Notre système de santé montre plusieurs faiblesses, si l'on en croit le rapport de l'OSE. En tant que patient, les dépenses sont élevées. La Belgique se situe au 8e rang des pays (sur 28) pour lesquels la charge financière est la plus fréquemment perçue comme importante chez les personnes ayant un faible revenu. Parmi les pays voisins, seul le Luxembourg a un pourcentage plus élevé.

En 2017, 4,1% de la population avait des besoins non satisfaits pour des raisons financières en matière de soins médicaux et/ou dentaires, renseigne encore le rapport. Qui plus est, la situation évolue de manière défavorable. Lentement, mais sûrement. Entre 2011 et 2017, la proportion de personnes ayant déclaré des besoins médicaux non satisfaits pour des raisons financières dans l'ensemble de la population est passée de 1,4% à 2%. À noter que des différences régionales significatives sont observées. La proportion de personnes qui déclarent des besoins non satisfaits est sensiblement plus élevée en Wallonie (3,1 %) et à Bruxelles (4,3 %) qu'en Flandre (1 %).

Rita Baeten et Sophie Cès, auteurs du rapport, avancent quelques pistes pour expliquer ces résultats. " L'augmentation du nombre de personnes qui ont déclaré des besoins non satisfaits chez les personnes avec des bas revenus peut être reliée au fait que le nombre de personnes menacées de pauvreté a augmenté depuis 2011." Un fait que constatent également les professionnels de la santé interrogés par les chercheuses. " Ils ont souligné qu'ils avaient désormais plus de patients vivant dans des situations précaires qu'il y a dix ans : ceux-ci étant confrontés à une combinaison de difficultés dans plusieurs domaines, notamment le logement, l'alimentation, l'isolement social. "

Principaux obstacles à l'accès aux soins de santé

L'étude identifie quatre principaux obstacles à l'accès aux soins de santé.

Premièrement, le nombre de personnes non couvertes par l'assurance maladie obligatoire, estimé par l'OCDE à 1% de la population, serait en réalité plus élevé. " Nous avons pu identifier un ensemble de situations individuelles variées qui sont exclues de cette estimation, en particulier les personnes qui ont perdu leur droit à la couverture maladie obligatoire depuis plus de deux ans, les travailleurs non déclarés ou encore les personnes qui n'ont pas fait les démarches administratives pour s'affilier. " La perte de cette couverture touche particulièrement les indépendants, qui doivent en sus faire face à la pandémie de Covid-19.

Deuxièmement, Rita Baeten et Sophie Cès pointent la problématique de l'avance des frais de santé remboursables. " L'obligation de payer des avances, qui est typique de notre système de paiement à l'acte, constitue un obstacle majeur à l'accès aux soins de santé ambulatoires - plus précisément, le paiement d'avances aux kinésithérapeutes, dentistes et spécialistes. "

Troisièmement, la couverture des soins hospitaliers par le système obligatoire de soins de santé est faible en Belgique par rapport aux autres pays de l'UE : elle n'est inférieure qu'en Grèce, à Chypre et en Irlande. Alors que dans l'ensemble de l'UE, 93 % des coûts des soins hospitaliers sont couverts en 2016, ils ne le sont qu'à 77 % en Belgique. " Ce sont en particulier les factures pour les séjours de longue durée, notamment dans les services de soins intensifs, qui peuvent être élevées ", affirment les chercheuses. Les conséquences d'une facture impayée peuvent se révéler dramatiques. " D'une part, certains hôpitaux refusent de traiter les patients qui ont des arriérés et, d'autre part, les patients reportent des soins pour ne pas alourdir cette dette. Il a également été signalé que certains médecins hospitaliers effectuent moins d'examens médicaux pour les patients en retard de paiement ou qui sont susceptibles d'avoir des difficultés à payer la facture de leur séjour hospitalier. La politique de certains CPAS consistant à ne pas apurer la dette d'hospitalisation explique en partie ces pratiques. "

Quatrièmement enfin, les chercheuses estiment que la complexité du système de santé est un obstacle additionnel important à l'accès aux soins. " La numérisation des services sanitaires, sociaux et administratifs ajoute une couche de complexité ", estiment-elles.

