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Rivé à sa vieille ferme des plaines du Wyoming, Willis est un vieil homme qui perd peu à peu la mémoire, mais a gardé sa sauvagerie naturelle, son égotisme inébranlable et ses idées réactionnaires de vieux fermier. Alors, lorsque son fils John qui vit en Californie et est marié avec un infirmier mi-chinois mi-hawaïen avec qui il a adopté une fille mexicaine, l'emmène chez lui en Californie où son père a pourtant demandé à venir vivre, le rude et acariâtre grand-père qu'il est devenu se révèle oublieux, mais surtout monstrueux dans ses propos et son attitude, avec de-ci de-là quelques moments d'égarement et donc de gentillesse, de faiblesse sans doute de son point de vue.... Fonctionnant par ellipses, entre la vie passée de Willis, les trous de cette mémoire dans lequel il s'abîme, les souvenirs douloureux ou heureux de John, et le présent fait de confrontations entre générations, univers, tendances politiques (républicaines voire Tea Party contre démocrates), de caractère (la tempérance doucereuse face à l'intolérance véhémente) ou de climats (toujours beau en Californie, plus naturel, rugueux et tranché du Nord-Est ), le premier film de Viggo Mortensen, s'il est un peu longuet, se révèle d'une épure presque japonaise, délicat, plein de finesse et de pudeur, voire élégiaque (il venait de perdre sa mère quand il a eu l'idée du film). Surtout, la direction d'acteurs (le réalisateur sait de quoi il parle) est irréprochable: avec, dominant la distribution, la confrontation entre le même Mortensen (très crédible en homosexuel résiliant) et Lance Heriksen (extraordinaire de méchanceté et d'égoïsme) en père hargneux et grand-père à la mémoire défaillante certes... mais qui n'oublie jamais d'être méchant