"L e vaccin protège les travailleurs contre la maladie, évitant ainsi l'absentéisme du personnel", avancent les fédérations (lire en Une). Le secteur, en pénurie de main d'oeuvre, a besoin de chaque travailleur. En outre le personnel soignant entre quotidiennement en contact avec des personnes vulnérables qui ne disposent pas toujours de suffisamment de résistance - même après leur vaccination. "Il faut absolument éviter que des collaborateurs non-vaccinés introduisent le virus dans le contexte de soins des patients, clients et résidents." Ces groupes cibles méritent cette protection, étant donné leur position vulnérable.

Aux États-Unis, la vaccination est obligatoire par contrat pour le personnel de santé.

Quelle est la réalité des arguments scientifiques pour soutenir l'obligation vaccinale des soignants? Pour le Dr Nicolas Dauby, spécialiste des maladies infectieuses au CHU Saint-Pierre, et spécialiste post-doctorant FRS-FNRS (ULB), l'étape actuelle a été notamment inspirée par le récent événement où sept décès ont été enregistrés dans une maison de repos et de soin alors que tous les patients avaient été vaccinés. "Certes, les syndicats sont attachés à l'autonomie de leurs membres et il n'est pas agréable de se faire imposer un soin. Mais cela devient tout à fait compréhensible si on réfléchit au fait que la majorité des Belges a de la famille qui est présente dans une maison de repos. Et trouve inacceptable qu'un membre de sa famille soit infecté par un membre du personnel qui ne soit pas vacciné, contracte ainsi le virus et puisse en décéder. On peut comprendre ce sentiment, je crois."

Un consensus

Pour le spécialiste, "c'est une colère qu'il est difficile d'apaiser par des arguments rationnels. Que dire aux parents d'une telle victime? Que le soignant n'est pas convaincu par le principe de la vaccination, qui est établi au moins depuis la fin du 19e siècle? Aux États-Unis, la vaccination est obligatoire par contrat pour les personnels de santé. Je pense qu'il y a aujourd'hui, un consensus parmi les professionnels de la santé en Belgique, l'Académie royale de médecine et les représentants syndicaux des travailleurs pour aller vers l'obligation pour protéger à la fois le travailleur et, possiblement, le patient. On est dans cette optique-là de protéger d'abord le travailleur, afin de lutter contre les clusters nosocomiaux qui sont terribles à gérer au niveau du personnel. Il y a les tests à reproduire régulièrement, du personnel en quarantaine, des absences à gérer, des traitements. Cela a un coût humain et économique important. Il faut fermer des unités et des chambres, retarder des interventions" alors que le coût de deux doses de vaccins avoisine le prix d'un seul test PCR.

Mais est-ce que l'immunité collective est un graal inaccessible? On sait que pour atteindre 90% de couverture, il faut vacciner les enfants. Mais sont-ils vraiment transmetteurs peu ou prou? "Cela dépend ce qu'on veut dire par immunité collective", rétorque le Dr Nicolas Dauby. "Si on veut interrompre la transmission du virus dans la société je doute qu'on y arrive, vu les contacts au niveau global, les voyages, les mouvements de population, je pense que la Belgique ne sera jamais une île isolée du monde. Par contre, une immunité collective pour limiter au maximum les cas sévères et les hospitalisations est un but réalisable. On le voit actuellement aux Etats Unis: les États qui sont arrivés à vacciner 50% de leur population, comme la Floride, connaissent une épidémie qui flambe, alors que les Etats du Nord où la couverture est de 70 ou de 80% connaissent une épidémie qui ne flambe plus pour le moment. La situation est dramatique dans certains États, mais on peut apprendre beaucoup sur l'impact du taux de vaccination sur l'hospitalisation de la population. Au final c'est cela qui compte. Et la Belgique, avec un taux global qui frise les 80% semble bien partie, même si certaines parties du territoire bruxellois restent problématiques".

L'expert s'élève également contre cette thèse qui, depuis fin juin, avance qu'on est un peu trop clément quand on dit que les enfants n'ont pas de bénéfice à se faire vacciner et ne se feraient vacciner que pour le bien collectif. "Des analyses américaines montrent bien que la vaccination apporte d'abord un avantage personnel, y compris pour les enfants, en leur évitant des complications inflammatoires, des Covid longs et de l'absentéisme à l'école, avec des conséquences psycho-sociales lourdes. Certes, l'obésité y est répandue, et les chiffres d'hospitalisation ne sont pas énormes dans l'absolu, mais la vaccination fonctionne aussi pour ces enfants lourdement affectés, ainsi que pour leur famille. Une pneumonie bilatérale à 12 ans, ce sont possiblement des séquelles pulmonaires à vie. Alors qu'on dispose d'un vaccin sûr, pas cher, et qui fonctionne très bien chez l'enfant, pourquoi s'en priver si on en dispose? Ne pas vacciner, c'est aussi augmenter les inégalités. Ceux qui vivent sans médecin de famille, dans des locaux confinés, sont aussi ceux qui seront privés de vaccins, et qui paieront la maladie en terme de morbidité accrue, d'absentéisme face aux besoins d'éducation."

