou un syndrome des apnées obstructives du sommeil (Saos). Au-delà, " un bilan préopératoire est important car on observe souvent des carences à cause d'une alimentation qui n'est pas optimale", témoigne Vanessa Rolland. " Il sera notamment important de compenser les carences non seulement en vitamine D mais également en zinc, qui joue un rôle très important dans la cicatrisation. Des carences en vitamines B s'observent également régulièrement, et tout particulièrement chez les patients sous IPP. Une gastroscopie avec recherche d'Helicobacter pylori et une échographie du foie seront réalisées. On vérifiera aussi qu'on a bien affaire à un patient volumiteur plutôt que grignoteur sucré, c'est-à-dire qui a tendance à perdre le sentiment de satiété pour cause de repas très volumineux. Enfin, le reflux gastro-oesophagien est une contrindication relative, car le sleeve tend à le favoriser en postop." Le versant informatif et les aspects psychologiques sont extrêmement importants. "Il faut expliquer qu'un suivi à long terme voire à vie est indispensable, avec la nécessité de prendre des compléments au long cours." "Contrairement à ce qu'on croit souvent, une complémentation alimentaire s'indique non seulement dans le bypass mais également dans le sleeve, renchérit Anne-Catherine Dandrifosse." La raison en tiendrait principalement dans une moindre production d'acide - réduction de la surface gastrique oblige", explique Vanessa Rolland. Le premier mois du suivi post-op consistera surtout dans le dépistage des complications - de plus en plus rares - de la chirurgie, comme une infection, une sténose, une fistule ou une ulcération. Sur le plan nutritionnel, la réintroduction des aliments démarrera par une phase liquide au cours des premiers jours, puis molle et mixée. " Il faudra également veiller à une bonne hydratation, ces patients obèses ayant tendance à faire des lithiases biliaires et urinaires ainsi que des crises de goutte", insiste Vanessa Rolland. "C'est au cours du premier mois qu'ils s'hydratent généralement le moins bien, alors que l'amaigrissement augmente la formation d'urée par dégradation protéinée. Par ailleurs, on donnera au cours de cette période une supplémentation protéinée (pour atteindre au moins une total quotidien de 0,8g/kg de poids idéal) et vitaminique sous forme liquide. On évitera les féculents car leur prise freine celle de protéines et d'aliments contenant des vitamines." C'est après ce premier mois que la mise en place d'une alimentation à long terme, la plus saine possible, pourra débuter. " L'ordre des priorités sera les protéines, les légumes, les bonnes graisses et, en quantités minimes, des glucides. Le but est de conserver un régime alimentaire non pas hyperprotéiné mais normoprotéiné, riche en fibres et en micronutriments par l'apport en légumes et en fruits, et pauvre en glucides. On insistera ainsi sur l'élimination à 90% des sucres ajoutés. Il faut être très vigilant et combattre l'idée qu'un petit peu, "ce n'est pas grave": l'acceptation d'un spéculoos avec le café peut devenir, à terme, celle d'une grosse gaufre. Donc, en résumé, on visera à être proche du régime méditerranéen. Par ailleurs, on y ajoutera une complémentation en vitamines et minéraux spécifique à la chirurgie bariatrique. Nous avons actuellement la chance de disposer de tels compléments, qui facilitent largement la vie. Personnellement, j'y ajoute 3.000 UI de vitamine D par jour." Un point encore à noter au cours du premier mois du post-op: le risque - très faible mais bien réel - de carence en vitamine B1. Il concerne des patients qui souffrent au cours de cette phase de vomissements fréquents et importants, avec une déshydratation et une dénutrition rapides. Ce type de carence peut s'installer très rapidement et fortement, avec un risque élevé d'encéphalopathie profonde et parfois irréversible. En présence de tels vomissements, il ne faut pas hésiter à administrer de la vitamine B1- sans attendre le résultat de l'analyse biologique, qui arrive souvent trop tardivement. Deuxième aspect du post-op: la réalisation de bilans trimestriels au cours de la première année, en recherchant - outre les anomalies touchant à la glycémie - principalement les carences en fer, en zinc, en calcium, en acide folique, en vitamines B12, A et D. Les résultats permettront de personnaliser la supplémentation. Un an environ après l'intervention bariatrique, le poids se stabilise et le patient rentre alors dans la phase de suivi chronique. à ce stade, après avoir perdu jusqu'à 70% de son excédent pondéral, il peut se plaindre de conséquences cutanées (surtout au niveau abdominal) de son amaigrissement. " Il faut donc pouvoir lui suggérer la consultation d'un chirurgien plastique, en sachant que l'abdominoplastie est remboursée dans la majorité de ces cas", explique Vanessa Rolland . "Le suivi biologique sera idéalement à assurer deux fois au cours de la deuxième année puis une fois par an, avec une complémentation à très long terme. Cette dernière sera souvent allégée au fil du temps, mais pas nécessairement de manière importante."Reste le problème de la compliance. " Elle reste mauvaise", déplore la nutritionniste , "mais elle s'améliore au fil du temps, et c'est la raison pour laquelle il faut insister sur cette nécessité dès la phase préopératoire, en montrant au patient des éléments factuels comme par exemple la persistance d'une carence en vitamines B dans environ 60% des cas à cinq ans, avec des conséquences neurologiques. On peut aussi expliquer qu'une carence en fer non compensée peut s'observer dans 40% des cas à cinq ans, entraînant une anémie."Anne-Catherine Dandrifosse fait aussi remarquer qu'après l'intervention et " à vie, le patient va consommer de plus petites quantités d'aliments. Or, les vitamines sont réparties sur l'ensemble de leur alimentation. Même en mangeant des plats variés, équilibrés, ils ne consommeront pas assez de vitamines. Je leur explique donc qu'ils devront prendre à vie le meilleur de ce qu'ils ne mangeront plus."