...

M arie-Christine est connue comme la maman de Frédéric Schoevaerts. "Il y a 25 ans, je passais la porte du service d'oncologie pour la première fois", se rappelle-t-elle. Son fils souffre d'une tumeur cancéreuse cérébrale. Le début d'un parcours semé d'embûches qui "me fait faire un trait sur ma carrière", informe Marie-Christine. "Il a fallu du temps pour que je m'en remette", reconnaît-elle en avouant volontiers que: "la maladie de mon fils a replacé mes idées". Au fur et à mesure des années, des liens affectifs se créent avec le personnel soignant de l'unité d'oncologie. Une dimension importante pour cette maman pour qui la morbidité du mot cancer est "à la limite du pensable et de l'imaginable". Lors de ses visites à l'hôpital, elle rencontre d'autres familles qui ont toutes les mêmes attentes: "Je n'avais pas envie de rester sur des regrets et j'avais le projet de fonder une association d'entraide qui offre un soutien aux familles". "On s'est réunis au sein de l'unité de soins et au fur et à mesure de réunions informelles, on s'est rendu compte que nous avions des choses à partager", explique Marie-Christine, qui décide d'écrire une note sur les conditions d'hospitalisation. Une réflexion qui s'échappera des bureaux de l'hôpital pour atterrir dans les salles de rédaction de journaux, qui en font écho. Il y a vingt ans, l'Huderf répondait à des normes dictées dans les années 60. "Les résultats médicaux et psychologiques étaient délivrés dans des chambres communes où l'autre patient recevait des visiteurs. Les chambres stériles ne l'étaient pas tellement", dénonce alors la maman. Il s'en suit des réunions constructives avec la direction, les soignants et les parents. Les choses changent rapidement. "Nous sommes devenus depuis des partenaires de soin", reconnaît-elle, non sans fierté. En 2004, des parents fondent collectivement l'ASBL Ensemble, pas à pas. Un projet qui offre de l'écoute, de la mise à disposition et des informations aux parents. "Dans cet hôpital public, de nombreux enfants sont issus de familles précaires. Un accompagnement spécifique est nécessaire. Prendre du temps pour expliquer est primordial", reconnaît la mère de Frédéric. Elle aborde les enfants en leur disant qu'elle est la maman de quelqu'un qui était comme eux tout en leur parlant comme à des adultes: "Si on s'adresse à eux comme à des bébés, il le resteront toute leur vie". Son ASBL vit de dons et offre des moments de répit aux enfants à l'extérieur de l'hôpital: " Nos stages de voile permettent aux jeunes patients de se réconcilier avec leur corps, l'autre et l'équipe". Le but global est un mieux-être. "Malgré que mon fils ait un dossier médical de trois tonnes, il a acquis un grand niveau de sagesse malgré une santé extrêmement fragile", souligne la maman. Elle ne cache pas ses craintes: "Avec le Covid-19, des médicaments vitaux viennent à manquer". Certains enfants n'ont pas pu embrasser leurs familles depuis des semaines à cause de la pandémie. "Avant de me consacrer à l'Huderf, j'étais intelligemment instit et bêtement mannequin", informe Françoise, dans un grand éclat de rire, qui lui semble caractéristique. Mère de six enfants, elle en a perdu un et en a adopté deux. Elle est également maman de Thomas, qui est passé une vingtaine de fois par l'Huderf et qui a 27 ans aujourd'hui. Son implication a commencé après la première intervention de son fils : "J'ai reçu un questionnaire à remplir sur l'appréciation des soins." Le format était bien trop petit et elle a pris rendez-vous avec le Pr Kahn, alors directeur de l'hôpital, pour lui remettre un dossier . "Plusieurs choses étaient à revoir comme le nom qui était donné aux pathologies", informe Françoise. "Thomas souffre d'une déficience cardiaque mais aussi d'une fente labiopalatine bilatérale", informe la maman qui regrette que cette pathologie ait longtemps, même en milieu hospitalier, porté l'appellation de "Gueule de loup". Difficilement acceptable que son enfant soit comparé à un animal. Deux heures après la naissance de Thomas, Françoise nous raconte avec émotion le geste de survie qu'a eu son enfant en introduisant sa main en bouche pour faire office de palais. Ceci, afin de pouvoir avaler. Alors que les familles étaient jusque là séparées de leur enfant, elle parvient à révolutionner le fonctionnement des services. Un jour que Thomas était en soins intensifs, gavé, sous respirateur et qu'il subissait des électrochocs, elle sent qu'elle perd son bébé. Elle parvient à faire venir ses deux grandes soeurs pour lui donner un soutien des plus naturels: l'amour d'une famille. Et ça marche! Le monitoring s'est redéclenché. Ses soeurs lui ont dit qu'il allait revenir à la maison et il a arrêté de pleurer. La première personne que voit désormais un enfant en se réveillant est un de ses parents. Ce qui n'était pas le cas précédemment. Une autre réussite à mettre au crédit de cette "emmerdeuse". Thomas a grandi. Les premiers accompagnements furent physiques et la moitié de ses opérations furent réparatrices ou esthétiques. Un autre challenge s'ouvre désormais pour la maman: celui de l'accompagnement de Thomas dans sa vie d'adulte. Françoise nous parle d'attentes amicales et frustrées dès l'enfance ou encore de sexualité. "Les filles de son âge ont peur, alors que mes copines en sont dingues", dit, non sans humour, cette maman hors norme. Les sorties les plus simples sont difficiles et trouver de jeunes adultes qui acceptent de se montrer avec lui n'est pas facile. Pourtant, il ne manque pas d'intérêt, loin s'en faut. Il se voit confier des rôles au théâtre et "joue de la batterie comme un Dieu", soutient l'ancienne directrice de la BKF et de Kids' Care. Une envie de se battre et de s'adapter malgré tout qui lui est propre. Elle se souvient du choix de son fils pour l'enseignement Montessori qui était donné en anglais: "Thomas avait remarqué que l'anglais n'utilisait pas les R et il a souhaité y aller", attestant par cela de tous les efforts et combats de Thomas Timmermans. Forte d'un impressionnant réseau, Françoise est particulièrement active dans l'organisation des dîners de gala au profit de l'Huderf.