En Belgique, les victimes de violences sexuelles ne sont pas prises en charge de manière optimale. "Aujourd'hui, la prise en charge de la victime est plus forensique qu'holistique", reconnaît le Dr Ines Keygnaert, coordinatrice des projets pilotes CPVS, et chercheuse post-doctorante à l'UGent. "La victime est vue comme un corps où le délit a eu lieu. Il s'agit d'une source d'ADN." Les recherches de preuves sont donc invasives et peuvent être traumatisantes pour la victime.

Un plan national

Le parcours des victimes peut s'avérer pénible et difficile, et s'apparenter à un véritable parcours du combattant. Pour pallier cette situation, la Belgique a mis sur pied un plan d'action national de lutte contre la violence basée sur le genre (PAN) 2015-2019 qui s'inscrit pleinement dans la lignée de la Convention d'Istanbul1, ratifiée par la Belgique en mars 2016.

À Liège, Bruxelles et Gand, trois centres de prise en charge des violences sexuelles (CPVS) ont été mis sur pieds sous forme de projets pilotes pour favoriser une prise en charge holistique des victimes de concert avec les hôpitaux, la police, le parquet, les aides psychosociales et les autorités. "Il est aujourd'hui important de s'intéresser aux victimes d'agressions sexuelles d'un point de vue holistique, c'est-à-dire en combinant la médecine, les sciences forensiques et psychosociales", explique la chercheuse gantoise. "La recherche montre que cette pluridisciplinarité mène à des soins de meilleure qualité et à un meilleur rétablissement de la victime." Une victime qui conservera en plus sa dignité puisqu'elle sera au centre du processus et que les recherches invasives de preuves diminueront.

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Proche d'une structure hospitalière

L'accueil se veut chaleureux et surtout, les CPSV seront ouverts 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. "Il est donc logique de mettre cet espace proche des urgences et proche d'une structure hospitalière", considère Pierre Gillet, médecin-chef du CHU de Liège. "Cela permet une intégration des trois types d'expertise: médicale, psychologique et médico-légale. Toutes les disciplines concernées sont intégrées et requises selon les besoins des victimes, mais aussi intégrée avec la médecine légale et inscrites dans un réseau, notamment avec la brigade des moeurs, ce qui est une nouveauté."

"Un tel dispositif ne pouvait prendre place qu'au sein d'une structure hospitalière liée aux urgences et en interaction avec la médecine légale. Le milieu universitaire - car il s'agit de trois CHU - permettra la pérennisation du projet tant pour la formation que pour la recherche."

Un contact avec la justice

La police et le parquet fédéral ont peu de contacts avec le monde médical. Les CPVS sont également l'occasion pour ces professions de se rencontrer, avec la victime au centre des préoccupations. "En ce qui me concerne, la Belgique n'est pas un grand exemple dans la prise en charge des victimes d'agression sexuelle", regrette Filip Rasschaert, chef de corps de la zone de police de Gand. "C'est maintenant la première fois, vraiment, que tout le monde se rassemble et que nous ne regardons pas à travers des procédures comment tel professionnel travaille. Tout part de la victime. C'est une étape fondamentale".

En Belgique, 2.886 plaintes pour viol ont été enregistrées par la Police fédérale en 2014, ce qui correspond en moyenne à 8 plaintes déposées chaque jour à la police.

"Au niveau de la police, nos inspecteurs moeurs assureront 24/24 7/7 la qualité du premier accueil, l'audition de la personne qui a connu un viol ou un attentat à la pudeur et procéderont aux constatations qui permettront de confondre l'auteur de ces violences", complète Michel Goovaerts, chef de corps de la zone de police de Bruxelles Capitale-Ixelles. "Ils assureront, en d'autres mots, que l'enquête démarre de la manière adéquate et que les procédures seront correctement appliquées et ce, toujours dans le respect de la victime."

Pour le parquet, ces centres permettront de lutter plus efficacement contre ce type de criminalité. "3.800 dossiers de viols et d'attentats à la pudeur entrent chaque année dans les parquets", analyse Brigitte Goblet, substitut du procureur général à Liège. "Ce qui est intéressant, c'est de voir ce que deviennent ces dossiers. La moitié de ces dossiers sont classés sans suite. En fait, ils doivent être classés sans suite. Pourquoi ? Dans 65% des cas, les charges sont insuffisantes. Ce qui montre toute la spécificité et la complexité de ce type de dossier. La preuve de l'absence de consentement n'est pas simple, et les traces matérielles s'effacent après un certain temps. Le fait de pouvoir être accueillie dans une structure qui va vous accompagner, soigner, aider mais qui va, dans le même temps, faire des prélèvements médico-légaux - qui seront conservés pendant un an - et vous mettre en contact avec la police, va conduire nécessairement à une meilleure élucidation des faits."

"Il faut signaler le dynamisme extraordinaire qui se dégage de ces initiatives", ajoute Brigitte Golbet. "J'ai eu l'occasion d'être en contact avec la police de Liège et le CHU pour ce projet. J'ai été agréablement surprise de voir à quel point le monde médical est prêt à offrir des solutions lorsque le juriste ou le policier, pour des raisons qui tiennent à sa formation, voient des problèmes. Cela met en lumière la nécessaire collaboration entre ces trois univers qui n'ont pas toujours des contacts fréquents ou aisés."

