Avant le Covid-19 : les praticiens souterrains

Avant mars 2020. Manifestations de soignants, déclarations de leaders médicaux, recherches prometteuses... passaient fugaces dans les torrents d'informations. Les patrons des mutuelles et d'autres corps intermédiaires traditionnels vitupéraient contre les suppléments d'honoraires tout en exigeant de l'argent pour l'État-Providence 2.0 dont ils se considèrent les experts et les ayants droit.

Les avertissements sur des menaces naturelles, industrielles, sanitaires ou sociales grondent.

Bref, peu de temps d'antenne pour la représentation politique des praticiens de terrain.

Puis boum ! Silence les autres ! Le Covid-19 est arrivé, les docteurs, les chercheurs, les scientifiques et bien d'autres travailleurs de l'ombre deviennent des vedettes pendant des semaines.

Les prémices de la pandémie

En observant bien les initiatives individuelles, certains ont pris des dispositions très tôt, à un moment où beaucoup de spécialistes niaient encore le danger. Ces intuitifs de la première heure partagent bon sens, flair et esprit de décision. Pas de tralalas scientifiques ou philosophiques. Les mesures prises par eux étaient relativement simples : commander des masques ou les imposer dans les lieux publics (ville de Jena en Allemagne), réorganiser, confiner leurs proches fragiles, se procurer de l'hydroxychloroquine même sans trop savoir, étudier les traitements utilisés ailleurs, prendre de la vitamine D, du zinc... Des médecins, des dentistes, des infirmiers, des kinés... ont acheté des équipements de protection et du gel hydroalcoolique sans rien demander à l'État. Et ils ont continué à traiter leurs patients, calmement, avec discrétion.

Et la représentation politique des praticiens dans tout ça ? Dès le 2 mars 2020, le Dr Philippe Devos, président de l'Absym lançait sur son blog " Coronavirus : Armageddon ou Foutaise ? " Il y décrivait le " scénario du pire " et proposait des mesures.

A l'acmé de la crise

Les bâtons de l'infectiologie, de l'épidémiologie et de la virologie fléchissent, entraînant la chute d'autres. A terre les soutiens des autres malades,... sauf s'ils accèdent à un médecin resté disponible.

L'échafaudage des savoirs et des pouvoirs tremble mais ne rompt pas. Vite le confinement pour le consolider !

Les leviers de la représentation médicale officielle tiennent aussi le coup. Modalités de remboursement pour les consultations par téléphone. Dispositions en faveur des indépendants (peu de chose pour les jeunes confrères tenus par des emprunts). Un milliard d'euros injectés dans les hôpitaux. Pour qui ? Lancinant problème. Des cultures clientélistes ont multiplié des bureaucraties gourmandes d'argent en les habillant de compétences factices. Un pourcentage non négligeable du personnel dit médical ou infirmier ne participe pas au travail auprès des malades.

L'après Covid-19 : quelle représentation politique pour les praticiens de terrain ?

Deux axes tangibles : leurs conditions de travail et leurs rémunérations. A l'hôpital, pour des raisons historiques, les règles institutionnelles figées dans la loi ont favorisé la séparation du dossier médical et du dossier infirmier, des programmes informatiques des médecins, des infirmiers, des pharmaciens, de l'administration, de la collecte des données à des fins de feed-back ou du résumé hospitalier obligatoire. Des millions d'encodages redondants garantis ! Terribles lourdeurs organisationnelles, énormes dépenses d'argent aux dépends des praticiens de terrain. Sans parler des risques d'erreurs et du manque de transparence.

Les règles institutionnelles, on en a besoin, c'est le cadre, mais c'est aussi la gueule de l'hosto-croco qui broie ses meilleurs éléments. Les praticiens de terrain eux seuls, dans les chemins qui se présentent à eux ici et maintenant, doivent défendre à la fois leur travail au service des malades et leur argent.

Deux exemples à l'hôpital :

Les soignants. Ils manifestent pour plus d'argent, à raison ! Mais ils le font naïvement avec ceux des étages bureaucratiques opérant très loin du réel et grevant lourdement les finances de l'hôpital, elles-mêmes sous pression des autres secteurs. Débats difficiles, mais nécessaires. On a aussi besoin de bureaucrates, mais pas trop !

Les médecins. Aux conseils médicaux de dresser les bons bâtons du droit aux honoraires devant leur direction. Pour le milliard du Covid-19 et pour tous les autres.

La culture politique revient au galop : en Flandre, tous les chiffres le montrent, les praticiens de terrain manient les bâtons du savoir et du pouvoir avec plus de succès qu'en francophonie pour défendre leurs intérêts. Aller y voir de plus près ? Pourquoi pas ?

Résumé de la saison

Ah qu'elle était belle la vaste gueule de la société-crocodile avant la crise ! Les échafaudages des bâtons de savoirs et de pouvoirs la tenaient bien ouverte. La métaphore heurte la logique.

