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" Dans la coronaropathie, quand les sténoses athéromateuses ne sont pas trop complexes et pas trop nombreuses, la prise en charge percutanée habituelle nécessite l'utilisation de petits ballons et de stents. Avant d'apposer un stent pour maintenir une artère suffisamment ouverte, il faut d'abord la préparer : par les artères périphériques (aine, poignet), on remonte jusque dans les artères du coeur où l'on gonfle des petits ballonnets qui vont débloquer les rétrécissements ", précise le Dr Pierre-Hugues Leboutte, cardiologue interventionnel à l'hôpital de la Citadelle (Liège). Le Dr Leboutte" Mais chez certaines personnes, le cholestérol présent dans ces plaques se calcifie et devient dur comme de l'os. C'est par exemple le cas chez les patients diabétiques ou en insuffisance rénale. Là, on peut être limité avec nos ballonnets qui ne seront pas suffisants pour casser la plaque calcifiée. On a besoin d'outils un peu plus agressifs. Plusieurs sont à notre disposition, dont la nouvelle technologie d'athérectomie orbitale. Cependant, on ne fait pas de miracle, cela ne permet pas de traiter tous les patients par les vaisseaux, ni de mettre la chirurgie de côté. Cette technique s'adresse aux lésions complexes pour lesquelles les autres techniques classiques sont insuffisantes. Il s'agit d'un outil supplémentaire, qui permet de choisir le meilleur par rapport au profil du patient ", insiste-t-il. L'athérectomie orbitale se compose d'une petite (1,25 mm) fraise recouverte de minuscules diamants. " On actionne un moteur auquel est raccordée cette fraise qui tourne sur elle-même à la manière d'une corde à sauter, en décrivant des orbites autour d'un axe. Le principe se rapproche de la fraise rotationnelle, mais le mouvement est orbital : au plus la vitesse est élevée, au plus elle s'écartera de son axe et au plus l'orbite sera grande. Cette fraise va ainsi graduellement au contact de la plaque calcifiée et ponce l'intérieur de l'artère, l'objectif étant que le stent puisse ensuite s'ouvrir correctement. Quand on travaille sur des artères calcifiées, la problématique numéro 1 est de bien ouvrir le stent, avec le risque qu'il ne se rebouche à court ou moyen terme. On veut donc préparer au mieux l'artère pour avoir le meilleur résultat possible ", commente-t-il.Quels sont les avantages de l'athérectomie orbitale coronaire ? " Il est difficile de dire qu'elle entraîne moins de complications parce que nous n'avons pas d'étude qui le prouve, c'est plutôt une impression générale. Ce genre d'outil est un peu plus agressif qu'un ballonnet, mais on a le sentiment qu'il est moins agressif que d'autres outils à notre disposition comme, par exemple, le rotablator (une fraise qui tourne sur elle-même). On ne peut bien sûr pas traiter tous les patients avec un seul outil, il faut un panel pour choisir celui qui est le mieux adapté à chaque cas ", estime le Dr Leboutte. " Les études montrent qu'on utilise moins de rayons X pour nous guider qu'avec d'autres techniques, ce qui est positif pour le patient et pour l'opérateur. "Autre avantage : en fonction de la vitesse, il est possible de traiter avec une seule fraise des artères qui vont de 2,5 mm à 4 mm de diamètre. " C'est assez agréable de pouvoir traiter avec un seul outil une gamme assez large de tailles de vaisseaux (sachant que d'autres outils nécessitent de changer de matériel en fonction du diamètre). C'est d'autant plus intéressant étant donné le coût significatif de ces fraises (environ 1.500 euros, versus 150 euros pour un ballon), qui n'est pas pris en charge par la sécurité sociale, mais bien par l'hôpital qui veut offrir ce service aux patients ". Apparue aux États-Unis il y a une dizaine d'années, l'athérectomie orbitale coronaire a été validée par les autorités compétentes belges le 1er décembre 2022. Le Dr Leboutte est le premier qui l'a expérimentée en Belgique : deux patients ont subi cette intervention fin 2022, et deux autres en janvier." J'ai été initié à cette technique au Canada, où j'ai fait deux ans de spécialisation à l'Institut de cardiologie de Montréal. Fin 2021, un des jeunes patrons de ce centre est revenu des États-Unis avec cette expertise. J'ai trouvé ça assez intéressant et, une fois rentré en Belgique, j'en ai parlé à l'équipe de la Citadelle. Dès que l'athérectomie orbitale a été autorisée, nous avons fait une première intervention. Pour l'instant, ce sont encore des procédures programmées pour des cas sélectionnés mais, à court terme, on pourra décider d'en faire une, si besoin, au moment de la coronarographie. Lorsque plusieurs membres du service seront certifiés, on pourra l'utiliser en routine. "Pour le Dr Pierre Troisfontaines, chef du service cardiologie au CHR de la Citadelle, il faut poursuivre les investissements dans de nouvelles technologies pour offrir le meilleur aux patients : " Notre équipe est reconnue, notamment lorsqu'il faut intervenir sur des lésions complexes calcifiées. Se former aux innovations nous permet de maintenir un haut niveau d'excellence, sans surcoût pour le patient puisque c'est l'hôpital qui prend en charge le financement de ces techniques via son fond Recherches & Innovations."" D'autres équipes du pays ont d'ores et déjà manifesté leur intérêt pour cette technique, et un collègue est venu assister à une desinterventions afin de mieux appréhender les avantages de l'athérectomie orbitale ", se réjouit le Dr Pierre-Hugues Leboutte.