Un système inadéquat

La pandémie actuelle ne va pas améliorer la situation des ménages les plus précaires. Des mesures ont bien été prises ces dernières années pour améliorer l'accès aux soins de santé des groupes vulnérables (ticket modérateur par exemple), mais " aucun changement évident " n'est à noter. Qui plus est, les résultats de l'étude montre que le système d'assurance maladie belge n'est pas équipé pour répondre de manière adéquate aux problèmes émergents rencontrés par les personnes vulnérables. " Certaines des caractéristiques de base du système de santé, telles que la rémunération à l'acte des prestataires de soins de santé en lien avec l'avance des frais remboursables, rendent plus difficile la lutte contre les inégalités dans l'accès aux soins de santé. Les mesures prises dans le cadre du système d'assurance maladie pour protéger les personnes vulnérables contre les coûts prohibitifs des soins de santé se sont avérées insuffisantes. "

Dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, l'urgence d'un tel débat est encore plus grande, estiment Rita Baeten et Sophie Cès, qui ont formulé 11 recommandations politiques (voir encadré). " En effet, les revenus de nombreuses personnes ont soudainement chuté, et notre analyse a montré que cela pose un risque important de besoins en soins de santé non satisfaits. Les indépendants sont parmi les groupes les plus affectés par une chute brutale de revenu et risquent de ne plus être en mesure de payer leurs contributions sociales. De plus, de nombreux patients atteints de Covid-19 restent à l'hôpital pendant de longues périodes et en soins intensifs. Or, notre étude montre que les séjours à l'hôpital de longue durée, et en particulier les séjours en soins intensifs, peuvent entraîner de graves problèmes de paiement pour certains patients et familles modestes. Garantir l'égalité d'accès aux soins de santé et protéger les patients contre les frais excessifs doivent être les principaux objectifs du système d'assurance maladie obligatoire, non seulement dans le principe mais aussi dans leur réalisation en pratique. "

1. Cès, S. and Baeten, R. (2020), Inequalities in access to healthcare in Belgium. Brussels : European Social Observatory, July 2020, 184 p.

