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C'était au temps, pas si lointain, où les médecins généralistes étaient encore les " huisarts " ou les " housedoctor ". La population les appelait avant d'aller aux " urgences " des hôpitaux. Ils étaient appelés souvent avant le Samu. Petite chirurgie, petite traumatologie, encore beaucoup de pédiatrie et de gynécologie. " Autre temps, autre moeurs " dit le proverbe. Le médecin, encore en solo, le plus souvent à cette époque, était très (trop ? ) disponible. La pratique était différente il y a 40 ans... Elle sera fort différente dans 40 ans ! Bref, je suis appelé dans un petit village du Tournaisis, sur la frontière française, chez Léon et Marie-Louise (prénoms d'emprunt), couple de sympathiques agriculteurs. Dans certaines fermes, il y avait encore au milieu de la cour, outre le tas de fumier, sur lequel gambadaient quelques volailles, une grande cage, avec de hauts barreaux. Dans celle-ci, veillait un grand chien de garde. Je devrais demander l'explication à un vétérinaire mais ces chiens imposants, souvent berger allemand ou malinois, semblaient particulièrement plus agressifs en période de grande chaleur, l'été. Etat hormonal ? Sérotonine ? ! Le brave fermier libérait le chien, la nuit, dans la cour, pour contrer toute intrusion malveillante dans les lieux. Mais, ce jour-là, Léon avait oublié de refermer la cage et le canidé féroce était sorti sournoisement de son enceinte. Le fils, Thierry, 14 ans, sortant de l'étable, fut brutalement agressé par le molosse. Celui-ci, caché derrière un chariot, courut vers Thierry et lui mordit profondément la jambe. Le médecin de famille fut appelé aussitôt. Je me rendis donc par un soir de juillet chez eux, pour suturer cette plaie importante mais aux berges bien nettes. J'installe mon matériel et après désinfection consciencieuse et anesthésie locale, je commence à recoudre cette plaie du courageux adolescent. Tout à coup, nous entendons dans la cour deux fortes détonations... PAN ! PAN ! ... Que se passe-t-il ? Léon revient dans la pièce, les larmes aux yeux et son gros fusil de chasse à la main. Alors que le berger bénéficiait de leur grande affection depuis très longtemps, c'en était trop ! En voyant la blessure de son fils, ainsi attaqué par la bête, Léon fut rempli de colère et le supprima illico ! Je pus ainsi terminer les soins sur la jambe de Thierry en toute tranquillité...