...

Rhumatologue depuis vingt ans, et originaire de Bruxelles, ce médecin à la maturité pétulante et désormais à l'orée de la cinquantaine, a étudié à l'ULB. La passion de la photographie n'a pas débuté, comme on aurait pu le croire, avec le décès inopiné de son compagnon en 2015, mais bien huit années plus tôt. " Par hasard, j'ai photographié deux amies: nous avons décidé de faire une séance de photo à trois, travaillant ce jour-là avec des appareils de photographie complètement défaillants, notamment un appareil argentique qui n'a jamais voulu fonctionner. À l'époque, je possédais un numérique lambda de qualité catastrophique. Les deux amies avaient des personnalités fort différentes: ce qui a ressurgi de cette séance, c'est l'impression, qu'elles ont ressentie, que j'avais fait ressortir de chacune d'elle leur contraire: leur facette plus cachée, qu'elles ne montraient pas habituellement." Il y avait là quelque chose à creuser se dit-elle: et Florence a donc d'abord travaillé sur une première série photographique, Les secrètes, en numérique, sur une période de trois ans. Un travail qui a été exposé en galerie en France: " il s'agissait de très grands formats couleurs, assez bling-bling" avoue Florence, lucide. " J'ai donc bizarrement débuté ma carrière outre-Quiévrain." La série a été montrée à Saint-Paul-de-Vence et au Festival de Cannes " ce qui atteste du côté glamour de la série", ajoute-t-elle en riant. " Strass et paillettes!" Travaillant sur un autre projet, généralement des séries au long cours, la deuxième oeuvre sur laquelle travailla Florence D'Elle, Re Birth fut entièrement réalisée chez elle, en studio. Un mélange de nus et portraits, mais dans une interprétation personnelle de la figure de la femme à la Renaissance, et en utilisant uniquement la technique du clair obscur, toujours en couleurs, et presqu'uniquement en numérique, même si la désormais artiste commença à s'essayer à l'argentique. Toujours réalisée en grands formats entre 2012 et 2014, Il y eut quelques expositions de cette série, notamment dans le cadre de Photofever au Carrousel du Louvre. " Mon compagnon est décédé en novembre 2015. Tout le langage photographie s'en est ressenti et trouvé bouleversé. Je me suis à ce moment tourné vers l'argentique et l'apprentissage des techniques historiques qui me trottait en tête depuis longtemps, car mes modèles et exemples sont des photographes comme Sally Mann, Diane Arbus, Francesca Woodman, ou Sarah Moon." Techniques apprises au fur et à mesure avec quelques personnes de référence dans des ateliers d'une journée voire d'un week-end, surtout à Paris. " J'y ai acquis des techniques comme le collodion, le bromoil, le charbon ou le lith." Mais Florence se défend d'être passé au noir et blanc suite à ce décès, travaillée qu'elle était par l'envie de ces techniques dès le départ. " Peut-être qu'effectivement je me suis perdue pendant des années en chemin. Ce qui me plaît dans ces techniques, c'est qu'elles sont un véritable éloge de la lenteur, à une image qui apparaît et disparaît, et dont le résultat est plutôt improbable". A ses yeux, une très belle métaphore du processus de connaissance. Resili O, le travail qui a suivi, se voulait une série rugueuse qui explorait en effet de manière très autobiographique le processus de résilience. Quant à parler boulot justement, le Dr Daumerie verrait-elle un lien entre sa pratique médicale et la photographie? " Au début, j'ai voulu les séparer ; mais par la suite, j'ai réalisé qu'elles sont indissociables et chacune d'une importance égale, tout en étant rangées dans des tiroirs différents." Même l'impression de s'intéresser énormément au corps? , osons-nous... " Il est vrai que ce qui me plaît beaucoup dans ma pratique photographique, c'est le portrait et le corps". Paradoxalement, la dernière oeuvre exposée de Florence d'Elle se présente sous forme de conte, écrit sur une période plus courte d'un an. " Je me suis inscrite à un atelier à Paris, convaincue que lorsque l'on commence une nouvelle série, on est effectivement face à l'angoisse de la page blanche: et c'est vrai qu'après "Resili O" qui venait totalement des tripes, il m'était très difficile de recommencer quelque chose à nouveau de fort et d'intéressant. Je me suis finalement focalisée sur le conte, par le biais de la place de la femme dans le conte de fées." Un conte qui est aussi assez sombre: car lorsque l'on se penche de cette manière sur plusieurs décennies de sa vie et que l'on décide d'en faire quelque chose d'autobiographique, on se rend compte que l'existence n'est pas toujours très tendre: qu'elle possède des faces assez sombres, mais en même temps des côtés très lumineux. " Un retour à la question du clair-obscur, mais appliqué à l'existence", observe-t-elle. " L'ombre et la lumière, avec des symboles, un côté lent, rêveur et organique". Le choix du collodion comme support s'imposait par son côté effectivement très organique, charnel et matériel: une technique parfaite selon Florence pour ce Conte. Ce qui permettait de conférer à ce récit un côté concret, terrien et pas seulement merveilleux. Le mot de fin a pour nom Florence D'Elle, afin de parler... d'elle: "a u départ, en tant que photographe amateur j'avais choisi Frisson D'Elle. D'elle parce que féminin, doux, léger, lumineux. Finalement en discutant avec un avocat spécialiste du droit à l'image, j'ai décidé de garder le prénom et changé le nom, notamment vis-à-vis de l'Ordre des médecins et de ce que je fais...notamment du nu!" (elle rit)