Du binaire, virtuel et réel, puis du ternaire avec les bâtons. Du binaire dans le ternaire avec la distinction abstrait/concret : science et technique, sens et politique (éthique), valeur et argent. Que d'asymétries dans la société ! En bas, certains s'activent au dur contact avec le réel ; en haut, d'autres édictent des lois, de purs produits du virtuel. Entre les deux pôles, des étages d'activités intermédiaires. Tous influencent l'agencement des bâtons, tous sont opérateurs du réel et du virtuel, en proportions variables mais toujours les deux. Ah non, les trois ! J'avais oublié les egos.

À trop les ignorer, l'édifice risque de s'effondrer.

Avant mars 2020. Manifestations de soignants, déclarations de leaders médicaux, recherches prometteuses... passaient fugaces dans les torrents d'informations. Les patrons des mutuelles et d'autres corps intermédiaires traditionnels vitupéraient contre les suppléments d'honoraires tout en exigeant de l'argent pour l'État-Providence 2.0 dont ils se considèrent les experts et les ayants droit. Les avertissements sur des menaces naturelles, industrielles, sanitaires ou sociales grondent. Bref, peu de temps d'antenne pour la représentation politique des praticiens de terrain. Puis boum ! Silence les autres ! Le Covid-19 est arrivé, les docteurs, les chercheurs, les scientifiques et bien d'autres travailleurs de l'ombre deviennent des vedettes pendant des semaines. En observant bien les initiatives individuelles, certains ont pris des dispositions très tôt, à un moment où beaucoup de spécialistes niaient encore le danger. Ces intuitifs de la première heure partagent bon sens, flair et esprit de décision. Pas de tralalas scientifiques ou philosophiques. Les mesures prises par eux étaient relativement simples : commander des masques ou les imposer dans les lieux publics (ville de Jena en Allemagne), réorganiser, confiner leurs proches fragiles, se procurer de l'hydroxychloroquine même sans trop savoir, étudier les traitements utilisés ailleurs, prendre de la vitamine D, du zinc... Des médecins, des dentistes, des infirmiers, des kinés... ont acheté des équipements de protection et du gel hydroalcoolique sans rien demander à l'État. Et ils ont continué à traiter leurs patients, calmement, avec discrétion. Et la représentation politique des praticiens dans tout ça ? Dès le 2 mars 2020, le Dr Philippe Devos, président de l'Absym lançait sur son blog " Coronavirus : Armageddon ou Foutaise ? " Il y décrivait le " scénario du pire " et proposait des mesures. Les bâtons de l'infectiologie, de l'épidémiologie et de la virologie fléchissent, entraînant la chute d'autres. A terre les soutiens des autres malades,... sauf s'ils accèdent à un médecin resté disponible. L'échafaudage des savoirs et des pouvoirs tremble mais ne rompt pas. Vite le confinement pour le consolider ! Les leviers de la représentation médicale officielle tiennent aussi le coup. Modalités de remboursement pour les consultations par téléphone. Dispositions en faveur des indépendants (peu de chose pour les jeunes confrères tenus par des emprunts). Un milliard d'euros injectés dans les hôpitaux. Pour qui ? Lancinant problème. Des cultures clientélistes ont multiplié des bureaucraties gourmandes d'argent en les habillant de compétences factices. Un pourcentage non négligeable du personnel dit médical ou infirmier ne participe pas au travail auprès des malades. Deux axes tangibles : leurs conditions de travail et leurs rémunérations. A l'hôpital, pour des raisons historiques, les règles institutionnelles figées dans la loi ont favorisé la séparation du dossier médical et du dossier infirmier, des programmes informatiques des médecins, des infirmiers, des pharmaciens, de l'administration, de la collecte des données à des fins de feed-back ou du résumé hospitalier obligatoire. Des millions d'encodages redondants garantis ! Terribles lourdeurs organisationnelles, énormes dépenses d'argent aux dépends des praticiens de terrain. Sans parler des risques d'erreurs et du manque de transparence. Les règles institutionnelles, on en a besoin, c'est le cadre, mais c'est aussi la gueule de l'hosto-croco qui broie ses meilleurs éléments. Les praticiens de terrain eux seuls, dans les chemins qui se présentent à eux ici et maintenant, doivent défendre à la fois leur travail au service des malades et leur argent. Les soignants. Ils manifestent pour plus d'argent, à raison ! Mais ils le font naïvement avec ceux des étages bureaucratiques opérant très loin du réel et grevant lourdement les finances de l'hôpital, elles-mêmes sous pression des autres secteurs. Débats difficiles, mais nécessaires. On a aussi besoin de bureaucrates, mais pas trop ! Les médecins. Aux conseils médicaux de dresser les bons bâtons du droit aux honoraires devant leur direction. Pour le milliard du Covid-19 et pour tous les autres. La culture politique revient au galop : en Flandre, tous les chiffres le montrent, les praticiens de terrain manient les bâtons du savoir et du pouvoir avec plus de succès qu'en francophonie pour défendre leurs intérêts. Aller y voir de plus près ? Pourquoi pas ?