Affublée, le 15 décembre 2018, du titre de " pire Ministre de la santé ", dans une interview accordée par Jean-Pascal Labille à la Libre, l'Echo enfonce le clou, le 2 janvier 2019, sous le titre évocateur de " Maggie de Block laisse un chantier de réformes inachevées ".

Mais qu'en est-il réellement? Lorsque la ministre a repris les rênes de la santé en 2014, le bilan n'était guère plus réjouissant.

S'engager dans des réformes concrètes était une nécessité pour préserver un système de santé viable qui anticipe, le mieux possible, les dépenses liées à une démographie marquée par les maladies de civilisation et son vieillissement. Face aux dilemmes financiers s'imposant à la ministre, la rationalisation des moyens est, et reste sans doute, une ligne de conduite logique, sans pour autant être exclusive.

1.- Une politique qui tire son énergie de la recherche d'efficience

" Nous réalisons des réformes et des économies, non pas à la hache, mais au scalpel fin ", déclarait Maggie de Block en octobre 2016. Elle justifiera ensuite, durant toute la durée de son mandat, ses principales réformes par la recherche d'efficience.

L'efficience est cependant une notion relative qui dépend directement d'un objectif de performance fixé, objectif qui varie selon le point de vue auquel on se place.

Les performances peuvent être de nature économique, qualitative, organisationnelle, sociale ou encore s'inscrire dans une juste combinaison de ces variables. A partir de là, tous les débats sont permis, chaque partie prenante priorisant, de manière très différente, les objectifs de performance dans l'espace et le temps.

La notion d'efficience offre ainsi un terrain propice aux critiques et il serait injuste de réduire l'héritage de Maggie de Block à la seule recherche de 922 millions d'économies.

2.- Réalités sociétales et soins de santé

Enveloppes budgétaires restreintes, démographie & profil pathologique et, enfin, la transition numérique sont des réalités auxquelles font face l'ensemble de nos sociétés industrielles. Le successeur de Maggie de Block n'y échappera pas.

Si la ministre a eu le courage politique de lancer ses réformes en étant particulièrement réaliste face aux changements, il faut néanmoins admettre qu'identifier une ligne de conduite stratégique, transparente et compréhensible aux principaux acteurs, n'est pas une partie de plaisir.

Certes, les principaux axes sont identifiables et ne diffèrent guère de ce qui se dessine ou a déjà été implémenté dans nos pays voisins, mais le patchwork de mesures, pour la plupart votées en fin de seconde mi-temps, reste perçu comme une réforme laissant effectivement un goût amer d'inachevé mais, surtout, une réforme qui semble être détachée de tout plan santé structuré (par objectif), phasé (timing réaliste) et budgété (plan financier allant au-delà de son mandat).

Le successeur de Maggie de Block devra habiller la réforme d'un manteau la rendant socialement plus acceptable, récupérant un gros oeuvre fermé sans plan de parachèvement.

3. Le rêve de la transition numérique

Maggie de Block fonde beaucoup d'espoir dans la transition numérique dont le potentiel, pour améliorer les performances économiques, organisationnelles et qualitatives, est indéniable. Cependant, la ministre fait preuve d'une grande naïveté de timing lorsqu'elle aborde les plus-values attendues.

Dirigeants et, a fortiori, ministres doivent éviter de tomber dans le piège des promesses du digital en niant les écueils, pourtant bien identifiés, de la transition numérique.

Des freins majeurs retarderont, de manière substantielle, les plans numériques de la ministre dont, la peur citoyenne liée au partage des données sensibles, l'absence d'interopérabilité entre logiciels ou encore l'insuffisance de formation des professionnels de la santé à la santé connectée et ses implications dans les prises en charge intégrées et transversalisées.

Son successeur devra progressivement lever ces obstacles, dans un environnement financier, juridique et éthique qui reste très incertain.

4. Réseaux & stratégies de centralisation

Le 14 février 2019, la Chambre a adopté le projet de loi organisant 25 réseaux hospitaliers à l'horizon 2020, après un accouchement difficile et entaché de complications qui ne resteront pas sans séquelles.

Sans entrer dans des considérations juridiques portant sur les recours possibles ni sur les questions constitutionnelles du partage des compétences, les réseaux hospitaliers inquiètent les acteurs de terrain et pour cause.

L'objectif principal reste, en effet, la rationalisation des coûts par des stratégies de centralisation logistique et, en ce qui concerne cette réforme en particulier, de centralisation des soins fondées principalement sur base de critères de volume.

