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Les plaintes rencontrées dans ce cadre vont des troubles de l'odorat aux difficultés respiratoires en passant par le brouillard mental ( brain fog), qui recouvre déjà à lui seul toute une ribambelle de plaintes neurologiques telles que fatigue, maux de tête et troubles de la concentration ou même de la mémoire. Poser un lien avec des constats objectifs est par ailleurs plus facile pour certains tableaux que pour d'autres ; en présence de lésions pulmonaires persistantes, on ne s'étonnera évidemment guère d'observer une dyspnée et une sensation de faiblesse. À en croire les premiers rapports, le Covid-19 de longue durée toucherait de 10 à 30% des sujets victimes d'une infection symptomatique à Sars-CoV-2. Dans le passé, des plaintes persistantes et difficiles à objectiver ont déjà été rapportées dans une série d'autres maladies, le cas le plus controversé étant sans aucun doute celui de la "maladie de Lyme chronique". Une commotion cérébrale aussi peut déboucher sur l'apparition d'un tableau caractérisé par des céphalées prolongées et des troubles de la concentration, et le syndrome de fatigue chronique est parfois mis en relation avec une infection virale antérieure. La revue Science a récemment interviewé deux infectiologues, la Canadienne Emilia Falcone et l'Américain Michael Sneller, qui ont lancé chacun de son côté des recherches sur le Covid-19 de longue durée dans l'espoir de trouver une explication biologique aux plaintes persistantes. Dans la foulée, il est possible qu'il se dégage une définition qui fait actuellement défaut. La question de savoir comment positionner les patients qui présentent une atteinte persistante objectivable (comme par exemple des lésions qui restent présentes à l'imagerie du poumon et/ou une altération de la capacité de diffusion pulmonaire) par rapport à ceux qui ne présentent pas d'anomalies objectives n'est pas non plus été clairement tranchée. Quant à savoir si le tableau auquel nous sommes confrontés ici est comparable à celui que l'on peut observer dans le sillage d'autres maladies, Michael Sneller ne veut pas trop s'avancer: peut-être bien, peut-être pas. Emilia Falcone souligne de son côté que les symptômes que l'on observe après une infection Covid-19 vont plus loin qu'un simple brouillard mental. Certains patients présentent par exemple une atteinte de l'odorat, d'autres des perturbations endocriniennes comme par exemple une dysfonction thyroïdienne. En tout état de cause, les deux chercheurs auront recours à un groupe contrôle pour tenter d'établir ce qui tient ou non à l'infection stricto sensu. Il ne faut en effet pas oublier que la pandémie a aussi généré un climat psychologique traumatisant susceptible de provoquer des problèmes de fatigue, des maux de tête et des troubles de la concentration même chez des personnes non infectées, et il est possible que certains symptômes neurologiques ne soient finalement pas plus fréquents chez les patients qui ont eu la maladie que dans la population contrôle. Emilia Falcone a toutefois déjà pu poser un certain nombre de constats interpellants sur la base de ses résultats provisoires. Ainsi concernant les acouphènes, mentionnés dans la littérature comme l'une des plaintes possibles dans le cadre d'un Covid-19 prolongé: dans son étude, la chercheuse canadienne a observé ce problème chez 12% du groupe Covid-19 et dans... 14% du groupe contrôle. Par ailleurs, si 50 à 60% du groupe post-Covid (âge médian 50 ans) présentaient une capacité de diffusion pulmonaire légèrement réduite, cette prévalence est en réalité identique à celle observée dans une population contrôle comparable en termes d'âge et de profil de comorbidités. Toujours dans cette même population d'étude, 55% des patients qui avaient été victimes d'une infection Covid-19 ne présentaient pas de symptômes prolongés. Il est néanmoins intéressant de remarquer que ladite population se composait à 90% de personnes qui avaient été traitées à domicile, et que les plaintes à plus long terme ne sont donc pas limitées aux cas gravissimes.