Le rapport n°82 du KCE note le retard de la Belgique pour le développement de la chirurgie ambulatoire. Les causes sont multiples. On peut retenir le financement hospitalier, l'absence de structure de l'ambulatoire et de concept de l'ambulatoire. N'oublions pas les habitudes des médecins et la résistance "naturelle" au changement.

Cholécystectomies en ambulatoire

Il y a des années dans mon institution, avec les chirurgiens digestifs, on voulait opérer les cholécystectomies en ambulatoire. Le projet fut immédiatement avorté par la direction de la clinique. L'hôpital est financé pour une durée moyenne de séjour, liée à une intervention chirurgicale. Si cette durée moyenne de séjour est par exemple, 2 jours, l'ambulatoire supprime par prestation ces 2 jours d'hospitalisation. Or le nombre de lits justifiés (par l'activité) ne cesse de diminuer. La différence avec le nombre des lits physiques agréés se creuse. On ferme des unités de soins en médecine et en chirurgie, car les lits ne sont pas occupés. Les hôpitaux connaissent tous des difficultés de trésorerie. 12% des hôpitaux connaissent de sérieuses difficultés de trésorerie. La même étude MAHA de 2017 montre que 30% de nos hôpitaux sont dans le rouge pour les comptes courants. Comment dès lors développer une chirurgie ambulatoire qui va encore aggraver ce phénomène ? Comment le gestionnaire de l'hôpital peut-il encourager la fermeture des unités de soins, la diminution de l'activité hospitalière, la diminution de l'emploi et ceci pour promouvoir une augmentation de l'activité ambulatoire ? Surréalisme !

En Belgique, 6% des cholécystectomies sont réalisés en ambulatoire. Comparativement aux autres pays européens, nous ne sommes pas performants. Au dernier symposium annuel des anesthésistes (APSAR-BSAR), le Pr Topal a expliqué que près de 60% des cholécystectomies sont réalisés en ambulatoire au Gasthuisberg. L'hôpital soutient cette initiative médicale, car il réalise un bénéfice. Paradoxe, si on réfléchit à ce qui précède ? Un bénéfice en perdant des durées de séjours ? Il faut un petit déclic pour comprendre. Le coût d'opportunité ! En réalité si l'activité de l'hôpital est centrée sur des pathologies lourdes avec des durées de séjour prolongées et des examens techniques liés à cette activité, alors occuper les lits avec une simple cholécystectomie devient un coût car on perd de l'argent. Pour le Pr Topal, l'hôpital en libérant des lits dans le service de chirurgie pancréatique et biliaire peut accueillir plus de pathologies lourdes comme des pancréatites, ou de la chirurgie oncologique. L'activité est rentable !

Le financement actuel des hôpitaux nous empêche de développer l'ambulatoire

Ce coût d'opportunité est-il réellement pris en compte dans notre système à la belge ? Je ne le crois pas. Le système est développé pour maintenir la structure actuelle des soins, avec son inefficience son coût en personnel, son nombre de lits "non justifiés". Le raisonnement pour le Gasthuisberg n'est pas valable pour des hôpitaux qui ne sont pas spécialisés et pratiquent uniquement des interventions "courantes". L'autre message important du Pr Topal est la standardisation des procédures et l'exclusivité des chirurgiens. Seuls les chirurgiens "pancréatico-biliaires" enlèvent les vésicules. Dans mon institution, nous avons opéré 55 prothèses de hanche en ambulatoire en moins d'un an. Le Dr Bosteels, anesthésiste, a expliqué durant la même réunion de l' APSAR, que le virage ambulatoire demande une organisation, une structure de soins, une approche multidisciplinaire et un financement propre. Le rôle de l'anesthésiste devient très important dans ce virage ambulatoire. Non seulement il participe à la sélection des patients, mais il travaille selon un processus préétabli, standardisé et multidisciplinaire. Un passage par la consultation préopératoire de l'anesthésiste devient indispensable. Durant cette consultation, l'anesthésiste prend en charge le "vécu" périopératoire du patient. Il y définit la stratégie postopératoire pour la gestion de la douleur, des nausées et vomissements. Il affine le traitement du patient, pour son hypertension ou d'autres problèmes de santé. Il informe le patient de la prise en charge de la première ligne pour les soins à domicile et de la seconde ligne à l'hôpital. Ceci nécessite aussi la prise en charge 24/24h. par le service d'anesthésie des soins périopératoires. Mais pour les médecins, la modification la plus importante est la standardisation des soins et le processus qualité. L'art de guérir reste un art, mais la pratique de cet art est sous contrôle. Le médecin, anesthésiste ou chirurgien suit un protocole. Ce protocole est conçu dans un trajet de soins. Afin d'éviter les complications, le protocole est évalué, les effets sont mesurés, analysés et les corrections suivent. Ce concept d'organisation remet en question le financement du système. Il faut écrire le protocole, mesurer, analyser. Tout ceci a un coût. Le Pr Topal est un universitaire et a une rémunération qui n'est pas directement liée à l'acte comme un chirurgien d'une clinique privée. Le paiement des médecins par pathologie serait-il l'avenir ? La question a été évoquée ? Elle remet en question la gestion actuelle des différents services médicaux de l'hôpital.