11 recommandations politiques

1. Couverture universelle de la population

2. Extension du système de tiers-payant

3. Réformer le régime d'intervention majorée

4. Protéger les enfants des tickets modérateurs

5. Développer davantage les maisons médicales

6. Améliorer la couverture de l'hospitalisation

7. Améliorer la couverture pour des types de soins spécifiques

8. Améliorer l'accès aux services de santé mentale

9. Accroître la transparence sur les coûts pour les patients

10. Harmonisation de l'aide financière résiduelle fournie par le CPAS

11. Un soutien accessible des services sociaux

Notre système de santé montre plusieurs faiblesses, si l'on en croit le rapport de l'OSE. En tant que patient, les dépenses sont élevées. La Belgique se situe au 8e rang des pays (sur 28) pour lesquels la charge financière est la plus fréquemment perçue comme importante chez les personnes ayant un faible revenu. Parmi les pays voisins, seul le Luxembourg a un pourcentage plus élevé. En 2017, 4,1% de la population avait des besoins non satisfaits pour des raisons financières en matière de soins médicaux et/ou dentaires, renseigne encore le rapport. Qui plus est, la situation évolue de manière défavorable. Lentement, mais sûrement. Entre 2011 et 2017, la proportion de personnes ayant déclaré des besoins médicaux non satisfaits pour des raisons financières dans l'ensemble de la population est passée de 1,4% à 2%. À noter que des différences régionales significatives sont observées. La proportion de personnes qui déclarent des besoins non satisfaits est sensiblement plus élevée en Wallonie (3,1 %) et à Bruxelles (4,3 %) qu'en Flandre (1 %). Rita Baeten et Sophie Cès, auteurs du rapport, avancent quelques pistes pour expliquer ces résultats. " L'augmentation du nombre de personnes qui ont déclaré des besoins non satisfaits chez les personnes avec des bas revenus peut être reliée au fait que le nombre de personnes menacées de pauvreté a augmenté depuis 2011." Un fait que constatent également les professionnels de la santé interrogés par les chercheuses. " Ils ont souligné qu'ils avaient désormais plus de patients vivant dans des situations précaires qu'il y a dix ans : ceux-ci étant confrontés à une combinaison de difficultés dans plusieurs domaines, notamment le logement, l'alimentation, l'isolement social. "L'étude identifie quatre principaux obstacles à l'accès aux soins de santé. Premièrement, le nombre de personnes non couvertes par l'assurance maladie obligatoire, estimé par l'OCDE à 1% de la population, serait en réalité plus élevé. " Nous avons pu identifier un ensemble de situations individuelles variées qui sont exclues de cette estimation, en particulier les personnes qui ont perdu leur droit à la couverture maladie obligatoire depuis plus de deux ans, les travailleurs non déclarés ou encore les personnes qui n'ont pas fait les démarches administratives pour s'affilier. " La perte de cette couverture touche particulièrement les indépendants, qui doivent en sus faire face à la pandémie de Covid-19. Deuxièmement, Rita Baeten et Sophie Cès pointent la problématique de l'avance des frais de santé remboursables. " L'obligation de payer des avances, qui est typique de notre système de paiement à l'acte, constitue un obstacle majeur à l'accès aux soins de santé ambulatoires - plus précisément, le paiement d'avances aux kinésithérapeutes, dentistes et spécialistes. "Troisièmement, la couverture des soins hospitaliers par le système obligatoire de soins de santé est faible en Belgique par rapport aux autres pays de l'UE : elle n'est inférieure qu'en Grèce, à Chypre et en Irlande. Alors que dans l'ensemble de l'UE, 93 % des coûts des soins hospitaliers sont couverts en 2016, ils ne le sont qu'à 77 % en Belgique. " Ce sont en particulier les factures pour les séjours de longue durée, notamment dans les services de soins intensifs, qui peuvent être élevées ", affirment les chercheuses. Les conséquences d'une facture impayée peuvent se révéler dramatiques. " D'une part, certains hôpitaux refusent de traiter les patients qui ont des arriérés et, d'autre part, les patients reportent des soins pour ne pas alourdir cette dette. Il a également été signalé que certains médecins hospitaliers effectuent moins d'examens médicaux pour les patients en retard de paiement ou qui sont susceptibles d'avoir des difficultés à payer la facture de leur séjour hospitalier. La politique de certains CPAS consistant à ne pas apurer la dette d'hospitalisation explique en partie ces pratiques. "Quatrièmement enfin, les chercheuses estiment que la complexité du système de santé est un obstacle additionnel important à l'accès aux soins. " La numérisation des services sanitaires, sociaux et administratifs ajoute une couche de complexité ", estiment-elles. La pandémie actuelle ne va pas améliorer la situation des ménages les plus précaires. Des mesures ont bien été prises ces dernières années pour améliorer l'accès aux soins de santé des groupes vulnérables (ticket modérateur par exemple), mais " aucun changement évident " n'est à noter. Qui plus est, les résultats de l'étude montre que le système d'assurance maladie belge n'est pas équipé pour répondre de manière adéquate aux problèmes émergents rencontrés par les personnes vulnérables. " Certaines des caractéristiques de base du système de santé, telles que la rémunération à l'acte des prestataires de soins de santé en lien avec l'avance des frais remboursables, rendent plus difficile la lutte contre les inégalités dans l'accès aux soins de santé. Les mesures prises dans le cadre du système d'assurance maladie pour protéger les personnes vulnérables contre les coûts prohibitifs des soins de santé se sont avérées insuffisantes. "Dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, l'urgence d'un tel débat est encore plus grande, estiment Rita Baeten et Sophie Cès, qui ont formulé 11 recommandations politiques (voir encadré). " En effet, les revenus de nombreuses personnes ont soudainement chuté, et notre analyse a montré que cela pose un risque important de besoins en soins de santé non satisfaits. Les indépendants sont parmi les groupes les plus affectés par une chute brutale de revenu et risquent de ne plus être en mesure de payer leurs contributions sociales. De plus, de nombreux patients atteints de Covid-19 restent à l'hôpital pendant de longues périodes et en soins intensifs. Or, notre étude montre que les séjours à l'hôpital de longue durée, et en particulier les séjours en soins intensifs, peuvent entraîner de graves problèmes de paiement pour certains patients et familles modestes. Garantir l'égalité d'accès aux soins de santé et protéger les patients contre les frais excessifs doivent être les principaux objectifs du système d'assurance maladie obligatoire, non seulement dans le principe mais aussi dans leur réalisation en pratique. "