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Celui qui dut s'exiler en Belgique et enseigna à l'Université nouvelle de Bruxelles (en rupture idéologique avec l'ULB) voit - les préoccupations environnementales se faisant de plus en plus réelles et pressantes - ses écrits désormais republiés. "Histoire d'une montagne" le fut il y a peu par Actes Sud (nous l'évoquions au printemps dernier), et voici qu'une partie de celle d'un ruisseau est republiée chez Folio (catalogue Sagesses) sous le titre "La source". Laquelle nous emmène de celle-ci jusqu'au fleuve, en passant par le torrent. Le style de cet auteur - volontairement oublié par la France du fait de ses convictions anarchistes et libertaires et de son passé communard - est certes suranné, d'un lyrisme un peu désuet, mais charmant, son propos faisant cependant montre d'un sens de l'observation acéré, d'un amour immense pour la nature et ses merveilles qu'il combine avec celui de la liberté, une symbiose en résonance plus d'un siècle plus tard avec la société actuelle. Extrait: "Par milliers et milliers, les 'pasteurs des peuples', perfides ou pleins de bonnes intentions, se sont armés du fouet et du sceptre, ou, plus habiles, ont répété de siècle en siècle des formules d'obéissance afin d'assouplir les volontés et abrutir les esprits ; mais heureusement, tous ces maîtres qui voulaient asservir les autres hommes par la terreur, l'ignorance, ou l'impitoyable routine n'ont point réussi à créer un monde à leur image, ils n'ont pas su faire de la nature un grand jardin de mandarin chinois avec des arbres torturés en forme de monstres et de nains, des bassins taillés en figures géométriques, et des rocailles au dernier goût ; la terre, par sa magnificence de ses horizons, la fraîcheur de ses bois, la limpidité de ses sources, est restée la grande éducatrice, et n'a cessé de rappeler les nations à l'harmonie et à la recherche de la liberté." Libre, Élisée Reclus (1830-1905), qui repose au cimetière d'Ixelles, était une bonne... nature.