Pour le Pr Nathalie Jacobs, spécialiste en immunologie à l'Université de Liège (Giga), aucune solution n'est la solution unique, mais la vaccination des soignants sera un des outils qui permettra de faire reculer l'épidémie. Pour les personnes en contact avec des personnes fragiles comme celles qui sont hospitalisées, il vaut mieux que le virus circule le moins possible. "Or, plusieurs études ont montré que quand la personne est vaccinée, non seulement elle se protège elle-même contre les formes les plus sévères de la maladie, mais elle est également moins porteuse du virus (ou moins longtemps suivant le variant considéré). Il n'existe pour l'instant aucune solution qui aboutisse à être débarrassé du virus à 100%. Toutefois, chez les personnes vaccinées, la charge virale diminue et le nombre de jours où les symptômes se manifestent est moins important."

Quel sont les seuils à atteindre?

"L'immunité peut être difficile à mesurer. Les meilleurs marqueurs actuellement sont les anticorps neutralisants, qui persistent chez certains individus jusqu'à huit mois après l'infection initiale. Bien que l'immunité puisse également être mesurée en examinant les cellules immunitaires mémoires, les techniques permettant d'évaluer la mémoire immunitaire ne peuvent pas être réalisées à grande échelle actuellement. L'immunité peut s'affaiblir avec le temps, ce qui peut entraîner un faible risque de réinfection. Mais ce qui est sûr c'est que l'immunité vaccinale comporte moins de risque que l'immunité acquise naturellement. La longévité de l'immunité conférée par un vaccin et la circulation du virus déterminera s'il y aura besoin d'un programme annuel de vaccination Covid-19, comme celui actuellement mené pour la grippe. Pour être complet, l'infection naturelle induit une réponse immunitaire contre plus de protéines virales que les vaccins ciblant la protéine Spike, mais les vaccins induisent une bonne réponse immunitaire avec moins de risques qu'une infection naturelle."

Vandenbroucke pour la vaccination obligatoire du personnel soignant

Actuellement, l'Italie est le seul pays européen où la vaccination est obligatoire pour le personnel soignant, et les résultats sont très positifs. Selon les derniers chiffres des autorités italiennes, 98% des professionnels de la santé ont reçu une première dose du vaccin. La France et la Grèce ont décidé d'introduire l'obligation en septembre ; l'Allemagne et la Grande-Bretagne envisagent aussi sérieusement cette option.

Chez nous, le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit) proposera de rendre obligatoire la vaccination pour le personnel soignant, a-t-il déclaré lundi dans l'émission Terzake sur Canvas. "Je proposerai expressément au gouvernement fédéral et aux collègues des régions que nous rendions la vaccination obligatoire pour les personnes actives dans le secteur des soins."

