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Monsieur G. est admis au service des urgences d'un hôpital alors qu'il se trouve dans un état plutôt léthargique dû à la combinaison d'une consommation excessive d'alcool et d'un syndrome commotionnel secondaire. Il ne présente pas de signe particulier d'agitation et est placé sur demande des ambulancières, le temps d'organiser son admission, dans le box des plâtres qui se situe à proximité de la sortie des urgences.Pendant le très court laps de temps durant lequel les ambulancières s'absentent, l'une pour procéder à son admission et l'autre pour reconditionner l'ambulance, il prend la fuite et, dans la confusion franchit un muret situé à droite de l'entrée réservée aux ambulances et chute dix mètres plus bas.Cette chute ayant entraîné diverses fractures, le patient introduit un recours à l'encontre de l'hôpital qu'il tient pour responsable de ses maux. Il invoque divers manquements consistant en un défaut de surveillance par le personnel des urgences, l'absence de fermeture du volet d'entrée du sas des urgences et l'organisation d'un système d'accueil des urgences dangereux dans la mesure où le muret est franchissable alors qu'au-delà de celui-ci se trouve un vide de plus de dix mètres.Saisie en appel de ce litige, la Cour rappelle que l'obligation de surveillance des patients est une obligation de moyens1. Ainsi donc, le simple constat que le résultat escompté n'a pas été atteint, soit en l'espèce que le patient a pris la fuite avant de chuter, ne suffit pas à engager la responsabilité de l'hôpital.La victime soucieuse d'obtenir l'indemnisation de son préjudice devra démontrer un manquement au devoir de surveillance dont les contours varient en fonction de la nature de l'affection dont elle souffrait. Cette obligation doit faire l'objet d'une appréciation concrète, afin de déterminer l'ampleur et l'intensité de surveillance que l'hôpital était tenu d'exercer.En l'espèce le patient n'a été laissé seul que quelques minutes pour les besoins administratifs de son admission et alors qu'il était dans un état léthargique sans signe particulier d'agitation. Dans ces circonstances, la Cour estime qu'aucun défaut de surveillance n'est démontré dans le chef de l'institution hospitalière. La Cour est également d'avis que le caractère anormal et fautif de l'ouverture du volet du sas d'entrée des urgences par lequel les ambulances accèdent à ce service n'est pas établi. Elle décide enfin que l'élaboration du muret qui dans sa partie la plus basse n'atteint qu'un mètre dix n'est pas non plus fautif dans la mesure où il faut véritablement escalader ledit muret pour accuser une chute alors que celui-ci longe la rampe d'accès réservée aux ambulances et n'est pas destinée aux piétons qui accèdent aux urgences par une autre entrée.Cet arrêt a le mérite de rappeler que l'obligation de surveillance qui pèse sur les hôpitaux est une obligation de moyens.Les fugues sont sans doute moins fréquentes mais les chutes, elles, ne sont pas rares. On ne peut pas exiger d'une institution hospitalière dont le manque d'effectif est par ailleurs une réalité qu'elle exerce une surveillance constante et renforcée pour chaque patient.Cependant, en l'espèce, si l'état léthargique du patient pouvait justifier qu'il soit laissé seul quelques minutes, le temps d'organiser son admission, on peut en revanche s'interroger sur le bien fondé des autres manquements qui étaient invoqués et qui ont été déclarés non établis par la Cour.Certes, les piétons n'ont rien à faire sur cette rampe d'accès réservée aux ambulanciers. Ne faut-il cependant pas anticiper le risque qu'un patient irresponsable de ses actes car désorienté, délirant ou saoûl emprunte comme monsieur G. cette voie d'accès et se retrouve à franchir ce muret ? Le principe de précaution n'impose-t-il alors pas qu'en présence d'un muret potentiellement dangereux, le volet du sas d'entrée soit systématiquement fermé ?Il est difficile de répondre à ces questions d'autant que nous ne disposons pas d'une vue exacte des lieux, ne connaissons pas l'organisation des urgences au sein de cet hôpital et n'avons pas non plus accès aux échanges complets d'arguments entre les parties.Au-delà du cas d'espèce, il convient de retenir que la question de la surveillance des patients dépend du contexte factuel. Le magistrat sera soucieux d'effectuer une balance entre le respect du droit du patient à la sécurité qui dépend de l'affection dont il souffre et une juste appréciation du comportement qu'on est en droit d'attendre d'un personnel soignant normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances.