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Il y a quatre ans de cela, alors encore étudiant en sixième année de médecine, je dressais le constat d'une médecine générale en détresse, peinant à séduire les étudiants et qui se retrouvait rarement dans les premiers choix lorsqu'il s'agissait d'évoquer les carrières futures. Lors de cette intervention, je décrivais notamment comment la médecine générale souffrait de préjugés dégradants, colportés par de nombreux spécialistes et pire encore par certains de nos professeurs. Un sujet qui fait toujours sens aujourd'hui, dans le contexte épidémiologique actuel où la première ligne se retrouve noyée par le tsunami covid et dont les prestataires ne manquent pas de souligner leur impuissance et l'extrême nécessité de voir leurs effectifs renforcés. Tout d'abord, malgré les innombrables sonnettes d'alarme inlassablement tirées par nombre de confrères et ce depuis de nombreuses années, il en est certains qui vous diront qu'il n'y a qu'une pénurie localisée, qu'elle reste relative, invoquant la faible charge horaire que s'octroient les jeunes médecins, que la féminisation de la profession réduit in fine la disponibilité des médecins, etc. J'irai même jusqu'à dire parfois qu'on nous taxerait presque de fainéants, nous, jeunes, qui souhaitons à juste titre conserver une vie sociale et familiale à côté de notre profession. Or, les chiffres parlent d'eux-mêmes... 146 communes en pénurie (<90 etp> Et quand on y regarde plus attentivement, plus de 60% des MG ont plus de 50 ans et les plus de 65 ans ont quant à eux plus que doublés par rapport à 2016 jusqu'à représenter près d'un tiers des généralistes Wallons! Autre fait intéressant à relever, les jeunes généralistes sont dans une écrasante majorité des femmes, qui pour de nombreuses et légitimes raisons, absorbent en moyenne moins de patients que leurs homologues masculins. J'ai donc en préambule à cet article (avant la deuxième vague covid), joué le patient en quête d'un médecin traitant. J'ai donc entrepris de contacter plusieurs dizaines de généralistes tous sexe et âge confondus afin de vérifier leur disponibilité. Et quel ne fût pas ma surprise de voir que nombre d'entre eux ne prenaient tout simplement plus de nouveau patient. Problème très régulièrement relaté sur les réseaux sociaux par ailleurs. Les perspectives d'avenir ne s'annoncent donc pas sous les meilleurs auspices tant pour les patients que pour les généralistes. Toujours en phase avec le syndicalisme médical, j'ai pu durant les quatre dernières années accumuler de sordides témoignages qui confortent la vision qu'ont certains d'une médecine de seconde zone. Je me souviens par exemple d'une brillante camarade, dont les excellents résultats lui ouvraient les portes de nombreuses spécialités. Cette dernière me racontait comment elle s'était faite sèchement remballer durant ses prospections pour trouver un promoteur de mémoire quand on apprenait qu'elle se destinait à la médecine générale. C'est plein de condescendance qu'on lui avouait à demi-mot son manque de capacités intellectuelles supposées pour la réalisation d'un tel TFE. D'ailleurs, le monde de la recherche semble quasi hermétique aux médecins généralistes qui en choisissant cette voie se condamnent presque inévitablement à une carrière non-académique. J'ai également eu vent de situations inacceptables qu'ont vécues des assistants en médecine générale qui passaient par de l'intra-hospitalier durant leur formation. On m'a raconté comment certains ont été relégués aux tâches subalternes notamment administratives puisque l'apprentissage d'actes spécialisés ne leur était prétendument d'aucune utilité (...) A mes yeux, il est tout d'abord primordial de revoir la façon dont nous enseignons la médecine. En arrivant sur le terrain en tant que médecin diplômé, seul aux commandes, je me suis rendu compte à quel point j'avais de nombreuses lacunes sur des éléments fondamentaux de la médecine. C'est ainsi que durant nos études, nous sommes souvent plus calés sur des pathologies extrêmement rares qu'on ne rencontrera peut-être jamais durant notre carrière mais qui sont le sujet de recherche de prédilection du professeur machin alors qu'a contrario nos lacunes sur des pathologies somme toute banales sont manifestes. Par ailleurs, il faut que cesse cette tendance qu'ont certaines facultés à considérer la médecine générale comme une voie de garage où l'on envoie les moins "capables". Comment peut-on exercer avec entrain un métier que l'on n'a pas choisi? La médecine générale n'est pas la poubelle des autres spécialisations! Concernant le métier en lui-même, une valorisation est encore et toujours nécessaire et l'aspect pécuniaire n'est pas le seul levier qui augmenterait l'attrait pour cette discipline. Impulseo n'a pas le succès escompté car il ne répond qu'à une variable d'une équation ô combien plus complexe. A commencer par la surcharge administrative qui transforme les médecins traitants en secrétaires médicales au service des mutuelles et consorts. Un travail chronophage, rébarbatif et non rémunéré qui pourrait être réduit drastiquement laissant plus de temps aux contacts humains dont ont besoin nombre de patients. Enfin, je ne suis pas certain non plus qu'une loi d'installation obligeant de jeunes confrères (qui pour certains n'ont même pas choisi d'être généralistes) de s'installer à perpète-lès-oie soit une solution viable et d'ailleurs sur quels critères fallacieux la répartition se ferait-elle? La carrière de médecins généraliste doit être avant tout un choix, pas une impasse dans laquelle on est envoyé de gré ou de force parce qu'on a de moins beaux points que d'autres. C'est une spécialisation comme les autres qui mérite autant le respect et l'admiration et qui ne doit fermer aucune porte tant académique que professionnelles! Rendez-vous dans cinq ans!