On ne peut nier un objectif louable sur papier, mais pour réussir la réforme en maintenant une certaine paix sociale, une aide financière visant à assurer les transitions " réseau " et numérique aurait été bien utile.

Ceci étant, les mandats politiques sont limités dans le temps et il est plus probable que la ministre ait cherché à reporter la responsabilité des décisions de fermetures et de restructuration sur les directions générales des futurs réseaux, jouant sur l'étranglement financier et les nouvelles mesures sur les faillites des ASBL.

Si certains hôpitaux se sauvent provisoirement par une augmentation de la pression financière sur les médecins et le maintien d'un supplément d'honoraires, à cinq ans, des restructurations semblent inéluctables.

5.- La basse variabilité, le P4Q et qualité

La recherche d'efficience économique fondée sur une suppression des payements à l'acte pour des interventions à basse variabilité est un dernier volet de la réforme de Block. Les économies sont présentées comme résultant d'un objectif de performance qualitatif avant tout.

Eviter une surconsommation médicale et les coûts logistiques y afférents, en utilisant des procédures standardisées de prise en charge à qualité mesurable, en est principale la philosophie.

L'intervention est budgétairement forfaitarisée en ce qui concerne les médecins intervenants avec une clé de répartition des honoraires prédéfinie (par encore applicable à l'hôpital) et le P4Q permet ensuite de planifier un système de bonification, si les indicateurs de qualité sont atteints.

Ce mode de payement n'est pourtant pas sans risque tant pour la formation des médecins que pour le patient.

Un P4Q demande, en effet, trois préalables ; la programmation de l'itinéraire de soins (processus), l'IT permettant de mesurer de manière fiable les indicateurs (contrôle) et le garde-fou pour éviter des dérapages, déjà présents aux USA, sur le refus de prise en charge de patients à risque (correctifs).

Conclusion

" La santé n'a pas de prix mais elle a un coût " et maintenir la solidarité demande d'être réaliste sur le financièrement faisable et le non faisable. Accepter de diluer équitablement l'effort entre les différentes parties prenantes est un message que Maggie de Block n'est manifestement pas parvenue à faire passer dans sa politique de réforme. Il est pourtant celui qui guidera aussi son successeur.

