L'an dernier, l'OMS, qui vise l'éradication de la rougeole à l'instar de la variole en 1980, en a relevé 42.000 cas en Europe. "C'est 40 fois plus que l'année précédente", relève, d'emblée, la Dre Belinda Perin. "Certes, les programmes de vaccination ont été perturbés par la pandémie. Et la 'zone euro' au sens de l'OMS est plus large et inclut des zones de conflit. Mais donc, le virus circule beaucoup dans le monde actuel. Et la Belgique n'est pas un pays qui vit en vase clos..." Le ton du webinaire dédié aux généralistes organisé par l'Aviq pour rappeler les bonnes pratiques face à une suspicion de rougeole est donné: pas question de prendre à la légère cette pathologie potentiellement grave, qui induit une immunosuppression transitoire. "On admet souvent 25% d'hospitalisations et un décès sur 1.000, avec parfois des séquelles (fausses couches, encéphalites, pneumonies, otites, déficits visuels)." Au 21e siècle, le virus ne touche plus exclusivement de jeunes enfants, mais se décale vers d'autres tranches d'âges (ados et adultes).

La Wallonie a connu des pics épidémiques en 2017 et 2019, avec 150 et 167 cas confirmés. L'an dernier, 15 rougeoles (dont huit à Liège) ont été officiellement répertoriées, et déjà 13 (dont dix à Namur) rien qu'en janvier-février de cette année.

"Nous avons cependant des atouts dans la lutte contre la rougeole", reprend Belinda Perin, "c'est une pathologie dont le réservoir est exclusivement humain et sans porteur sain, il est donc plus facile de rompre les chaînes de transmission, et l'infection confère une immunité à vie." Sans oublier que les vaccins sont extrêmement efficaces (97%) et n'exigent pas de rappel au cours de la vie. L'immunité de groupe n'est atteinte que si 95% de la population a reçu deux doses vaccinales, ce qui n'est pas encore le cas en Wallonie (environ 75%), d'où la circulation du virus.

Qui vacciner?

L'objectif de l'immunité de groupe est de protéger la frange de population qui ne peut être vaccinée, comme les femmes enceintes et les bébés de moins de six mois (voir avec l'allergologue en cas d'allergie aux oeufs). Et les mamans allaitantes et les immunodéprimés? Ces deux groupes peuvent recevoir le vaccin.

Qui d'autres cibler pour combler le "gap" de vaccination? En Belgique, toute personne née avant 1970 est considérée comme immunisée, tant la circulation de la rougeole était intense jusqu'alors. Attention, cette date est propre à chaque pays, la France l'ayant pour sa part arrêtée à 1980. Le public cible chez nous pour la vaccination est donc né après 1970 et jusqu'en 1990: "La première dose vaccinale a été instaurée en Belgique en 1985, la seconde en 1995: pas mal de personnes dans cette tranche d'âge n'ont pas reçu la deuxième dose", souligne la Dre Perin. Les professionnels de la santé (tout particulièrement en gynécologie, néonatologie, pédiatrie), les enseignants, les migrants et le personnel en crèche font partie des personnes à vacciner en priorité.

Il n'est pas toujours évident de reconnaître cette maladie qui, bien que présente, ne court plus les rues., belga
Il n'est pas toujours évident de reconnaître cette maladie qui, bien que présente, ne court plus les rues. © belga

Reconnaître une rougeole et la déclarer

Bien qu'en circulation, la rougeole ne court pas les rues. Donc, "pas simple de la reconnaître quand on ne l'a encore jamais rencontrée!", note la Dre Caroline Boulouffe. L'histoire clinique du patient constitue un premier indice. À noter qu'une vaccination incomplète peut modérer les symptômes et donc compliquer le diagnostic. Quels sont-ils? De la fièvre + une éruption maculo-papuleuse + un des trois symptômes suivants: toux, coryza, conjonctivite doivent amener à suspecter une rougeole. "Le rash suit le coryza, coryza et conjonctivite se manifestant d'abord au niveau du visage pour s'étendre progressivement au reste du corps, y compris la paume des mains et la plante des pieds. Les taches de Koplik sont extrêmement fugaces, c'est vraiment au tout début de l'éruption cutanée."