Dérapage non contrôlé

Pour conclure, le virage vers l'ambulatoire est actuellement un dérapage non contrôlé. Le financement des hôpitaux nous empêche de développer l'ambulatoire. Les hôpitaux sont pénalisés, voient le nombre des journées justifiées, diminuer. On suspecte de fermetures de service et d'hôpitaux. Le dérapage de l'ambulatoire demande une standardisation des soins, un regroupement des cas, une spécialisation des hôpitaux. Où en est la réforme des réseaux hospitaliers ? L'activité ambulatoire demande un nouveau concept d'organisation des soins. Les trajets de soins, les IPU (ndlr : Integrated Practice Unit). On crée de nouvelles fonctions, de nouveaux métiers de la santé. Le patient est au centre et non l'organisation pour le médecin. Nouveau concept ? Nouveau financement ? Paiement par trajet de soins ? Bundled payment... Le virage ambulatoire n'est pas pour demain ! Et on continuera à se plaindre. Le dérapage est inévitable. Le financement ne suit pas. Surréalisme à la Belge ?

Non ! L' APSAR prend l'initiative et demande à la société scientifique d'anesthésie (SBAR) et à la société de chirurgie ambulatoire (BAAS) de créer ensemble des guidelines, d'écrire des procédures et de promouvoir le virage ambulatoire. Le dérapage actuel est lié essentiellement au financement du BMF des hôpitaux. Pour un virage, il faut rapidement et impérativement favoriser financièrement la chirurgie ambulatoire. C'est notre priorité absolue. Changer le concept des soins, standardiser les processus (IPU) et changer les habitudes des médecins est notre défi. Passons du surréalisme au réalisme. On pourra le financer !

