Après un mot d'introduction de Johan Hellings, CEO de l'AZ Delta à Roulers, le Dr Bruno Holthof s'est attaché, lors du symposium du Nouvel An du service maladies cardiaques et cardiochirurgie, à répondre aux questions du public. La discussion a été modérée par le Dr Karl Dujardin (AZ Delta), qui lui a notamment demandé comment s'était déroulée la collaboration entre l'université, l'hôpital et l'industrie dans le cadre de la recherche du nouveau vaccin.

Deux spin-outs

Le Dr Holthof a fait un petit retour en arrière pour évoquer la fondation, en 2015, de l' Oxford Sciences Innovation (ASI), un fonds de capital-risque de 600 millions de livres. "ASI utilise ces fonds exclusivement pour commercialiser les technologies en provenance d'universités et d'hôpitaux. Depuis 2015, ceci a permis de créer environ une spin-out par mois."

Deux de ces spin-outs ont joué un rôle important dans le développement du nouveau vaccin. "L'université et l'hôpital ont cédé la licence de l'adénovirus à Vaccitech", précise-t-il. "La capacité de production était aux mains d'une spin-out d'Oxford Biomedica qui est aujourd'hui devenue l'un des deux sites de production du vaccin AstraZeneca. Avec l'université, deux spin-outs et une grande firme pharmaceutique autour de la table, les négociations n'ont pas été une mince affaire."

Les choses ont néanmoins fini par se mettre en place - surtout, affirme le Dr Holthof, parce que nombre de chercheurs du Jenner Institute for Vaccine Research, de l'université, de l'hôpital et du fonds de capital-risque ont également des parts dans les spin-outs. "Il y a un terrain d'entente pour la commercialisation et un incitant (financier) pour toutes les parties concernées. Une condition sine qua non était toutefois que ces spin-outs et la licence d'AstraZeneca ne génèrent pas de bénéfices au cours de la pandémie. Si le vaccin devait être couronné de succès, notre objectif sincère était de le mettre à disposition de l'Afrique, de l'Asie et de l'Amérique latine. Les essais réalisés en-dehors du Royaume-Uni se sont d'ailleurs déroulés en Afrique et au Brésil, ce qui a été possible justement parce que les équipes d'Oxford avaient des liens avec ces pays."

Une constante dans cette pandémie est que toutes les parties n'ont cessé de s'arracher ce qui était rare ", Bruno Holthof

Plus de 65 ans

L'efficacité du vaccin d'Oxford chez les plus de 65 ans suscite quelques critiques (lire sur notre site), mais le Dr Holthof reste serein. "Bien des résultats scientifiques ont été diffusés par le biais de communiqués et de conférences de presse, et Oxford aussi a été critiqué pour cela. Ce qui me dérange personnellement beaucoup, c'est que les médias publient des fragments d'études et de chiffres. La stratégie britannique vise à immuniser toute la population au moyen du vaccin d'Oxford ou de celui de Pfizer, qui permettent tous deux d'obtenir une réponse immunitaire conséquente deux semaines après la première dose, y compris chez les plus de 65 ans. Seuls deux des volontaires vaccinés ont dû être hospitalisés, l'un après deux jours (ce qui signifie que l'infection était présente avant l'administration du vaccin) et l'autre après dix jours. Ce dernier avait peut-être déjà des anticorps sans être suffisamment protégé."

Sur la base de ces données, obtenues notamment chez des personnes de plus de 65 ans, le Royaume-Uni vaccine aujourd'hui tous ses patients (plus de sept millions de personnes à l'heure de mettre sous presse) en une seule dose. "Nous surveillons combien de personnes doivent encore être hospitalisées deux semaines après la piqûre", explique le Dr Holthof. "J'espère que nous pourrons très rapidement démontrer qu'il s'agit d'une stratégie efficace et que la réponse immune douze semaines après la première dose est plus élevée qu'après un mois. La conception des études a également été critiquée, le plus souvent parce qu'on en épinglait une seule, alors qu'il faut évidemment avoir une vue d'ensemble."