Pour avoir confirmation au laboratoire, un frottis (uniquement chez les patients symptomatiques) doit être réalisé au plus vite, et maximum sept jours après le début de l'éruption. "Idéalement, on recommande un Oracol (à commander chez Sciensano), ce frottis salivaire est pratique chez les tout-petits et permet à la fois la réalisation de la PCR et un dosage des IgM et IgG. Mais vous pouvez faire un eSWAB (que PCR) si vous n'avez que ça." Une sérologie seule ne suffit pas en phase symptomatique car les IgM mettent du temps à apparaître (trois jours après l'éruption, en général) et sont aussi présents en post-vaccinal. Les IgG, preuve d'une immunisation (> 300), sont à réserver aux contacts à haut risque.

Le prélèvement, clairement estampillé "échantillon urgent rougeole", doit être envoyé au Centre national de référence (CNR - site d'Uccle). "Vous pouvez prendre contact avec l'Aviq, notamment via la déclaration obligatoire (via l'outil Trace In Wall), qui vous conseillera pour l'acheminement et le formulaire d'accompagnement de Sciensano à remplir", rassure la Dre Boulouffe. La déclaration d'un cas suspect se fait donc sans attendre d'éventuels résultats, histoire de gagner du temps s'il faut prévenir une collectivité (école, camp de jeunesse, train ou avion...). La PCR est remboursée et ne coûte donc rien au patient. Le frottis permet par ailleurs d'étudier les génotypes pour connaître les souches circulantes et faire un reporting à l'OMS dans le cadre du plan d'éradication.

Les mesures de protection

"Vérifiez votre statut immunitaire. Si le patient vous a contacté par téléphone, privilégiez une visite à domicile. Si c'est une consultation, essayez d'éviter son passage par la salle d'attente et/ou planifiez le rendez-vous en fin de journée. Demandez au patient de porter un masque chirurgical, et vous-même - surtout si votre statut immunitaire est inconnu -, portez un masque FFP2 pour vous protéger (idem pour l'infirmière, le kiné, les autres patients croisés)", recommandent les deux médecins. Les gouttelettes demeurant en suspension dans l'air jusqu'à 2 heures, il faut ventiler et nettoyer la pièce. Si l'état du patient entraîne un renvoi vers l'hôpital, il faut prévenir les ambulanciers et l'accueil des urgences. Le patient doit demeurer en isolement strict à domicile dans l'attente des résultats de son frottis. Une fois l'infection confirmée, on maintient l'isolement en fonction de la symptomatologie.

Si un cas se présente sans masque, toutes les personnes présentes sans protection doivent être considérées comme 'contacts à haut risque'. "Le mieux est de les identifier immédiatement, avec une liste pour l'Aviq pour vérifier rapidement leur statut immunitaire. Si le nombre de personnes est trop important ou qu'elles ne sont pas toutes identifiables, vous pouvez apposer une affiche (à télécharger sur https://ediwall.wallonie.be) pour informer d'un éventuel contact rougeole."

Les personnes contacts à haut risque sont typiquement celles nées après 1970, sans preuve d'immunisation et en contact avec la personne infectée durant sa période de contagiosité (quatre jours avant et quatre jours après l'éruption) et qui n'ont pas reçu deux doses vaccinales. Elles ne doivent s'isoler que s'il y a des symptômes (sauf si elles fréquentent des personnes fragiles, à risque). L'apparition d'éventuels symptômes sera surveillée pendant 21 jours, la période maximale d'incubation.

"On peut proposer une vaccination post-exposition, le plus vite possible, dans les 72 heures", reprennent les spécialistes. "Si le statut immunitaire est inconnu ou qu'il n'y a jamais eu de vaccination, on peut faire une dose immédiatement et une sérologie pour voir les IgG (s'ils sont négatifs, on planifie la deuxième dose). Si la personne a reçu une seule dose et a plus de 7 ans, on fait la deuxième dose. Chez un enfant plus jeune, on peut quand même la faire de manière anticipée dans le contexte d'un cluster (càd au moins deux cas de rougeole dans une collectivité)."

Enfin, encodez bien la vaccination dans votre logiciel métier dans l'attente de la nouvelle interface vers laquelle elle sera rapatriée en temps utile (en principe bientôt).

>> Plus d'infos: www.vaccination-info.be/maladie/rougeole

>> Cellule de surveillance des maladies infectieuses à l'Aviq: 071/33.77.77 du lundi au vendredi de 9 h à 12 h et de 13 h à 16h30. E-mail (jusqu'à 20 h, 7j/7): surveillance.sante@aviq.be

Schéma vaccinal chez l'enfant

Une dose à 12 mois (en consultation ONE, notamment, mais vous pouvez commander des doses gratuitement via e-vax), puis une seconde en deuxième primaire (7-8 ans) lors de la visite médicale. Cette dose, qui se faisait naguère à 11-12 ans, a été avancée sur recommandation du CSS, il y a quelques années. Le rattrapage est en cours de finalisation.

