Selon une étude suisse, publiée dans la dernière édition de la revue Clinical Infectious Diseases, le passage du TAF au TDF a entraîné une légère perte de poids chez les personnes vivant avec le VIH enrôlées au sein de la Swiss HIV Cohort. Ce passage du TAF au TDF a également permis une réduction du cholestérol et des triglycérides.
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Dans l'étude ADVANCE, les personnes ayant initié un traitement antirétroviral contenant du TAF et du dolutégravir ont pris davantage de poids que les personnes sous TDF et emtricitabine associés au dolutégravir ou à l'éfavirenz. Mais les études randomisées portant sur l'abandon du TAF n'ont montré aucune modification de poids, à l'exception du suivi post-essai des participants à l'étude ADVANCE où on constate effectivement une perte pondérale au sein du groupe des participants passés du TAF au TDF. Les investigateurs de la Swiss HIV Cohort souhaitaient examiner les modifications tant pondérales que métaboliques après switch du TAF vers TDF au sein d'une population bien plus large que celle du suivi post-essai ADVANCE. La cohorte suisse VIH suit environ 80 % des personnes recevant un traitement antirétroviral en Suisse. Entre 2016 et 2023, quelque 11.782 personnes vivant avec le VIH ont ainsi été incluses dans la cohorte.Au sein de cette vaste cohorte, les investigateurs ont identifié 6.555 personnes dont le traitement antirétroviral contenait du TAF et pour lesquels on disposait également d'un suivi des données pondérales et métaboliques. Si, parmi ces participants, 83 % ont bien continué à prendre du TAF jusqu'à la fin de la période d'étude, 16 % (1.070 participants) sont, pour leur part, passés d'un régime contenant du TAF à un autre. Ceux qui ont abandonné le TAF étaient significativement plus jeunes, suivaient un traitement antirétroviral depuis moins longtemps et étaient légèrement plus susceptibles de présenter une charge virale indétectable. Ils présentaient un poids médian et un IMC significativement plus élevés, de sorte qu'une proportion plus élevée d'entre eux étaient classés comme en surpoids ou obèses. Enfin, ces participants présentaient des taux de cholestérol total et de LDL-cholestérol significativement plus élevés mais étaient, par contre, moins susceptibles de prendre des traitements hypolipidémiants, de souffrir de diabète, de fumer ou de présenter des antécédents de maladie cardiovasculaire. Les proportions de femmes et/ou de sujets d'origine africaine ne différaient pas entre les deux groupes (22 % de ceux qui ont switché étaient de sexe féminin et 12 % étaient noirs). Parmi ceux qui ont switché, 196 (18 %) ont remplacé le TAF par du TDF, 565 (52 %) sont passés au dolutégravir/lamivudine, 115 (10 %) au cabotégravir/rilpivirine injectable et 94 (18 %) à une autre association antirétrovirale. Comme il s'agissait d'une étude observationnelle plutôt que d'un essai randomisé, les chercheurs ont ajusté les résultats aux facteurs de confusion qui pourraient également affecter le poids tels que âge, sexe, race africaine, nombre de cellules CD4, poids en début du suivi, durée du traitement antirétroviral, utilisation d'inhibiteurs de l'intégrase, niveau d'activité physique, tabagisme et recours à d'autres molécules connues pour affecter le poids.Dans l'ensemble et après ajustement pour tenir compte des facteurs de confusion, l'abandon du TAF était associé à une modeste perte de poids de l'ordre de 600 gr après un an. Par contre, on ne constate aucune modification du poids chez les personnes demeurées sous TAF. Cependant, après analyse par agent vers lequel les patients sont passés après arrêt du TAF, il est apparu que les participants ne perdaient du poids (une médiane de 1,89 kg) que s'ils passaient au TDF. Le poids est resté stable chez les personnes qui sont passées à d'autres agents ou combinaisons de médicaments. La perte de poids après le changement était plus importante chez les femmes et les Africains ainsi que chez les personnes qui avaient pris au moins 10 % de poids corporel après initiation du TAF et ce, quel que soit la molécule ou la combinaison vers lequel elles sont passées. L'abandon du TAF était également associé à des avantages métaboliques puisqu'on observe une réduction du cholestérol total, du rapport cholestérol total/HDL cholestérol et des triglycérides en particulier chez les personnes qui sont passées au TDF ou au dolutégravir/lamivudine. Dans leurs conclusions, les investigateurs de la Swiss HIV Cohort conseillent que les personnes séropositives prenant du TAF et préoccupées par la prise de poids soient informées, lors d'un entretien singulier avec leur praticien, de ces nouveaux résultats, mais également encouragées à les comparer aux améliorations de la fonction rénale et à l'amélioration de la densité minérale osseuse observées chez les personnes prenant du TAF. Dans un commentaire complémentaire accompagnant la publication des résultats de cette étude, le Dr Andrew Hill de l'Université de Liverpool se veut cependant rassurant sur ce dernier point, en soulignant que deux méta-analyses d'essais cliniques n'ont révélé aucune augmentation du taux d'événements rénaux indésirables graves ou de fractures osseuses chez les personnes prenant soit du TDF par rapport au TAF, soit du TDF/FTC par rapport au placebo.Réf : Damas J. et al. Clinical Infectious Diseases, publication en ligne, 12/04/2024