© ZUMA Press

Nationalisme

Le Royaume-Uni aussi a été confronté à certains problèmes de production. "En décembre, nous attendions quatre millions de doses du vaccin Pfizer", relate le Dr Holthof. "Au final, nous n'en avons reçu que 800.000, en janvier. Les doses supplémentaires promises en janvier par AstraZeneca, elles, ne sont arrivées qu'en février. Ce qui me dérange le plus, c'est le réflexe nationaliste qui voit chaque pays protéger sa production. Cette attitude est aux antipodes de l'objectif initial: la vaccination de sept milliards de personnes. C'est vraiment cela qui compte. Mais une constante dans cette pandémie est que toutes les parties n'ont cessé de s'arracher les produits pour lesquels il existait une pénurie - les masques, les combinaisons protectrices et à présent les vaccins."

Les différences de prix sont relativement marquées, mais compte tenu de leur impact sur les vies humaines et sur l'économie, les vaccins sont en réalité tous relativement bon marché, estime le spécialiste. "Du fait du Brexit, le Royaume-Uni n'a pas participé à l'achat groupé européen. L'UE a aussi commencé à acheter ses vaccins et à déployer sa stratégie vaccinale trois mois trop tard. À titre de comparaison, ici, nous disposions dès mai-juin d'un groupe de travail chargé de régler l'achat des vaccins. La préparation de la stratégie vaccinale a débuté dès l'été, sa définition concrète s'est faite en automne."

A lire sur notre site: L'herbe est toujours plus verte... www.lejournaldumedecin.com

Bruno Holthof

Le Dr Bruno Holthof a été partenaire chez McKinsey durant de nombreuses années avant de rejoindre le réseau hospitalier Ziekenhuisnetwerk Antwerpen. Il a assaini de fond en comble les anciens hôpitaux du CPAS. En 2015, il a accédé au poste de CEO des prestigieux Oxford University Hospitals, où il gère aujourd'hui quatre hôpitaux totalisant 11.500 travailleurs.

Médecin de formation (Diepenbeek, Leuven), le Dr Holthof a également décroché un MBA à l'université d'Harvard et un PhD en économie de la santé à la KU Leuven. Il est donc particulièrement bien placé pour comparer diverses organisations, pays et systèmes de soins.

Un double objectif

D'après Bruno Holthof, une stratégie ciblée sur la vaccination de la population doit servir deux objectifs. " Le premier est d'écarter le plus vite possible la menace d'un effondrement du système de santé. Au Royaume-Uni, la seconde vague a été aussi marquée que la première, et les structures de soins étaient à bout. Nous sommes aujourd'hui hors de danger grâce au confinement instauré en janvier et au fait que sept millions de personnes ont déjà pu être vaccinées. Ce que nous voulons à présent démontrer, c'est que ces dernières ne vont plus développer de " Covid grave " en cas d'assouplissement ni nécessiter d'hospitalisations pour oxygénothérapie ou mise sous respirateur (non) invasive. Si c'est bien le cas, nous aurons atteint le premier objectif et nous pourrons relâcher la bride à l'économie sans risquer un crash du système de santé. "

Le second objectif, c'est d'interrompre la transmission du virus. " Pour ce faire, nous allons organiser une vaccination massive dans deux régions du pays avec l'accord des autorités et en collaboration avec AstraZeneca. À Oxford, nous allons vacciner les étudiants et les profs, deux groupes qui ne sont normalement pas encore concernés par la stratégie actuelle. Idem à Liverpool. Le but de cette vaccination de masse à l'échelon régional sera de prouver que la transmission peut être interrompue, ce qui n'est actuellement démontré pour aucun vaccin... alors que c'est évidemment essentiel pour mettre fin à l'épidémie au Royaume-Uni et à la pandémie mondiale. "