Il est possible de faire une dose 0 chez les enfants entre 6 et 12 mois dans des conditions strictes comme un voyage en zone endémique (l'Institut de médecine tropicale met régulièrement à jour la liste des pays à forte incidence) ou en post-exposition lors d'un contact rapproché avec un cas avéré. Cette dose 0 ne comptera pas: il faudra quand même faire la dose 1 à 12 mois et la seconde à 7-8 ans.

Une réaction post-vaccinale (non contagieuse) est possible après huit à dix jours: enfant grincheux, légère fièvre, deux ou trois petits boutons... Comment s'assurer que c'est bien le vaccin et non la maladie? Demandez un génotypage: le vaccin étant conçu avec un génotype viral qui n'existe plus, si on le trouve, c'est la preuve que la vaccination est bien à l'origine du rash. Le virus étant stable, le génotype vaccinal protège contre toutes les autres souches.

L'an dernier, l'OMS, qui vise l'éradication de la rougeole à l'instar de la variole en 1980, en a relevé 42.000 cas en Europe. "C'est 40 fois plus que l'année précédente", relève, d'emblée, la Dre Belinda Perin. "Certes, les programmes de vaccination ont été perturbés par la pandémie. Et la 'zone euro' au sens de l'OMS est plus large et inclut des zones de conflit. Mais donc, le virus circule beaucoup dans le monde actuel. Et la Belgique n'est pas un pays qui vit en vase clos..." Le ton du webinaire dédié aux généralistes organisé par l'Aviq pour rappeler les bonnes pratiques face à une suspicion de rougeole est donné: pas question de prendre à la légère cette pathologie potentiellement grave, qui induit une immunosuppression transitoire. "On admet souvent 25% d'hospitalisations et un décès sur 1.000, avec parfois des séquelles (fausses couches, encéphalites, pneumonies, otites, déficits visuels)." Au 21e siècle, le virus ne touche plus exclusivement de jeunes enfants, mais se décale vers d'autres tranches d'âges (ados et adultes). "Nous avons cependant des atouts dans la lutte contre la rougeole", reprend Belinda Perin, "c'est une pathologie dont le réservoir est exclusivement humain et sans porteur sain, il est donc plus facile de rompre les chaînes de transmission, et l'infection confère une immunité à vie." Sans oublier que les vaccins sont extrêmement efficaces (97%) et n'exigent pas de rappel au cours de la vie. L'immunité de groupe n'est atteinte que si 95% de la population a reçu deux doses vaccinales, ce qui n'est pas encore le cas en Wallonie (environ 75%), d'où la circulation du virus. L'objectif de l'immunité de groupe est de protéger la frange de population qui ne peut être vaccinée, comme les femmes enceintes et les bébés de moins de six mois (voir avec l'allergologue en cas d'allergie aux oeufs). Et les mamans allaitantes et les immunodéprimés? Ces deux groupes peuvent recevoir le vaccin. Qui d'autres cibler pour combler le "gap" de vaccination? En Belgique, toute personne née avant 1970 est considérée comme immunisée, tant la circulation de la rougeole était intense jusqu'alors. Attention, cette date est propre à chaque pays, la France l'ayant pour sa part arrêtée à 1980. Le public cible chez nous pour la vaccination est donc né après 1970 et jusqu'en 1990: "La première dose vaccinale a été instaurée en Belgique en 1985, la seconde en 1995: pas mal de personnes dans cette tranche d'âge n'ont pas reçu la deuxième dose", souligne la Dre Perin. Les professionnels de la santé (tout particulièrement en gynécologie, néonatologie, pédiatrie), les enseignants, les migrants et le personnel en crèche font partie des personnes à vacciner en priorité. Bien qu'en circulation, la rougeole ne court pas les rues. Donc, "pas simple de la reconnaître quand on ne l'a encore jamais rencontrée!", note la Dre Caroline Boulouffe. L'histoire clinique du patient constitue un premier indice. À noter qu'une vaccination incomplète peut modérer les symptômes et donc compliquer le diagnostic. Quels sont-ils? De la fièvre + une éruption maculo-papuleuse + un des trois symptômes suivants: toux, coryza, conjonctivite doivent amener à suspecter une rougeole. "Le rash suit le coryza, coryza et conjonctivite se manifestant d'abord au niveau du visage pour s'étendre progressivement au reste du corps, y compris la paume des mains et la plante