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Un romancier décide d'écrire son autoportrait, lui qui se croit le sosie de celui de Dürer jeune... lorsqu'il l'était aussi. Cet écrivain s'estime peu et vide, se remplissant des autres, voit à peine son reflet dans le miroir, s'imagine prestidigitateur, imposteur, se nourrissant des extraits de Rimbaud, de T.S. Eliot, évoquant Proust, convoquant Mallarmé, écrivant avec du sang couleur encre: le sien et celui des autres. Et voilà qu'alors que ce solitaire conçoit ce portrait réaliste - donc peu amène, que ce vampire littéraire qui évite son reflet commence à perdre son sang, le vrai, victime d'une hémorragie interne. On décide d'une transfusion qu'il connaît: " la citation, l'imitation, la parodie, le pastiche sont des transfusions". L'édition de poche de sang tarde et, sous l'effet d'une trop grande oxygénation, son cerveau part en vrille . Il délire, kaléidoscope actualité, cinéma, peinture, littérature. La mort rôde et son esprit pourtant se fait plus vivace... joue les colleurs d'images sur l'écran noir de l'inconscience... qui se peuple d' "apparitions". Jean-Jacques Schuhl est un artiste qui s'adonne au collage surréaliste, coud des bribes d'autres écrivains en un brillant décousu. Le texte court se décore d'effets graphiques - l'on pense à Laurence Sterne ( Vie et opinions de Tristram Shandy ), William Burroughs passe bien sûr une tête, et celui des médecins en rappelle un autre, prénommé Louis-Ferdinand. Cet écrivain parcimonieux est un magicien qui prétend préférer " les faits à l'effet des fées" mais se berce d'illusions autant que de science pour expliquer son expérience. Bref, il choisit la "voix"... médium.