"L es vaccins vont-ils nous débarrasser de ce virus? Les réponses sont encore imprécises mais certains faits établis scientifiquement nous permettent d'anticiper les bénéfices que nous pouvons espérer dans les mois à venir", a assuré le Pr Michel Goldman (ULB).

En cas d'infections par le Sars-CoV-2, les symptômes surviennent en trois ou quatre jours alors que le génome viral apparaît dans les sécrétions naso-pharyngées et que le virus se multiplie activement. "Chez certains individus, ce syndrome initial de type grippal va s'aggraver (après une à deux semaines). Au cours de cette phase, le virus ne joue plus un rôle actif, il a enclenché une hyper-inflammation qui est responsable de l'aggravation essentiellement liée à une atteinte pulmonaire." Ce qui explique l'efficacité des glucocorticoïdes et pourquoi les éventuels antiviraux devront être donnés très tôt pour être efficaces. Actuellement, deux sont prometteurs: le nafamostat (inhibiteur de la sérine protéase) et le baricitinib (anticytokine). "On pourrait se retrouver dans une situation analogue à celle de la grippe où l'antiviral baloxavir marboxil vient d'être approuvé."

Comment l'immunologie peut-elle contrer ce virus ? "Dans un premier temps, le système immunitaire met en jeu l' immunité innée qui est mobilisée très rapidement. Dans le cadre du Sars-CoV-2, elle repose essentiellement sur l' interféron, substance endogène qui peut aussi être administrée sous forme de médicament. On sait que certains sujets qui font des formes sévères ont un défaut de production d' interféron, d'où l' idée d'en administrer très tôt après l' infection (par inhalation pour avoir une action antivirale rapide sur les cellules pulmonaires, Lancet 12 novembre 2020)", explique le Pr Goldman.

Immunité acquise

"Quand l'immunité innée n'a pas permis de contrôler efficacement le virus, l'immunité acquise se met alors en jeu, via la production d'anticorps neutralisants et de lymphocytes T cytotoxiques", explique le Pr Goldman. Ces anticorps sont produits par des cellules dérivées d'une population de lymphocytes, les lymphocytes B qui, lorsqu'ils sont stimulés par le virus et par les lymphocytes T, se développent soit en cellules sécrétrices d'anticorps, les plasmocytes, soit en cellules B mémoires. "Ces dernières sont potentiellement très importantes parce que ce sont celles qui sont mobilisées par les vaccins les plus efficaces. Le virus met huit jours pour induire une réaction délétère et pendant cette période, les lymphocytes mémoires peuvent exercer leurs fonctions. Il est important de réaliser que ces lymphocytes mémoires (spécifiques à la protéine Spike qui permet au virus de pénétrer dans les cellules cibles) sont mis en évidence au décours de l'infection par le coronavirus et qu'ils peuvent persister six mois".

Vaccins à ARN

Il existe plusieurs types de vaccins qui sont produits par diverses plateformes technologiques et qui vont induire des réponses différentes: les plateformes à base de virus atténués, celles à base de vecteurs viraux recombinants et celles à base d'acide nucléique, vont induire à la fois des anticorps neutralisants et des lymphocytes cytotoxiques. Ceux qui font la course en tête aujourd'hui sont les vaccins à ARN et ceux à vecteurs viraux recombinants. "J'insiste sur ces lymphocytes B mémoires parce que dans les trois essais publiés (Pfizer, Moderna, AstraZeneca), il y a une protection pratiquement parfaite vis-à-vis des formes sévères de la maladie. C'est un point qui n'est pas suffisamment souligné".

"Tout ceci incite à l'optimisme mais il y a des obstacles au développement des vaccins: la production, en quantité et à vitesse suffisantes, la conservation, la distribution et l'sitation vaccinale. Deux risques associés au développement de ces vaccins font l'objet d'une attention particulière par les fabricants qui ont mis des stratégies pour s'assurer que ces vaccins ne vont pas induire des inflammations éosinophiliques suite à l'activation de certains lymphocytes T, ni des effets indésirables liés à des anticorps qui ne neutraliseraient pas le virus", met-il en garde.

Course en parallèle

"Tout le monde ne réagit pas de la même manière au vaccin, différents facteurs interviennent comme le terrain génétique, l'âge, les comorbidités et les traitements qui affectent la réponse immunitaire", insiste-t-il. "D'où l'idée de développer une stratégie basée sur des anticorps dont la production ne serait plus induite par le vaccin mais qui seraient développés comme des médicaments. Aujourd'hui, une course à ces anticorps est engagée et différents effets sont recherchés: neutraliser le virus et induire une réponse immunitaire. Le génie génétique permet de modifier ces anticorps pour qu'ils combattent mieux le virus, en induisant plus efficacement des lymphocytes T CD8 cytotoxiques."

Pour développer ces anticorps thérapeutiques, les chercheurs se basent sur l'expérience dans d'autres infections (Ebola, VRS, fièvre jaune, VIH) et grâce à des connaissances dérivées de patients infectés par le SARS-CoV-2 ou -1 et de modèles animaux SARS-CoV-1 ou MERS-CoV-1. Ces AC sont stables et pourraient être administrés par inhalation.

"Les données disponibles sur les vaccins et les anticorps incitent à l'optimisme, même si de nombreuses incertitudes persistent. Elles seront certainement levées progressivement...", conclut le Pr Goldman.

