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"Il y a avant tout une mise au point à faire sur le plan des définitions. En fait, on appelle syncope une perte de connaissance transitoire qui est spécifiquement due à une diminution, tout aussi transitoire, de la perfusion cérébrale globale", explique Dominique Vanpee. Il ne s'agit donc pas des pertes de connaissances d'origine neurologique, par exemple. On peut classer les syncopes de différentes manières en fonction de leur cause, dont les plus dangereuses sont celles d'origine cardiaque. Ces dernières peuvent se diviser en deux groupes: celles qui sont liées à un trouble du rythme (tachycardie ou bradycardie) et celles qui proviennent d'une anomalie structurelle du coeur (p. ex. sténose aortique). Les syncopes d'origine orthostatique sont très fréquentes, tout particulièrement chez les personnes âgées. Leur cause peut être hypovolémique (diarrhée), avec la présence d'un méléna sur ulcère, ou associée à des vomissements importants. Certains médicaments comme des bétabloquants, des diurétiques, des vasodilatateurs peuvent également entraîner de l'hypotension orthostatique, surtout chez la personne très âgée. Les réflexes autonomes pouvant lutter contre l'hypotension orthostatique peuvent être anéantis par des altérations, voire la destruction de certaines structures impliquées, un alitement prolongé ou un diabète au long cours entraînant une dysautonomie. Il en va de même pour les insuffisants rénaux et les parkinsoniens. Elles sont relativement faciles à diagnostiquer et elles ne sont pas vraiment dangereuses. Leur traitement est celui de leur cause. D'autres syncopes peu dangereuses sont de nature neurocardiogénique, réflexe, par stimulation d'un mécanorécepteur ou d'un barorécepteur entraînant une stimulation du nerf vague et donc une bradycardie. "La plus fréquente et la plus connue de ces syncopes réflexes est la syncope vasovagale, qui concerne surtout les patients plutôt jeunes et qui survient dans un contexte émotionnel ou en orthostatisme prolongé dans une ambiance chaude", précise Dominique Vanpee. "Elles peuvent s'accompagner de myoclonies brèves et débutant après la perte de connaissance." D'autres syncopes de ce type sont situationnelles: elles surviennent lors d'un acte particulier, comme la défécation ou la miction. Dans ce dernier cas, il s'agit de la stimulation de mécanorécepteurs situés dans la paroi vésicale. Un autre exemple en est la stimulation du sinus carotidien lors du rasage. Il y a deux éléments importants à considérer dans la prise en charge d'une syncope, dont il convient de vérifier si elle n'est pas d'origine cardiaque: 1. L'anamnèse, particulièrement importante ici, 2. L'examen clinique, dont la mesure de la pression artérielle en position couchée et debout ainsi que, si nécessaire, un ECG de base. Lorsque la cause de la syncope n'est pas clairement identifiée, il est capital d'évaluer correctement les patients à risque - autrement dit, de rechercher les syncopes d'origine cardiaque, qui surviennent plutôt chez les patients plus âgés et dont la récidive pourrait entraîner un décès par mort subite dans les semaines (voire l'année) qui suivent. Logiquement, leur identification se base d'abord sur les antécédents personnels. Ceux de cardiopathie à l'âge adulte - qu'elle soit ischémique, mécanique ou autre - et, encore plus, d'arythmie, doivent faire considérer ces patients comme ayant présenté une syncope cardiaque, jusqu'à preuve du contraire. Il en va de même si la syncope était associée à une douleur angoreuse ou à des palpitations juste avant l'événement, ou encore lorsqu'elle se produit à l'effort (marche, vélo, jardinage...). Chez les plus jeunes, il faut rechercher les antécédents familiaux de mort subite et penser par exemple au syndrome de Brugada ou au syndrome du QT long. Une syncope sans prodromes doit plus précisément faire penser à une syncope cardiogénique d'origine électrique, potentiellement grave. En cas de syncope d'origine vraisemblablement cardiaque, l'auscultation permettra par exemple de détecter un souffle systolique situé au niveau du deuxième ou du troisième espace intercostal droit et irradiant vers les carotides, ce qui fera penser à une sténose aortique. Quant aux pressions artérielles systolique et diastolique, elles signent une potentielle hypotension orthostatique lorsqu'elles chutent respectivement de plus de 20 mm Hg et 10 mm Hg entre la position couchée et la position debout. Par ailleurs, si l'ECG peut montrer différentes causes d'origine cardiaque (trouble du rythme, antécédent d'infarctus myocardique...), il faut rappeler qu'un tracé normal ne permet pas d'exclure une origine cardiaque. Parmi les pièges à éviter, l'épidémiologie nous enseigne qu'une syncope apparemment vasovagale chez une personne âgée et qui présente des antécédents cardiaques a en fait beaucoup de chances d'être plutôt cardiogénique. Un autre piège - surtout en consultation d'urgence - consiste à se focaliser peut-être un peu trop sur l'événement syncope, alors qu'un symptôme associé peut être révélateur d'un problème plus grave (comme par exemple une dyspnée pré-syncope avec polypnée, pour cause d'embolie pulmonaire). Au bout du compte et au-delà des pièges, il faut retenir que "le diagnostic causal des syncopes n'est pas toujours évident au départ d'un premier épisode, mais que le principal consiste à évaluer le risque propre au patient", conclut Dominique Vanpee. Cette évaluation peut être guidée par les recommandations 2018 de la Société européenne de cardiologie [1], dont le tableau repris ci-dessous.