"L e vaccin protège les travailleurs contre la maladie, évitant ainsi l'absentéisme du personnel", avancent les fédérations (lire en Une). Le secteur, en pénurie de main d'oeuvre, a besoin de chaque travailleur. En outre le personnel soignant entre quotidiennement en contact avec des personnes vulnérables qui ne disposent pas toujours de suffisamment de résistance - même après leur vaccination. "Il faut absolument éviter que des collaborateurs non-vaccinés introduisent le virus dans le contexte de soins des patients, clients et résidents." Ces groupes cibles méritent cette protection, étant donné leur position vulnérable. Quelle est la réalité des arguments scientifiques pour soutenir l'obligation vaccinale des soignants? Pour le Dr Nicolas Dauby, spécialiste des maladies infectieuses au CHU Saint-Pierre, et spécialiste post-doctorant FRS-FNRS (ULB), l'étape actuelle a été notamment inspirée par le récent événement où sept décès ont été enregistrés dans une maison de repos et de soin alors que tous les patients avaient été vaccinés. "Certes, les syndicats sont attachés à l'autonomie de leurs membres et il n'est pas agréable de se faire imposer un soin. Mais cela devient tout à fait compréhensible si on réfléchit au fait que la majorité des Belges a de la famille qui est présente dans une maison de repos. Et trouve inacceptable qu'un membre de sa famille soit infecté par un membre du personnel qui ne soit pas vacciné, contracte ainsi le virus et puisse en décéder. On peut comprendre ce sentiment, je crois."Pour le spécialiste, "c'est une colère qu'il est difficile d'apaiser par des arguments rationnels. Que dire aux parents d'une telle victime? Que le soignant n'est pas convaincu par le principe de la vaccination, qui est établi au moins depuis la fin du 19e siècle? Aux États-Unis, la vaccination est obligatoire par contrat pour les personnels de santé. Je pense qu'il y a aujourd'hui, un consensus parmi les professionnels de la santé en Belgique, l'Académie royale de médecine et les représentants syndicaux des travailleurs pour aller vers l'obligation pour protéger à la fois le travailleur et, possiblement, le patient. On est dans cette optique-là de protéger d'abord le travailleur, afin de lutter contre les clusters nosocomiaux qui sont terribles à gérer au niveau du personnel. Il y a les tests à reproduire régulièrement, du personnel en quarantaine, des absences à gérer, des traitements. Cela a un coût humain et économique important. Il faut fermer des unités et des chambres, retarder des interventions" alors que le coût de deux doses de vaccins avoisine le prix d'un seul test PCR. Mais est-ce que l'immunité collective est un graal inaccessible? On sait que pour atteindre 90% de couverture, il faut vacciner les enfants. Mais sont-ils vraiment transmetteurs peu ou prou? "Cela dépend ce qu'on veut dire par immunité collective", rétorque le Dr Nicolas Dauby. "Si on veut interrompre la transmission du virus dans la société je doute qu'on y arrive, vu les contacts au niveau global, les voyages, les mouvements de population, je pense que la Belgique ne sera jamais une île isolée du monde. Par contre, une immunité collective pour limiter au maximum les cas sévères et les hospitalisations est un but réalisable. On le voit actuellement aux Etats Unis: les États qui sont arrivés à vacciner 50% de leur population, comme la Floride, connaissent une épidémie qui flambe, alors que les Etats du Nord où la couverture est de 70 ou de 80% connaissent une épidémie qui ne flambe plus pour le moment. La situation est dramatique dans certains États, mais on peut apprendre beaucoup sur l'impact du taux de vaccination sur l'hospitalisation de la population. Au final c'est cela qui compte. Et la Belgique, avec un taux global qui frise les 80% semble bien partie, même si certaines parties du territoire bruxellois restent problématiques".L'expert s'élève également contre cette thèse qui, depuis fin juin, avance qu'on est un peu trop clément quand on dit que les enfants n'ont pas de bénéfice à se faire vacciner et ne se feraient vacciner que pour le bien collectif. "Des analyses américaines montrent bien que la vaccination apporte d'abord un avantage personnel, y compris pour les enfants, en leur évitant des complications inflammatoires, des Covid longs et de l'absentéisme à l'école, avec des conséquences psycho-sociales lourdes. Certes, l'obésité y est répandue, et les chiffres d'hospitalisation ne sont pas énormes dans l'absolu, mais la vaccination fonctionne aussi pour ces enfants lourdement affectés, ainsi que pour leur famille. Une pneumonie bilatérale à 12 ans, ce sont possiblement des séquelles pulmonaires à vie. Alors qu'on dispose d'un vaccin sûr, pas cher, et qui fonctionne très bien chez l'enfant, pourquoi s'en priver si on en dispose? Ne pas vacciner, c'est aussi augmenter les inégalités. Ceux qui vivent sans médecin de famille, dans des locaux confinés, sont aussi ceux qui seront privés de vaccins, et qui paieront la maladie en terme de morbidité accrue, d'absentéisme face aux besoins d'éducation."Pour le Pr Nathalie Jacobs, spécialiste en immunologie à l'Université de Liège (Giga), aucune solution n'est la solution unique, mais la vaccination des soignants sera un des outils qui permettra de faire reculer l'épidémie. Pour les personnes en contact avec des personnes fragiles comme celles qui sont hospitalisées, il vaut mieux que le virus circule le moins possible. "Or, plusieurs études ont montré que quand la personne est vaccinée, non seulement elle se protège elle-même contre les formes les plus sévères de la maladie, mais elle est également moins porteuse du virus (ou moins longtemps suivant le variant considéré). Il n'existe pour l'instant aucune solution qui aboutisse à être débarrassé du virus à 100%. Toutefois, chez les personnes vaccinées, la charge virale diminue et le nombre de jours où les symptômes se manifestent est moins important.""L'immunité peut être difficile à mesurer. Les meilleurs marqueurs actuellement sont les anticorps neutralisants, qui persistent chez certains individus jusqu'à huit mois après l'infection initiale. Bien que l'immunité puisse également être mesurée en examinant les cellules immunitaires mémoires, les techniques permettant d'évaluer la mémoire immunitaire ne peuvent pas être réalisées à grande échelle actuellement. L'immunité peut s'affaiblir avec le temps, ce qui peut entraîner un faible risque de réinfection. Mais ce qui est sûr c'est que l'immunité vaccinale comporte moins de risque que l'immunité acquise naturellement. La longévité de l'immunité conférée par un vaccin et la circulation du virus déterminera s'il y aura besoin d'un programme annuel de vaccination Covid-19, comme celui actuellement mené pour la grippe. Pour être complet, l'infection naturelle induit une réponse immunitaire contre plus de protéines virales que les vaccins ciblant la protéine Spike, mais les vaccins induisent une bonne réponse immunitaire avec moins de risques qu'une infection naturelle."