Affublée, le 15 décembre 2018, du titre de " pire Ministre de la santé ", dans une interview accordée par Jean-Pascal Labille à la Libre, l'Echo enfonce le clou, le 2 janvier 2019, sous le titre évocateur de " Maggie de Block laisse un chantier de réformes inachevées ".Mais qu'en est-il réellement? Lorsque la ministre a repris les rênes de la santé en 2014, le bilan n'était guère plus réjouissant.S'engager dans des réformes concrètes était une nécessité pour préserver un système de santé viable qui anticipe, le mieux possible, les dépenses liées à une démographie marquée par les maladies de civilisation et son vieillissement. Face aux dilemmes financiers s'imposant à la ministre, la rationalisation des moyens est, et reste sans doute, une ligne de conduite logique, sans pour autant être exclusive.1.- Une politique qui tire son énergie de la recherche d'efficience" Nous réalisons des réformes et des économies, non pas à la hache, mais au scalpel fin ", déclarait Maggie de Block en octobre 2016. Elle justifiera ensuite, durant toute la durée de son mandat, ses principales réformes par la recherche d'efficience. L'efficience est cependant une notion relative qui dépend directement d'un objectif de performance fixé, objectif qui varie selon le point de vue auquel on se place. Les performances peuvent être de nature économique, qualitative, organisationnelle, sociale ou encore s'inscrire dans une juste combinaison de ces variables. A partir de là, tous les débats sont permis, chaque partie prenante priorisant, de manière très différente, les objectifs de performance dans l'espace et le temps.La notion d'efficience offre ainsi un terrain propice aux critiques et il serait injuste de réduire l'héritage de Maggie de Block à la seule recherche de 922 millions d'économies.2.- Réalités sociétales et soins de santéEnveloppes budgétaires restreintes, démographie & profil pathologique et, enfin, la transition numérique sont des réalités auxquelles font face l'ensemble de nos sociétés industrielles. Le successeur de Maggie de Block n'y échappera pas.Si la ministre a eu le courage politique de lancer ses réformes en étant particulièrement réaliste face aux changements, il faut néanmoins admettre qu'identifier une ligne de conduite stratégique, transparente et compréhensible aux principaux acteurs, n'est pas une partie de plaisir.Certes, les principaux axes sont identifiables et ne diffèrent guère de ce qui se dessine ou a déjà été implémenté dans nos pays voisins, mais le patchwork de mesures, pour la plupart votées en fin de seconde mi-temps, reste perçu comme une réforme laissant effectivement un goût amer d'inachevé mais, surtout, une réforme qui semble être détachée de tout plan santé structuré (par objectif), phasé (timing réaliste) et budgété (plan financier allant au-delà de son mandat).Le successeur de Maggie de Block devra habiller la réforme d'un manteau la rendant socialement plus acceptable, récupérant un gros oeuvre fermé sans plan de parachèvement.3. Le rêve de la transition numériqueMaggie de Block fonde beaucoup d'espoir dans la transition numérique dont le potentiel, pour améliorer les performances économiques, organisationnelles et qualitatives, est indéniable. Cependant, la ministre fait preuve d'une grande naïveté de timing lorsqu'elle aborde les plus-values attendues.Dirigeants et, a fortiori, ministres doivent éviter de tomber dans le piège des promesses du digital en niant les écueils, pourtant bien identifiés, de la transition numérique.Des freins majeurs retarderont, de manière substantielle, les plans numériques de la ministre dont, la peur citoyenne liée au partage des données sensibles, l'absence d'interopérabilité entre logiciels ou encore l'insuffisance de formation des professionnels de la santé à la santé connectée et ses implications dans les prises en charge intégrées et transversalisées.Son successeur devra progressivement lever ces obstacles, dans un environnement financier, juridique et éthique qui reste très incertain.4. Réseaux & stratégies de centralisationLe 14 février 2019, la Chambre a adopté le projet de loi organisant 25 réseaux hospitaliers à l'horizon 2020, après un accouchement difficile et entaché de complications qui ne resteront pas sans séquelles.Sans entrer dans des considérations juridiques portant sur les recours possibles ni sur les questions constitutionnelles du partage des compétences, les réseaux hospitaliers inquiètent les acteurs de terrain et pour cause.L'objectif principal reste, en effet, la rationalisation des coûts par des stratégies de centralisation logistique et, en ce qui concerne cette réforme en particulier, de centralisation des soins fondées principalement sur base de critères de volume.On ne peut nier un objectif louable sur papier, mais pour réussir la réforme en maintenant une certaine paix sociale, une aide financière visant à assurer les transitions " réseau " et numérique aurait été bien utile.Ceci étant, les mandats politiques sont limités dans le temps et il est plus probable que la ministre ait cherché à reporter la responsabilité des décisions de fermetures et de restructuration sur les directions générales des futurs réseaux, jouant sur l'étranglement financier et les nouvelles mesures sur les faillites des ASBL.Si certains hôpitaux se sauvent provisoirement par une augmentation de la pression financière sur les médecins et le maintien d'un supplément d'honoraires, à cinq ans, des restructurations semblent inéluctables.5.- La basse variabilité, le P4Q et qualitéLa recherche d'efficience économique fondée sur une suppression des payements à l'acte pour des interventions à basse variabilité est un dernier volet de la réforme de Block. Les économies sont présentées comme résultant d'un objectif de performance qualitatif avant tout.Eviter une surconsommation médicale et les coûts logistiques y afférents, en utilisant des procédures standardisées de prise en charge à qualité mesurable, en est principale la philosophie.L'intervention est budgétairement forfaitarisée en ce qui concerne les médecins intervenants avec une clé de répartition des honoraires prédéfinie (par encore applicable à l'hôpital) et le P4Q permet ensuite de planifier un système de bonification, si les indicateurs de qualité sont atteints.Ce mode de payement n'est pourtant pas sans risque tant pour la formation des médecins que pour le patient.Un P4Q demande, en effet, trois préalables ; la programmation de l'itinéraire de soins (processus), l'IT permettant de mesurer de manière fiable les indicateurs (contrôle) et le garde-fou pour éviter des dérapages, déjà présents aux USA, sur le refus de prise en charge de patients à risque (correctifs).Conclusion" La santé n'a pas de prix mais elle a un coût " et maintenir la solidarité demande d'être réaliste sur le financièrement faisable et le non faisable. Accepter de diluer équitablement l'effort entre les différentes parties prenantes est un message que Maggie de Block n'est manifestement pas parvenue à faire passer dans sa politique de réforme. Il est pourtant celui qui guidera aussi son successeur.