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La coïncidence des dates ne saurait être fortuite, c'est bien une seule et même fête en habits bien différents. Et vous, êtes-vous plutôt Halloween, ou plutôt Toussaint? Halloween, ses masques de crâne, ses dents de vampire, ses salopettes en forme de squelettes, ont fait le choix d'affronter la peur qu'inspire la mort en jouant la dérision: ce dont on rit n'existe plus, et en grand groupe c'est encore plus drôle. Je serais plutôt Toussaint, fête modeste et sereine, qui nous confronte à notre propre destin et redonne vie un court instant à ces êtres chers qui nous ont entourés, chéris, constitués. Fête intime transcendant les convictions religieuses et la représentation que nous nous faisons d'un aléatoire au-delà: les absents nous habitent, meublent les conversations familiales, suscitant en même temps émotion et parfois regret de ce qui ne fut fait, ne fut dit. Cette année, encore moins que d'autres, les soignants ne troqueront pas leurs masques pour se travestir en monstres quêtant les friandises. Halloween n'est pas notre fête, car nous avons tous un proche, plusieurs patients, des collègues que le Covid-19 a laminés. La pandémie a essoré les équipes soignantes, qu'on n'applaudit plus guère au balcon à 20 heures. Ceux qui surnagent en ont la tête pleine, comme ces matins après une soirée arrosée. Elle a divisé les familles, qui évitent avec soin les sujets qui fâchent, et jeté sur nos vies un filet de surveillance comme on n'en aurait jamais imaginé. "Prenez soin de vous" est devenu un mantra balancé à toutes les sauces, vidé de toute signification, remplaçant le "ça va?" des temps normaux. Cette année, plus que d'autres, je suis plutôt Toussaint.