Martine Versonne

"L es vaccins vont-ils nous débarrasser de ce virus? Les réponses sont encore imprécises mais certains faits établis scientifiquement nous permettent d'anticiper les bénéfices que nous pouvons espérer dans les mois à venir", a assuré le Pr Michel Goldman (ULB). En cas d'infections par le Sars-CoV-2, les symptômes surviennent en trois ou quatre jours alors que le génome viral apparaît dans les sécrétions naso-pharyngées et que le virus se multiplie activement. "Chez certains individus, ce syndrome initial de type grippal va s'aggraver (après une à deux semaines). Au cours de cette phase, le virus ne joue plus un rôle actif, il a enclenché une hyper-inflammation qui est responsable de l'aggravation essentiellement liée à une atteinte pulmonaire." Ce qui explique l'efficacité des glucocorticoïdes et pourquoi les éventuels antiviraux devront être donnés très tôt pour être efficaces. Actuellement, deux sont prometteurs: le nafamostat (inhibiteur de la sérine protéase) et le baricitinib (anticytokine). "On pourrait se retrouver dans une situation analogue à celle de la grippe où l'antiviral baloxavir marboxil vient d'être approuvé."Comment l'immunologie peut-elle contrer ce virus ? "Dans un premier temps, le système immunitaire met en jeu l' immunité innée qui est mobilisée très rapidement. Dans le cadre du Sars-CoV-2, elle repose essentiellement sur l' interféron, substance endogène qui peut aussi être administrée sous forme de médicament. On sait que certains sujets qui font des formes sévères ont un défaut de production d' interféron, d'où l' idée d'en administrer très tôt après l' infection (par inhalation pour avoir une action antivirale rapide sur les cellules pulmonaires, Lancet 12 novembre 2020)", explique le Pr Goldman."Quand l'immunité innée n'a pas permis de contrôler efficacement le virus, l'immunité acquise se met alors en jeu, via la production d'anticorps neutralisants et de lymphocytes T cytotoxiques", explique le Pr Goldman. Ces anticorps sont produits par des cellules dérivées d'une population de lymphocytes, les lymphocytes B qui, lorsqu'ils sont stimulés par le virus et par les lymphocytes T, se développent soit en cellules sécrétrices d'anticorps, les plasmocytes, soit en cellules B mémoires. "Ces dernières sont potentiellement très importantes parce que ce sont celles qui sont mobilisées par les vaccins les plus efficaces. Le virus met huit jours pour induire une réaction délétère et pendant cette période, les lymphocytes mémoires peuvent exercer leurs fonctions. Il est important de réaliser que ces lymphocytes mémoires (spécifiques à la protéine Spike qui permet au virus de pénétrer dans les cellules cibles) sont mis en évidence au décours de l'infection par le coronavirus et qu'ils peuvent persister six mois". Il existe plusieurs types de vaccins qui sont produits par diverses plateformes technologiques et qui vont induire des réponses différentes: les plateformes à base de virus atténués, celles à base de vecteurs viraux recombinants et celles à base d'acide nucléique, vont induire à la fois des anticorps neutralisants et des lymphocytes cytotoxiques. Ceux qui font la course en tête aujourd'hui sont les vaccins à ARN et ceux à vecteurs viraux recombinants. "J'insiste sur ces lymphocytes B mémoires parce que dans les trois essais publiés (Pfizer, Moderna, AstraZeneca), il y a une protection pratiquement parfaite vis-à-vis des formes sévères de la maladie. C'est un point qui n'est pas suffisamment souligné". "Tout ceci incite à l'optimisme mais il y a des obstacles au développement des vaccins: la production, en quantité et à vitesse suffisantes, la conservation, la distribution et l'hésitation vaccinale. Deux risques associés au développement de ces vaccins font l'objet d'une attention particulière par les fabricants qui ont mis des stratégies pour s'assurer que ces vaccins ne vont pas induire des inflammations éosinophiliques suite à l'activation de certains lymphocytes T, ni des effets indésirables liés à des anticorps qui ne neutraliseraient pas le virus", met-il en garde. "Tout le monde ne réagit pas de la même manière au vaccin, différents facteurs interviennent comme le terrain génétique, l'âge, les comorbidités et les traitements qui affectent la réponse immunitaire", insiste-t-il. "D'où l'idée de développer une stratégie basée sur des anticorps dont la production ne serait plus induite par le vaccin mais qui seraient développés comme des médicaments. Aujourd'hui, une course à ces anticorps est engagée et différents effets sont recherchés: neutraliser le virus et induire une réponse immunitaire. Le génie génétique permet de modifier ces anticorps pour qu'ils combattent mieux le virus, en induisant plus efficacement des lymphocytes T CD8 cytotoxiques."Pour développer ces anticorps thérapeutiques, les chercheurs se basent sur l'expérience dans d'autres infections (Ebola, VRS, fièvre jaune, VIH) et grâce à des connaissances dérivées de patients infectés par le SARS-CoV-2 ou -1 et de modèles animaux SARS-CoV-1 ou MERS-CoV-1. Ces AC sont stables et pourraient être administrés par inhalation. "Les données disponibles sur les vaccins et les anticorps incitent à l'optimisme, même si de nombreuses incertitudes persistent. Elles seront certainement levées progressivement...", conclut le Pr Goldman. Martine Versonne