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"T ous les patients qui souffrent d'un SJSR, aussi éloquents soient-ils, rencontrent toutefois des difficultés à mettre les mots justes sur leur plainte lorsqu'on leur demande ce qu'ils ressentent précisément", souligne toutefois d'emblée le Dr Ilse De Volder (spécialiste en neurologie du sommeil à la clinique du sommeil de l'UZA). " La réponse sera toujours hésitante: Comment dire...Mmm, c'est comme si j'avais de l'eau qui me coule dans les jambes, comme une corde qui se tend, comme si mes nerfs étaient trop courts, comme si j'avais littéralement des fourmis dans les jambes, etc." Parmi les mouvements qui améliorent la sensation de gêne, on peut citer le fait de déplacer les jambes, de s'étirer, de se lever de son siège ou de faire quelques pas. Le temps d'apparition des symptômes en position assise est très variable, de quelques minutes à une heure, et la probabilité qu'ils se manifestent est plus grande en position mi-allongée (p.ex. dans un fauteuil relax devant la télévision) que lorsque le patient est assis droit sur une chaise. Certains patients interprètent le besoin de bouger comme un signe de somnolence et vont se coucher alors que chez d'autres, ce problème entrave justement l'endormissement. Ces derniers se sentent parfois tellement mal à l'aise qu'ils sont forcés de se lever. Il n'est pas rare qu'ils dorment pieds découverts, se plaignant d'une sensation de chaleur que leur conjoint ne remarque pas à la palpation. Marcher sur un sol froid ou mettre leurs pieds sous l'eau froide peut parfois les soulager. Les sensations gênantes et le besoin impérieux de bouger disparaissent spontanément dans le courant de la nuit. Les patients qui souffrent d'un SJSR ne présentent pas de plaintes en journée, sauf parfois lorsqu'ils doivent rester longtemps assis (p.ex. dans l'avion) ou qu'ils souffrent d'une forme grave de la maladie. Les patients rapportent très souvent des antécédents familiaux chez l'un de leurs parents, ce qui évoque l'existence d'un facteur héréditaire, et un lien potentiel a d'ailleurs été évoqué avec des polymorphismes au niveau de plusieurs gènes. L'âge apparaît comme un facteur favorisant ; dans les formes familiales, le SJSR se manifeste toutefois souvent relativement tôt, parfois même dès l'enfance. " Chez les enfants, les symptômes sont souvent mis sur le compte de simples douleurs de croissance", observe le Dr De Volder. " Il faudra toutefois penser à un SJSR lorsque l'enfant refuse de rester couché la nuit et demande à ses parents de lui masser les jambes, à tout le moins lorsqu'il existe des antécédents familiaux." On observe par ailleurs chez les patients qui souffrent d'un SJSR une prévalence accrue du trouble des mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil (MPJ), caractérisé par des contractions involontaires répétées des muscles des membres inférieurs. Le conjoint remarque une flexion répétée du gros orteil et du pied, parfois aussi du genou ou de la hanche. Le phénomène s'observe chez 80% des patients atteints d'un SJSR. Il convient de distinguer le SJSR d'une série d'autres phénomènes, comme l'habitude de bouger sans cesse les jambes. Celle-ci repose en effet sur d'autres facteurs qu'une sensation de gêne soulagée par le mouvement ; elle tient souvent au fait que le patient est nerveux ou tendu. Les personnes qui souffrent d'insuffisance veineuse, elles, décriront très clairement une sensation de pesanteur et auront tendance à rester assises avec les jambes surélevées plutôt qu'à bouger. Enfin, on peut encore mentionner ici l'acathisie qui, là aussi, provoque un besoin impérieux de bouger accompagné d'une sensation d'agitation. Le tableau est toutefois, dans ce cas, déclenché par la prise de médicaments psychotropes. En ce qui concerne le traitement, il est toujours utile de s'intéresser en premier lieu au statut en fer. Il est intéressant de constater