Environ 200 maladies peuvent induire de la fibrose au niveau des poumons. Un diagnostic précis est donc indispensable pour traiter les patients au mieux.
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Certains symptômes sont communs à toutes les fibroses, quelle qu'en soit la cause. L'essoufflement progressif est présent dans les trois quarts des cas. Cette dyspnée s'installe lentement, mais sûrement, et nombre de patients - et parfois leur médecin - la mettent, à tort, sur le compte de l'âge. Les maladies interstitielles peuvent aussi provoquer une toux sèche chronique (50% des cas), une oppression thoracique et de la fatigue. Et bien que le phénomène ne soit pas encore totalement élucidé, entre 25 et 50% des patients atteints de fibrose pulmonaire présentent un hippocratisme digital. Cependant, ces plaintes ne sont pas spécifiques aux fibroses. La BPCO, un cancer bronchique ou une pathologie cardiaque peuvent tout aussi bien les expliquer. "Un symptôme, toutefois, ne trompe pas", rappelle le Pr Antoine Froidure, pneumologue aux Cliniques universitaires Saint-Luc. "A l'auscultation, toutes les fibroses avancées produisent un son crépitant à l'inspiration. Dans la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI), - la plus fréquente, avec environ 700 cas identifiés en Belgique, soit un quart de toutes les fibroses -, ce qu'on appelle les râles "velcro" sont particulièrement perceptibles dans le bas des poumons. Dans les autres maladies interstitielles, les crépitants peuvent s'entendre ailleurs. Dans tous les cas, un tel son doit faire penser à ces pathologies et justifie un scanner thoracique."Le diagnostic de FPI et d'autres fibroses repose sur plusieurs critères radiologiques, visibles sur un scanner pulmonaire en haute résolution: réticulations (épaississement du tissu interstitiel), bronchiectasies par traction ou encore des kystes en rayon de miel. Cela dit, même dans la FPI, les lésions ne sont pas toujours typiques. D'autres examens sont nécessaires pour permettre un diagnostic différentiel. "La prise de sang peut ainsi révéler une maladie auto-immune (la sclérodermie, par exemple) ou une pneumopathie d'hypersensibilité vis-à-vis d'un antigène extérieur", explique le Pr Froidure. "En effet, il existe des fibroses dites du fermier ou de l'éleveur d'oiseaux. L'inhalation chronique de moisissures ou de particules toxiques dans le cadre professionnel (mines, secteur de la construction, industrie du verre, etc.) est aussi à l'origine de fibroses pulmonaires."Si aucune maladie auto-immune ou allergique n'est détectée par ce biais, une endoscopie avec lavage alvéolaire peut être nécessaire afin de récolter et d'analyser les cellules inflammatoires. Dans tous les cas, chaque cas de fibrose doit être discuté en réunion multidisciplinaire spécialisée (pneumologue, radiologue, pathologiste, rhumatologue, etc.) afin de définir la stratégie thérapeutique la plus pertinente. Tout d'abord, il faut identifier et gérer les facteurs de risque... et, si possible, les éliminer. À cet égard, la première ligne peut jouer un rôle important, notamment grâce à sa meilleure connaissance de l'environnement et des conditions de vie du patient. "Sans surprise, le tabagisme - actif ou passif, présent ou passé - favorise les fibroses", rappelle le pneumologue. "Le médecin traitant peut dès lors sensibiliser, voire accompagner le patient et son entourage dans un processus de sevrage tabagique. Il faut aussi éliminer les allergènes responsables de la pneumopathie." Ce qui n'est pas toujours évident! Si le patient est allergique à ses perruches, il faut le convaincre de s'en défaire. Dans un logement insalubre, la présence de moisissures peut être à l'origine de la fibrose. Et si la maladie est en lien avec le métier du patient, cela peut aussi nécessiter une réorganisation, voire une réorientation professionnelle. Ce qui implique de facto la médecine du travail. Il ne faut pas non plus négliger les traitements non pharmacologiques. Comme dans d'autres maladies respiratoires, les patients atteints de fibrose pulmonaire retirent des bénéfices certains de la revalidation et des exercices supervisés. Outre une amélioration de la dyspnée, une activité physique adaptée influe positivement sur la santé mentale et/ou la vie sociale de patients qui, souvent, ont tendance à se replier sur eux-mêmes. "Pour le motiver et pour s'assurer de sa compliance, le patient doit comprendre l'enjeu", commente le Pr Froidure. "Sans traitement, la survie médiane avec une fibrose progressive comme la FPI est de 3 à 5 ans - un pronostic plus sombre que la plupart des cancers! Cependant, en contrôlant les facteurs de risque et avec une prise en charge adéquate, la survie médiane passe à 6 ou 7 ans."Par ailleurs, la transplantation pulmonaire doit être envisagée en cas de fibrose progressive chez les patients les plus jeunes (en général moins de 65 ans) et présentant peu de comorbidités. Quant au traitement médicamenteux, il dépend, bien sûr, de l'étiologie. "En cas de maladie auto-immune, les immunosuppresseurs sont en général envisagés en première ligne pour stopper la progression de la fibrose. En revanche, pour une FPI, il faut se tourner d'emblée vers les antifibrosants. Dans ce dernier cas, ce qui est perdu est perdu. Letraitement vise donc à préserver les alvéoles encore saines afin de freiner le déclin de la fonction respiratoire."Deux médicaments antifibrosants sont disponibles en Belgique: la pirfénidone et le nintédanib. Pour l'instant, ils ne sont remboursés en Belgique que dans la FPI. Néanmoins, des études récentes ont démontré l'efficacité du nintédanib dans les autres types de fibrose. "De par le petit nombre de patients concernés, la plupart des médecins généralistes ne verront que quelques patients traités parantifibrosants dans leur carrière", rappelle le Pr Froidure. "Mais il est important qu'ils soient informés de leurs effets secondaires. En effet, ces traitements provoquent des troubles digestifs plus ou moins conséquents chez la moitié des patients. En général, nous parvenons à les gérer avec des antidiarrhéiques ou des antiémétiques. Le médecin traitant doit toutefois être attentif à d'éventuelles pertes de poids et de déshydratation et nous l'invitons fortement à nous en informer. En effet, il est parfois possible de changer de molécule. Mais si le patient ne supporte pas les antifibrosants, malgré les traitements complémentaires d'appoint, en fonction de son état de santé et de son pronostic, il faut aussi oser interroger la balance risques-bénéfices de la médication, notamment en regard de la qualité de vie..."