des pieds. Les taches de Koplik sont extrêmement fugaces, c'est vraiment au tout début de l'éruption cutanée."Pour avoir confirmation au laboratoire, un frottis (uniquement chez les patients symptomatiques) doit être réalisé au plus vite, et maximum sept jours après le début de l'éruption. "Idéalement, on recommande un Oracol (à commander chez Sciensano), ce frottis salivaire est pratique chez les tout-petits et permet à la fois la réalisation de la PCR et un dosage des IgM et IgG. Mais vous pouvez faire un eSWAB (que PCR) si vous n'avez que ça." Une sérologie seule ne suffit pas en phase symptomatique car les IgM mettent du temps à apparaître (trois jours après l'éruption, en général) et sont aussi présents en post-vaccinal. Les IgG, preuve d'une immunisation (> 300), sont à réserver aux contacts à haut risque. Le prélèvement, clairement estampillé "échantillon urgent rougeole", doit être envoyé au Centre national de référence (CNR - site d'Uccle). "Vous pouvez prendre contact avec l'Aviq, notamment via la déclaration obligatoire (via l'outil Trace In Wall), qui vous conseillera pour l'acheminement et le formulaire d'accompagnement de Sciensano à remplir", rassure la Dre Boulouffe. La déclaration d'un cas suspect se fait donc sans attendre d'éventuels résultats, histoire de gagner du temps s'il faut prévenir une collectivité (école, camp de jeunesse, train ou avion...). La PCR est remboursée et ne coûte donc rien au patient. Le frottis permet par ailleurs d'étudier les génotypes pour connaître les souches circulantes et faire un reporting à l'OMS dans le cadre du plan d'éradication. "Vérifiez votre statut immunitaire. Si le patient vous a contacté par téléphone, privilégiez une visite à domicile. Si c'est une consultation, essayez d'éviter son passage par la salle d'attente et/ou planifiez le rendez-vous en fin de journée. Demandez au patient de porter un masque chirurgical, et vous-même - surtout si votre statut immunitaire est inconnu -, portez un masque FFP2 pour vous protéger (idem pour l'infirmière, le kiné, les autres patients croisés)", recommandent les deux médecins. Les gouttelettes demeurant en suspension dans l'air jusqu'à 2 heures, il faut ventiler et nettoyer la pièce. Si l'état du patient entraîne un renvoi vers l'hôpital, il faut prévenir les ambulanciers et l'accueil des urgences. Le patient doit demeurer en isolement strict à domicile dans l'attente des résultats de son frottis. Une fois l'infection confirmée, on maintient l'isolement en fonction de la symptomatologie. Si un cas se présente sans masque, toutes les personnes présentes sans protection doivent être considérées comme 'contacts à haut risque'. "Le mieux est de les identifier immédiatement, avec une liste pour l'Aviq pour vérifier rapidement leur statut immunitaire. Si le nombre de personnes est trop important ou qu'elles ne sont pas toutes identifiables, vous pouvez apposer une affiche (à télécharger sur https://ediwall.wallonie.be) pour informer d'un éventuel contact rougeole."Les personnes contacts à haut risque sont typiquement celles nées après 1970, sans preuve d'immunisation et en contact avec la personne infectée durant sa période de contagiosité (quatre jours avant et quatre jours après l'éruption) et qui n'ont pas reçu deux doses vaccinales. Elles ne doivent s'isoler que s'il y a des symptômes (sauf si elles fréquentent des personnes fragiles, à risque). L'apparition d'éventuels symptômes sera surveillée pendant 21 jours, la période maximale d'incubation. "On peut proposer une vaccination post-exposition, le plus vite possible, dans les 72 heures", reprennent les spécialistes. "Si le statut immunitaire est inconnu ou qu'il n'y a jamais eu de vaccination, on peut faire une dose immédiatement et une sérologie pour voir les IgG (s'ils sont négatifs, on planifie la deuxième dose). Si la personne a reçu une seule dose et a plus de 7 ans, on fait la deuxième dose. Chez un enfant plus jeune, on peut quand même la faire de manière anticipée dans le contexte d'un cluster (càd au moins deux cas de rougeole dans une collectivité)."Enfin, encodez bien la vaccination dans votre logiciel métier dans l'attente de la nouvelle interface vers laquelle elle sera rapatriée en temps utile (en principe bientôt).