à cet égard que certains patients ne développent des plaintes de SJSR que dans certaines circonstances bien spécifiques, comme par exemple après un don de sang, pendant les règles pour les femmes et en cas de troubles de l'absorption du fer après une dérivation gastrique. " En présence d'un SJSR, il faudrait viser un taux de ferritine minimal > 75 µg/l", souligne Ilse De Volder. Il existe également un lien entre le SJSR et la dopamine, ce qui explique pourquoi les plaintes ne surviennent parfois qu'après initiation d'un antagoniste dopaminergique, comme par exemple un neuroleptique ou certains antidépresseurs. Cette relation a pu être confirmée entre autres par l'imagerie fonctionnelle du cerveau. La lévodopa a donc logiquement été le tout premier médicament utilisé dans la lutte contre le SJSR. Ses effets secondaires ont toutefois conduit, il y a plusieurs années déjà, à lui substituer des agonistes dopaminergiques (pramipexole en comprimés ou rotigotine en patch)... et, là aussi, une mise en garde est de mise, précise le Dr De Volder. " Les agonistes dopaminergiques peuvent s'accompagner d'un syndrome d'augmentation: sous traitement, les plaintes restent sous contrôle durant des mois voire des années puis finissent malgré tout par s'aggraver. Le besoin de bouger peut alors se manifester plus tôt dans la journée (en début plutôt qu'en fin de soirée), les sensations déplaisantes peuvent migrer des jambes aux avant-bras, aux muscles abdominaux ou aux muscles fessiers, des mouvements périodiques des membres peuvent apparaître en état de veille, etc. Les symptômes ne pourront alors être maîtrisés qu'au moyen d'une augmentation du dosage (et en bougeant)... mais, là encore, cet effet ne sera que temporaire. Des études de suivi portant sur une période de dix ans ont observé ce grave phénomène d'augmentation chez 40-68% des patients traités. Pour contrer cette tendance, les recommandations internationales proposent, chez les nouveaux patients, de préférer aux agonistes de la dopamine un ligand a 2 - tout en veillant à tout moment à un statut en fer suffisant et en étant attentif aux mesures non pharmacologiques (p.ex. éviter les traitements susceptibles de déclencher les plaintes, la caféine, le manque de sommeil...)." Chez les patients sous agonistes dopaminergiques confrontés à un syndrome d'augmentation manifeste, la meilleure solution sera d'initier un traitement au moyen d'un ligand a2d. " En parallèle, on réduira les doses de l'agoniste dopaminergique de façon progressive, un arrêt brutal étant associé à un phénomène de rebond", précise encore Ilse De Volder . "Une diminution plus progressive évitera au patient un rebond sévère, mais sans malheureusement le prémunir complètement contre ce problème. Le ligand a 2d n'atteindra son plein effet qu'après l'arrêt complet de l'agoniste de la dopamine." Dans le cas de figure où le SJSR s'accompagne surtout de problèmes d'endormissement, il peut être utile de tenter un traitement concomitant des deux problématiques par clonazépam, administré ici juste avant le coucher. " Il n'existe que peu de recherches ou de données de littérature concernant cette approche", précise le Dr De Volder . "Dans la pratique, nous avons toutefois observé qu'elle est efficace chez certains patients, à faibles doses et de façon sporadique. Il s'agit donc ici d'une utilisation off-label, en-dehors des indications reconnues." Chez les patients résistants au traitement, on pourra prescrire des opioïdes comme le tramadol ou l'oxycodone. Au vu de la chronicité de la pathologie et de la nature du traitement, ces produits devront toutefois être utilisés avec la plus grande prudence. Comme la gravité du SJSR est souvent fluctuante, on peut envisager, en concertation avec le patient, de réduire le traitement après un certain temps. Avec les agonistes de la dopamine, il faudra toutefois tenir compte de la survenue d'une période de rebond.