Après un mot d'introduction de Johan Hellings, CEO de l'AZ Delta à Roulers, le Dr Bruno Holthof s'est attaché, lors du symposium du Nouvel An du service maladies cardiaques et cardiochirurgie, à répondre aux questions du public. La discussion a été modérée par le Dr Karl Dujardin (AZ Delta), qui lui a notamment demandé comment s'était déroulée la collaboration entre l'université, l'hôpital et l'industrie dans le cadre de la recherche du nouveau vaccin. Le Dr Holthof a fait un petit retour en arrière pour évoquer la fondation, en 2015, de l' Oxford Sciences Innovation (ASI), un fonds de capital-risque de 600 millions de livres. "ASI utilise ces fonds exclusivement pour commercialiser les technologies en provenance d'universités et d'hôpitaux. Depuis 2015, ceci a permis de créer environ une spin-out par mois."Deux de ces spin-outs ont joué un rôle important dans le développement du nouveau vaccin. "L'université et l'hôpital ont cédé la licence de l'adénovirus à Vaccitech", précise-t-il. "La capacité de production était aux mains d'une spin-out d'Oxford Biomedica qui est aujourd'hui devenue l'un des deux sites de production du vaccin AstraZeneca. Avec l'université, deux spin-outs et une grande firme pharmaceutique autour de la table, les négociations n'ont pas été une mince affaire."Les choses ont néanmoins fini par se mettre en place - surtout, affirme le Dr Holthof, parce que nombre de chercheurs du Jenner Institute for Vaccine Research, de l'université, de l'hôpital et du fonds de capital-risque ont également des parts dans les spin-outs. "Il y a un terrain d'entente pour la commercialisation et un incitant (financier) pour toutes les parties concernées. Une condition sine qua non était toutefois que ces spin-outs et la licence d'AstraZeneca ne génèrent pas de bénéfices au cours de la pandémie. Si le vaccin devait être couronné de succès, notre objectif sincère était de le mettre à disposition de l'Afrique, de l'Asie et de l'Amérique latine. Les essais réalisés en-dehors du Royaume-Uni se sont d'ailleurs déroulés en Afrique et au Brésil, ce qui a été possible justement parce que les équipes d'Oxford avaient des liens avec ces pays."L'efficacité du vaccin d'Oxford chez les plus de 65 ans suscite quelques critiques (lire sur notre site), mais le Dr Holthof reste serein. "Bien des résultats scientifiques ont été diffusés par le biais de communiqués et de conférences de presse, et Oxford aussi a été critiqué pour cela. Ce qui me dérange personnellement beaucoup, c'est que les médias publient des fragments d'études et de chiffres. La stratégie britannique vise à immuniser toute la population au moyen du vaccin d'Oxford ou de celui de Pfizer, qui permettent tous deux d'obtenir une réponse immunitaire conséquente deux semaines après la première dose, y compris chez les plus de 65 ans. Seuls deux des volontaires vaccinés ont dû être hospitalisés, l'un après deux jours (ce qui signifie que l'infection était présente avant l'administration du vaccin) et l'autre après dix jours. Ce dernier avait peut-être déjà des anticorps sans être suffisamment protégé."Sur la base de ces données, obtenues notamment chez des personnes de plus de 65 ans, le Royaume-Uni vaccine aujourd'hui tous ses patients (plus de sept millions de personnes à l'heure de mettre sous presse) en une seule dose. "Nous surveillons combien de personnes doivent encore être hospitalisées deux semaines après la piqûre", explique le Dr Holthof. "J'espère que nous pourrons très rapidement démontrer qu'il s'agit d'une stratégie efficace et que la réponse immune douze semaines après la première dose est plus élevée qu'après un mois. La conception des études a également été critiquée, le plus souvent parce qu'on en épinglait une seule, alors qu'il faut évidemment avoir une vue d'ensemble."Le Royaume-Uni aussi a été confronté à certains problèmes de production. "En décembre, nous attendions quatre millions de doses du vaccin Pfizer", relate le Dr Holthof. "Au final, nous n'en avons reçu que 800.000, en janvier. Les doses supplémentaires promises en janvier par AstraZeneca, elles, ne sont arrivées qu'en février. Ce qui me dérange le plus, c'est le réflexe nationaliste qui voit chaque pays protéger sa production. Cette attitude est aux antipodes de l'objectif initial: la vaccination de sept milliards de personnes. C'est vraiment cela qui compte. Mais une constante dans cette pandémie est que toutes les parties n'ont cessé de s'arracher les produits pour lesquels il existait une pénurie - les masques, les combinaisons protectrices et à présent les vaccins."Les différences de prix sont relativement marquées, mais compte tenu de leur impact sur les vies humaines et sur l'économie, les vaccins sont en réalité tous relativement bon marché, estime le spécialiste. "Du fait du Brexit, le Royaume-Uni n'a pas participé à l'achat groupé européen. L'UE a aussi commencé à acheter ses vaccins et à déployer sa stratégie vaccinale trois mois trop tard. À titre de comparaison, ici, nous disposions dès mai-juin d'un groupe de travail chargé de régler l'achat des vaccins. La préparation de la stratégie vaccinale a débuté dès l'été, sa définition concrète s'est faite en automne."