Une Chinoise m'expliquait il y a quelques semaines que les médecins chinois ne trouvent pas facilement d'épouse, car les femmes craignent de se retrouver veuves, ou de devoir s'occuper d'un mari accablé de séquelles de traumatismes infligés par leurs patients. La grande majorité des médecins dissuadent leurs enfants de suivre la même carrière professionnelle...

J'ai poussé l'enquête, qui n'a pu que confirmer ses dires.

Les médecins chinois font les frais d'un système de santé mal organisé, fait d'attentes d'hospitalisation dans des hôpitaux trop pleins, de files d'attente aux consultations, pour des soins rapides et de qualité souvent insuffisante. En même temps, les progrès de la médecine moderne ont nourri des espoirs exagérés dans la population. L'augmentation des coûts de la médecine ont participé à une grande confiance en la médecine moderne, et même les décès attendus sont souvent vécus comme la conséquence des fautes professionnelles. Les décès sont d'autant plus vécus comme impromptus et injustes que les proches eux-mêmes ont investi des sommes d'argent parfois énormes à leurs yeux. Ces attitudes reflètent aussi le manque de considération pour le médecin dans la société moderne.

Patients fâchés

Les patients se fâchent parce qu'ils ne sont reçus que quelques minutes, après avoir fait la queue bien longtemps. Pourtant, ce n'est pas que les médecins sont inactifs ou lents. On cite le record de ce médecin de Shanghai qui voyait en consultation plus de 300 patients sur une journée : De 8 h à 18 h, 2 minutes par patient pendant dix heures. Une étude conduit dans la province de Shaanxi rapporte que la visite chez le médecin dure en moyenne sept minutes, dont seulement une minute et demie passée à parler au patient.

Dans ces conditions, les patients ne respectent même plus l'attente, poussant la porte du cabinet de consultation avant leur tour. Un médecin raconte qu'il était en train de réanimer un patient quand une jeune fille est entrée dans la pièce pour lui parler de son problème de fièvre...

Le nombre d'agressions est en progression constante, dépassant les 10% par an depuis 2001.

On cite le cas célèbre d'un dentiste qui s'est fait tuer par un patient dont les dents avaient jauni après 20 ans ! Ou d'un médecin mort d'un traumatisme crânien infligé par les proches d'une patiente qui avait dû faire la file trop longtemps à leurs yeux. Ou encore en mai dernier, quand pas moins de cinq médecins se faisaient attaquer par des proches d'une patiente décédée après une intervention à Guangzhou.

Parfois la personne attaquée n'est même pas responsable. On raconte des histoires de patients qui se précipitent à l'hôpital avec un couteau de fortune, pour attaquer la première personne en blouse blanche qu'ils rencontrent... Le médecin n'est pas la seule personne visée, beaucoup d'agressions ont aussi concerné des infirmières.

Parfois il s'agit d'humiliation en public. Ainsi, suite au décès d'un patient en intoxication alcoolique, l'entourage en colère a convaincu plusieurs dizaines de personnes d'humilier ce médecin en le forçant à marcher pendant une demi-heure dans l'hôpital sous leurs quolibets, avant que la police n'intervienne.

Les proches mécontents des soins prodigués ne prennent pas la voie de poursuites légales comme aux Etats-Unis, car la procédure est lente et complexe, et finalement n'aboutit qu'à des faibles compensations. L'interruption volontaire d'activités normales à l'hôpital a un nom : "Yi nao". Elle peut être suscitée par un patient, sa famille, avec ou sans demande de compensation financière. On peut même faire appel à des gangs qui peuvent recourir à l'intimidation, des menaces ou de la violence pure et simple. Pas contents de vos soins ? Trop longues attentes ? Faites appel au gangs organisés "Yi nao", qui peuvent assumer votre vengeance en créant le désordre à l'hôpital. Certains disent que les directions d'hôpitaux fileraient un peu d'argent à ces gangs pour les calmer, un système pouvant aboutir à des comportements mafieux. Il n'est pas rare de trouver des cartes de visite invitant les familles mécontentes à faire appel à leurs services, à l'instar d'avocats dans les hôpitaux américains.

Police inefficace

Malheureusement, la réaction de la police est lente et inefficace. Certains hôpitaux ont tout de même recouru à la protection par des gardiens armés, sans grand effet. La police se contente de constater la dispute en la banalisant. Une consoeur chinoise me racontait que porter plainte ne servait souvent à rien, surtout si le médecin avait tenté de se défendre : la police actait alors qu'il s'agissait d'une simple querelle entre individus sans pour autant condamner. La direction hospitalière pourrait même tenter de monnayer le calme dans l'institution. Le personnel attaqué se retrouve isolé, apeuré, ne sachant pas comment se protéger. Finalement, on hésite à rapporter l'événement et se contente de souffrir en silence.

