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Pour faire face à la crise du Covid-19, il faut plus de respirateurs. Devant ce constat, diverses équipes se sont mises à la tâche. Ainsi, une Taskforce réunissant des ingénieurs de l'UCLouvain, l'industrie et le monde médical (Cliniques universitaires Saint-Luc et Groupe Jolimont) développe un prototype de respirateur artificiel. Cette initiative a vu le jour suite à des conversations informelles entre chercheurs, médecins et monde entrepreneurial qui se demandaient comment apporter leur aide. D'où l'idée de créer un respirateur. " On est parti sur un développement de campagne, un peu en mode 'à la guerre' : on a récupéré des spécifications pour faire une configuration de base urgente quand un patient est hospitalisé pour un coronavirus. Cette configuration n'est valable que pour les trois premiers jours d'assistance respiratoire, après, elle doit être relayée par un dispositif plus complet, plus professionnel. On est vraiment là pour servir de tampon entre l'urgence et les ressources plus adaptées ", explique Régis Lomba, chercheur à l'OpenHub de l'UCLouvain. L'OpenHub est un laboratoire d'innovation qui aide les porteurs de projet et les entreprises à concrétiser leurs idées, notamment via un FabLab qui permet la fabrication de prototypes. Ce respirateur " Breath4Life " n'a en effet pas été créé pour une application commerciale à long terme mais pour répondre à la crise du coronavirus. " Cela évite les enjeux financiers et permet d'accélérer le processus d'autorisation, de validation et de production. Tout en respectant un cahier des charges rigoureux, autant que possible en adéquation avec les besoins du milieu hospitalier ", précise Olivier Lequenne, directeur développement du Groupe Jolimont. La machine mise au point manipule automatiquement un ambu bag (le ballon actionné manuellement par les urgentistes). " On a récupéré du matériel hospitalier servant à calibrer les respirateurs professionnels et on y a branché notre machine. Les premiers résultats confirment qu'elle pourrait être utilisée chez un patient ", indique Régis Lomba. Le 25 mars, le prototype a été testé sur un sujet sain. " On a présenté l'appareil à des médecins qui nous ont suggéré des pistes d'amélioration assez importantes. Mais, l'avis général était que nous étions sur la bonne voie. "Pendant que le prototype est développé au sein du Fablab, en parallèle, des citoyens issus d'entreprises MedTech travaillent sur la partie réglementaire, les spécificités des équipements médicaux, les analyses de fiabilité... Ce projet, soutenu par l'UCLouvain et différentes entreprises (Coexpair, Covartim, Elisa...), est porté par plus de 200 volontaires. L'équipe espère pouvoir livrer ses premiers exemplaires début avril. " Dans cette collaboration avec les entreprises, on a déjà toute la logistique qui attend les résultats pour pouvoir en produire autant que possible, aussi vite que possible. Une unité devrait coûter quelques centaines d'euros, à la place de milliers d'euros. Comme notre initiative suscite beaucoup d'enthousiasme et de soutien dans différents milieux, nous sommes en train de créer une asbl qui pourrait rassembler ce soutien financier pour mettre ces appareils à disposition gracieusement ", ajoute le chercheur. Actuellement, de nombreuses équipes essaient de mettre au point des respirateurs dans le monde. "Pour notre projet, on s'est inspiré d'un mémoire du MIT (USA) datant de 2010. Le MIT a annoncé avoir ressorti ce mémoire de ses archives pour le mettre à disposition en open source. Depuis, des projets sortent un peu partout en Europe. En Belgique, la VUB a fait un dispositif assez similaire, l'UGent y travaille... Il y en a aussi en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas...", souligne Régis Lomba. Ainsi, dans l'équipe de l'UCLouvain, une personne suit ces différents projets afin de pouvoir s'aligner. " Ce n'est pas une compétition, il est intéressant de maintenir ces projets en parallèle pour augmenter les chances d'arriver à un prototype utilisable. Nous sommes encore tous plus ou moins à l'étape du prototype mais, très récemment, en Espagne, un projet a été approuvé par le gouvernement et ils ont certainement commencé la production. ""La spécificité de notre projet c'est l'approche multidisciplinaire et multiacteurs de la société, qui fait qu'on a eu directement une approche allant de A à Z dans le cycle de vie d'un produit, insiste-t-il : on parle beaucoup du prototype, mais on a déjà fait les étapes d'analyse des normes ISO qui permettent de certifier le produit, on continue l'analyse de l'approvisionnement des différentes pièces et de la logistique qui doit être mise en place, on a commencé le plan de maintenance et de vigilance post commercialisation..."Régis Lomba insiste sur le caractère open source et désintéressé qui a permis de rassembler très rapidement un grand groupe de personnes hypermotivées : " Elles font un travail formidable. C'est un projet qui permet à beaucoup de monde de s'exprimer et d'apporter son soutien à la lutte contre le coronavirus ".