1. Il s'agit de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l'égard des femmes et la violence domestique

L'infirmière légiste

Les CPVS ont vu émerger un nouveau métier : l'infirmière légiste. "Il s'agit une nouvelle disposition qui, bien sûr, nécessite une formation axée sur trois grands axes : la psychologie des victimes et des soignants, l'axe médical, et l'aspect juridique", détaille Pierre Gillet, médecin-chef du CHU de Liège. "Des soins spécifiques sont nécessaires, notamment pour assurer des conditions de prélèvements sûrs et efficaces de l'ADN et un référencement immédiat à l'expertise de deuxième ligne auprès des urgentistes, gynécologues, pédiatres, chirurgiens, infectiologues pour la prophylaxie du sida et des urologues, pour la reconstruction du périnée, du clitoris, où Liège s'est par ailleurs fortement investi."

L'infirmière légiste sera habilitée à récolter des preuves biologiques qui seront conservées par frigorie. Ce qui permettra aux victimes de prendre le temps de porter plainte ou non. "Très souvent, à chaud, les victimes ne font pas recours à la justice", conclut le médecin-chef.

En Belgique, les victimes de violences sexuelles ne sont pas prises en charge de manière optimale. "Aujourd'hui, la prise en charge de la victime est plus forensique qu'holistique", reconnaît le Dr Ines Keygnaert, coordinatrice des projets pilotes CPVS, et chercheuse post-doctorante à l'UGent. "La victime est vue comme un corps où le délit a eu lieu. Il s'agit d'une source d'ADN." Les recherches de preuves sont donc invasives et peuvent être traumatisantes pour la victime. Le parcours des victimes peut s'avérer pénible et difficile, et s'apparenter à un véritable parcours du combattant. Pour pallier cette situation, la Belgique a mis sur pied un plan d'action national de lutte contre la violence basée sur le genre (PAN) 2015-2019 qui s'inscrit pleinement dans la lignée de la Convention d'Istanbul1, ratifiée par la Belgique en mars 2016.À Liège, Bruxelles et Gand, trois centres de prise en charge des violences sexuelles (CPVS) ont été mis sur pieds sous forme de projets pilotes pour favoriser une prise en charge holistique des victimes de concert avec les hôpitaux, la police, le parquet, les aides psychosociales et les autorités. "Il est aujourd'hui important de s'intéresser aux victimes d'agressions sexuelles d'un point de vue holistique, c'est-à-dire en combinant la médecine, les sciences forensiques et psychosociales", explique la chercheuse gantoise. "La recherche montre que cette pluridisciplinarité mène à des soins de meilleure qualité et à un meilleur rétablissement de la victime." Une victime qui conservera en plus sa dignité puisqu'elle sera au centre du processus et que les recherches invasives de preuves diminueront.L'accueil se veut chaleureux et surtout, les CPSV seront ouverts 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. "Il est donc logique de mettre cet espace proche des urgences et proche d'une structure hospitalière", considère Pierre Gillet, médecin-chef du CHU de Liège. "Cela permet une intégration des trois types d'expertise: médicale, psychologique et médico-légale. Toutes les disciplines concernées sont intégrées et requises selon les besoins des victimes, mais aussi intégrée avec la médecine légale et inscrites dans un réseau, notamment avec la brigade des moeurs, ce qui est une nouveauté.""Un tel dispositif ne pouvait prendre place qu'au sein d'une structure hospitalière liée aux urgences et en interaction avec la médecine légale. Le milieu universitaire - car il s'agit de trois CHU - permettra la pérennisation du projet tant pour la formation que pour la recherche."La police et le parquet fédéral ont peu de contacts avec le monde médical. Les CPVS sont également l'occasion pour ces professions de se rencontrer, avec la victime au centre des préoccupations. "En ce qui me concerne, la Belgique n'est pas un grand exemple dans la prise en charge des victimes d'agression sexuelle", regrette Filip Rasschaert, chef de corps de la zone de police de Gand. "C'est maintenant la première fois, vraiment, que tout le monde se rassemble et que nous ne regardons pas à travers des procédures comment tel professionnel travaille. Tout part de la victime. C'est une étape fondamentale"."Au niveau de la police, nos inspecteurs moeurs assureront 24/24 7/7 la qualité du premier accueil, l'audition de la personne qui a connu un viol ou un attentat à la pudeur et procéderont aux constatations qui permettront de confondre l'auteur de ces violences", complète Michel Goovaerts, chef de corps de la zone de police de Bruxelles Capitale-Ixelles. "Ils assureront, en d'autres mots, que l'enquête démarre de la manière adéquate et que les procédures seront correctement appliquées et ce, toujours dans le respect de la victime."Pour le parquet, ces centres permettront de lutter plus efficacement contre ce type de criminalité. "3.800 dossiers de viols et d'attentats à la pudeur entrent chaque année dans les parquets", analyse Brigitte Goblet, substitut du procureur général à Liège. "Ce qui est intéressant, c'est de voir ce que deviennent ces dossiers. La moitié de ces dossiers sont classés sans suite. En fait, ils doivent être classés sans suite. Pourquoi ? Dans 65% des cas, les charges sont insuffisantes. Ce qui montre toute la spécificité et la complexité de ce type de dossier. La preuve de l'absence de consentement n'est pas simple, et les traces matérielles s'effacent après un certain temps. Le fait de pouvoir être accueillie dans une structure qui va vous accompagner, soigner, aider mais qui va, dans le même temps, faire des prélèvements médico-légaux - qui seront conservés pendant un an - et vous mettre en contact avec la police, va conduire nécessairement à une meilleure élucidation des faits.""Il faut signaler le dynamisme extraordinaire qui se dégage de ces initiatives", ajoute Brigitte Golbet. "J'ai eu l'occasion d'être en contact avec la police de Liège et le CHU pour ce projet. J'ai été agréablement surprise de voir à quel point le monde médical est prêt à offrir des solutions lorsque le juriste ou le policier, pour des raisons qui tiennent à sa formation, voient des problèmes. Cela met en lumière la nécessaire collaboration entre ces trois univers qui n'ont pas toujours des contacts fréquents ou aisés."