Une Chinoise m'expliquait il y a quelques semaines que les médecins chinois ne trouvent pas facilement d'épouse, car les femmes craignent de se retrouver veuves, ou de devoir s'occuper d'un mari accablé de séquelles de traumatismes infligés par leurs patients. La grande majorité des médecins dissuadent leurs enfants de suivre la même carrière professionnelle... J'ai poussé l'enquête, qui n'a pu que confirmer ses dires.Les médecins chinois font les frais d'un système de santé mal organisé, fait d'attentes d'hospitalisation dans des hôpitaux trop pleins, de files d'attente aux consultations, pour des soins rapides et de qualité souvent insuffisante. En même temps, les progrès de la médecine moderne ont nourri des espoirs exagérés dans la population. L'augmentation des coûts de la médecine ont participé à une grande confiance en la médecine moderne, et même les décès attendus sont souvent vécus comme la conséquence des fautes professionnelles. Les décès sont d'autant plus vécus comme impromptus et injustes que les proches eux-mêmes ont investi des sommes d'argent parfois énormes à leurs yeux. Ces attitudes reflètent aussi le manque de considération pour le médecin dans la société moderne. Les patients se fâchent parce qu'ils ne sont reçus que quelques minutes, après avoir fait la queue bien longtemps. Pourtant, ce n'est pas que les médecins sont inactifs ou lents. On cite le record de ce médecin de Shanghai qui voyait en consultation plus de 300 patients sur une journée : De 8 h à 18 h, 2 minutes par patient pendant dix heures. Une étude conduit dans la province de Shaanxi rapporte que la visite chez le médecin dure en moyenne sept minutes, dont seulement une minute et demie passée à parler au patient. Dans ces conditions, les patients ne respectent même plus l'attente, poussant la porte du cabinet de consultation avant leur tour. Un médecin raconte qu'il était en train de réanimer un patient quand une jeune fille est entrée dans la pièce pour lui parler de son problème de fièvre...Le nombre d'agressions est en progression constante, dépassant les 10% par an depuis 2001. On cite le cas célèbre d'un dentiste qui s'est fait tuer par un patient dont les dents avaient jauni après 20 ans ! Ou d'un médecin mort d'un traumatisme crânien infligé par les proches d'une patiente qui avait dû faire la file trop longtemps à leurs yeux. Ou encore en mai dernier, quand pas moins de cinq médecins se faisaient attaquer par des proches d'une patiente décédée après une intervention à Guangzhou. Parfois la personne attaquée n'est même pas responsable. On raconte des histoires de patients qui se précipitent à l'hôpital avec un couteau de fortune, pour attaquer la première personne en blouse blanche qu'ils rencontrent... Le médecin n'est pas la seule personne visée, beaucoup d'agressions ont aussi concerné des infirmières. Parfois il s'agit d'humiliation en public. Ainsi, suite au décès d'un patient en intoxication alcoolique, l'entourage en colère a convaincu plusieurs dizaines de personnes d'humilier ce médecin en le forçant à marcher pendant une demi-heure dans l'hôpital sous leurs quolibets, avant que la police n'intervienne. Les proches mécontents des soins prodigués ne prennent pas la voie de poursuites légales comme aux Etats-Unis, car la procédure est lente et complexe, et finalement n'aboutit qu'à des faibles compensations. L'interruption volontaire d'activités normales à l'hôpital a un nom : "Yi nao". Elle peut être suscitée par un patient, sa famille, avec ou sans demande de compensation financière. On peut même faire appel à des gangs qui peuvent recourir à l'intimidation, des menaces ou de la violence pure et simple. Pas contents de vos soins ? Trop longues attentes ? Faites appel au gangs organisés "Yi nao", qui peuvent assumer votre vengeance en créant le désordre à l'hôpital. Certains disent que les directions d'hôpitaux fileraient un peu d'argent à ces gangs pour les calmer, un système pouvant aboutir à des comportements mafieux. Il n'est pas rare de trouver des cartes de visite invitant les familles mécontentes à faire appel à leurs services, à l'instar d'avocats dans les hôpitaux américains. Malheureusement, la réaction de la police est lente et inefficace. Certains hôpitaux ont tout de même recouru à la protection par des gardiens armés, sans grand effet. La police se contente de constater la dispute en la banalisant. Une consoeur chinoise me racontait que porter plainte ne servait souvent à rien, surtout si le médecin avait tenté de se défendre : la police actait alors qu'il s'agissait d'une simple querelle entre individus sans pour autant condamner. La direction hospitalière pourrait même tenter de monnayer le calme dans l'institution. Le personnel attaqué se retrouve isolé, apeuré, ne sachant pas comment se protéger. Finalement, on hésite à rapporter l'événement et se contente de souffrir en silence.