Le rapport n°82 du KCE note le retard de la Belgique pour le développement de la chirurgie ambulatoire. Les causes sont multiples. On peut retenir le financement hospitalier, l'absence de structure de l'ambulatoire et de concept de l'ambulatoire. N'oublions pas les habitudes des médecins et la résistance "naturelle" au changement.Il y a des années dans mon institution, avec les chirurgiens digestifs, on voulait opérer les cholécystectomies en ambulatoire. Le projet fut immédiatement avorté par la direction de la clinique. L'hôpital est financé pour une durée moyenne de séjour, liée à une intervention chirurgicale. Si cette durée moyenne de séjour est par exemple, 2 jours, l'ambulatoire supprime par prestation ces 2 jours d'hospitalisation. Or le nombre de lits justifiés (par l'activité) ne cesse de diminuer. La différence avec le nombre des lits physiques agréés se creuse. On ferme des unités de soins en médecine et en chirurgie, car les lits ne sont pas occupés. Les hôpitaux connaissent tous des difficultés de trésorerie. 12% des hôpitaux connaissent de sérieuses difficultés de trésorerie. La même étude MAHA de 2017 montre que 30% de nos hôpitaux sont dans le rouge pour les comptes courants. Comment dès lors développer une chirurgie ambulatoire qui va encore aggraver ce phénomène ? Comment le gestionnaire de l'hôpital peut-il encourager la fermeture des unités de soins, la diminution de l'activité hospitalière, la diminution de l'emploi et ceci pour promouvoir une augmentation de l'activité ambulatoire ? Surréalisme !En Belgique, 6% des cholécystectomies sont réalisés en ambulatoire. Comparativement aux autres pays européens, nous ne sommes pas performants. Au dernier symposium annuel des anesthésistes (APSAR-BSAR), le Pr Topal a expliqué que près de 60% des cholécystectomies sont réalisés en ambulatoire au Gasthuisberg. L'hôpital soutient cette initiative médicale, car il réalise un bénéfice. Paradoxe, si on réfléchit à ce qui précède ? Un bénéfice en perdant des durées de séjours ? Il faut un petit déclic pour comprendre. Le coût d'opportunité ! En réalité si l'activité de l'hôpital est centrée sur des pathologies lourdes avec des durées de séjour prolongées et des examens techniques liés à cette activité, alors occuper les lits avec une simple cholécystectomie devient un coût car on perd de l'argent. Pour le Pr Topal, l'hôpital en libérant des lits dans le service de chirurgie pancréatique et biliaire peut accueillir plus de pathologies lourdes comme des pancréatites, ou de la chirurgie oncologique. L'activité est rentable !Ce coût d'opportunité est-il réellement pris en compte dans notre système à la belge ? Je ne le crois pas. Le système est développé pour maintenir la structure actuelle des soins, avec son inefficience son coût en personnel, son nombre de lits "non justifiés". Le raisonnement pour le Gasthuisberg n'est pas valable pour des hôpitaux qui ne sont pas spécialisés et pratiquent uniquement des interventions "courantes". L'autre message important du Pr Topal est la standardisation des procédures et l'exclusivité des chirurgiens. Seuls les chirurgiens "pancréatico-biliaires" enlèvent les vésicules. Dans mon institution, nous avons opéré 55 prothèses de hanche en ambulatoire en moins d'un an. Le Dr Bosteels, anesthésiste, a expliqué durant la même réunion de l' APSAR, que le virage ambulatoire demande une organisation, une structure de soins, une approche multidisciplinaire et un financement propre. Le rôle de l'anesthésiste devient très important dans ce virage ambulatoire. Non seulement il participe à la sélection des patients, mais il travaille selon un processus préétabli, standardisé et multidisciplinaire. Un passage par la consultation préopératoire de l'anesthésiste devient indispensable. Durant cette consultation, l'anesthésiste prend en charge le "vécu" périopératoire du patient. Il y définit la stratégie postopératoire pour la gestion de la douleur, des nausées et vomissements. Il affine le traitement du patient, pour son hypertension ou d'autres problèmes de santé. Il informe le patient de la prise en charge de la première ligne pour les soins à domicile et de la seconde ligne à l'hôpital. Ceci nécessite aussi la prise en charge 24/24h. par le service d'anesthésie des soins périopératoires. Mais pour les médecins, la modification la plus importante est la standardisation des soins et le processus qualité. L'art de guérir reste un art, mais la pratique de cet art est sous contrôle. Le médecin, anesthésiste ou chirurgien suit un protocole. Ce protocole est conçu dans un trajet de soins. Afin d'éviter les complications, le protocole est évalué, les effets sont mesurés, analysés et les corrections suivent. Ce concept d'organisation remet en question le financement du système. Il faut écrire le protocole, mesurer, analyser. Tout ceci a un coût. Le Pr Topal est un universitaire et a une rémunération qui n'est pas directement liée à l'acte comme un chirurgien d'une clinique privée. Le paiement des médecins par pathologie serait-il l'avenir ? La question a été évoquée ? Elle remet en question la gestion actuelle des différents services médicaux de l'hôpital. Pour conclure, le virage vers l'ambulatoire est actuellement un dérapage non contrôlé. Le financement des hôpitaux nous empêche de développer l'ambulatoire. Les hôpitaux sont pénalisés, voient le nombre des journées justifiées, diminuer. On suspecte de fermetures de service et d'hôpitaux. Le dérapage de l'ambulatoire demande une standardisation des soins, un regroupement des cas, une spécialisation des hôpitaux. Où en est la réforme des réseaux hospitaliers ? L'activité ambulatoire demande un nouveau concept d'organisation des soins. Les trajets de soins, les IPU (ndlr : Integrated Practice Unit). On crée de nouvelles fonctions, de nouveaux métiers de la santé. Le patient est au centre et non l'organisation pour le médecin. Nouveau concept ? Nouveau financement ? Paiement par trajet de soins ? Bundled payment... Le virage ambulatoire n'est pas pour demain ! Et on continuera à se plaindre. Le dérapage est inévitable. Le financement ne suit pas. Surréalisme à la Belge ? Non ! L' APSAR prend l'initiative et demande à la société scientifique d'anesthésie (SBAR) et à la société de chirurgie ambulatoire (BAAS) de créer ensemble des guidelines, d'écrire des procédures et de promouvoir le virage ambulatoire. Le dérapage actuel est lié essentiellement au financement du BMF des hôpitaux. Pour un virage, il faut rapidement et impérativement favoriser financièrement la chirurgie ambulatoire. C'est notre priorité absolue. Changer le concept des soins, standardiser les processus (IPU) et changer les habitudes des médecins est notre défi. Passons du surréalisme au réalisme. On pourra le financer !