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Le Pr Johan Flamaing (chef du service de gériatrie de l'UZ Leuven et membre du panel d'experts impliqués dans l'avis du CSS) a accepté de dresser un petit état des lieux pour nos lecteurs. Nous disposions déjà d'un vaccin polysaccharidique à 23 valences et d'un vaccin conjugué 13-valent. Il convient toutefois de préciser qu'une centaine de sérotypes du pneumocoque sont susceptibles de provoquer des infections invasives. Jusqu'ici, c'est le vaccin à 23 valences qui offre la protection la plus large contre ces dernières, puisqu'il couvre 72% des sérotypes responsables d'infections invasives chez les sujets adultes (> 16 ans), contre 34% pour le vaccin 13-valent. Les vaccins conjugués présentent toutefois l'avantage d'être plus fortement immunogènes et de provoquer une réponse immunitaire "renforçable", tandis que l'immunité obtenue avec un vaccin polysaccharidique ne pourra pas être boostée. "C'est la raison pour laquelle nous avons proposé de combiner les deux chez les personnes qui courent un risque accru de souffrir d'infections à pneumocoques invasives, en administrant d'abord le vaccin conjugué puis le vaccin polysaccharidique", explique le Pr Flamaing. "Douze des treize sérotypes du vaccin conjugué sont aussi présents dans le vaccin polysaccharidique à 23 valences. Pour ces 12 sérotypes, nous avons donc la possibilité de booster l'immunité par l'administration d'un rappel. Dans le même temps, nous offrons toutefois aussi une protection plus large avec le vaccin 23-valent. Les vaccins permettent tous deux d'obtenir une bonne protection et, par extension, c'est également le cas de la stratégie combinée."Par rapport au vaccin conjugué 13-valent, les nouveaux vaccins conjugués élargissent la couverture à 15 et 20 sérotypes invasifs respectivement - on peut donc parler de vaccins conjugués "à plus haute valence". Le vaccin à 15 valences protège contre 40% des sérotypes responsables d'infections invasives à pneumocoques chez les patients adultes ; pour le vaccin à 20 valences, cette proportion atteint 67%. "En termes de nombre de sérotypes couverts, le vaccin conjugué à 20 valences se rapproche du vaccin polysaccharidique à 23 valences", observe le gériatre. "En outre, nous verrons probablement arriver dans un avenir pas si lointain des vaccins conjugués ciblant encore plus de sérotypes. Nous commençons donc tout doucement à disposer d'arguments convaincants pour utiliser ces vaccins conjugués à large spectre seuls dans le cadre de la stratégie vaccinale contre les infections invasives à pneumocoques: ils offrent une large protection et induisent une réponse immunitaire marquée et susceptible d'être boostée."Comme dans le passé, le CSS a choisi, dans son nouvel avis, de stratifier la population-cible en trois catégories de risque. Chez les patients immunocompromis (le groupe qui présente le plus haut risque), il propose d'utiliser le vaccin conjugué offrant la couverture la plus large contre les infections invasives à pneumocoques, à savoir le vaccin conjugué à 20 valences. Une alternative possible est d'administrer le vaccin 15-valent suivi, après un intervalle d'au moins huit semaines, du vaccin 23-valent. Le texte de consensus recommande de revacciner ensuite tous les cinq ans au moyen du vaccin 23-valent, ce qui permet de stimuler la protection contre les sérotypes déjà présents dans le vaccin conjugué tout en élargissant encore un peu la couverture. La même recommandation s'applique largement aussi chez les personnes atteintes de comorbidités chroniques (troubles cardiaques, pulmonaires ou hépatiques, diabète, maladies neurologiques avec risque d'aspiration, etc.) âgées de 50 ans ou plus, si ce n'est que le schéma ne prévoit qu'un seul rappel, après cinq ans. Des rappels supplémentaires peuvent toutefois être envisagés en présence d'une pathologie comorbide très avancée (p.ex. insuffisance cardiaque ou BPCO terminale). Les personnes de plus de 65 ans en bonne santé recevront un schéma de vaccination unique, sans rappels, reposant soit sur le vaccin à 20 valences seul, soit sur le vaccin à 15 valences suivi, après un délai d'un an minimum, du vaccin à 23 valences. Une autre possibilité est d'administrer uniquement le vaccin polysaccharidique. "Les vaccins antipneumococciques ne sont pas remboursés", précise à cet égard Johan Flamaing. "Avec la combinaison vaccin conjugué + vaccin polysaccharidique, le coût dépasse facilement 100 euros. Or nous pouvons affirmer sans crainte que le second permet déjà à lui seul d'obtenir une bonne protection chez les plus de 65 ans en bonne santé."Comme nous l'avons déjà mentionné plus haut, le CSS suggère, chez les patients à haut risque ou porteurs de comorbidités, d'administrer le vaccin 15-valent suivi du vaccin 23-valent après un intervalle de huit semaines, contre un an chez les plus de 65 ans en bonne santé. "Des données récentes démontrent qu'un intervalle de plus d'un an entre les deux vaccins permet d'obtenir une meilleure réponse immunitaire", clarifie le Pr Flamaing. "Nous avons donc dû peser mûrement le pour et le contre. Chez les sujets à très haut risque, nous avons fait le choix d'une protection large et rapide. Chez les personnes dont le risque est plus faible, nous pouvons nous permettre de procéder un peu plus lentement afin d'obtenir une immunité plus durable."L'expert tient à apporter une dernière précision: "La nouvelle recommandation reste assez complexe - la version précédente l'était aussi, mais nous espérions que les nouveaux vaccins conjugués à valence plus élevée nous permettraient de simplifier les choses. Chez les plus de 65 ans en bonne santé, nous aurions par exemple pu recommander simplement le vaccin conjugué à 20 valences seul (ou le vaccin à 23 valences seul, dans les situations où les circonstances financières l'auraient imposé), ce qui aurait permis de boucler le schéma en une seule piqûre. Par souci de simplification, nous aurions alors également préconisé de commencer par le vaccin conjugué à 20 valences dans les deux autres groupes, suivi des doses de rappel exposées ci-dessus. Dans ce scénario, le vaccin à 15 valences aurait toutefois été complètement écarté, alors qu'il existe aussi des arguments scientifiques en faveur de son utilisation. On sait par exemple qu'il induit une immunité particulièrement marquée contre le sérotype 3, très fréquent chez les personnes âgées et responsable d'infections sévères. C'est pour cette raison que nous avons choisi de lui donner une place dans les recommandations.""Un autre élément qui alimente encore la complexité de cette directive est qu'il a fallu formuler des recommandations non seulement pour chaque catégorie de risque, mais aussi pour les personnes qui ont déjà été vaccinées contre les pneumocoques d'une manière ou d'une autre dans le passé. Chez celles qui n'ont reçu jusqu'ici que le vaccin polysaccharidique, nous recommandons le vaccin à 20 valences à condition que l'administration du vaccin polysaccharidique remonte à au moins un an, sous peine d'obtenir une réponse immune suboptimale. Chez celles qui ont reçu le vaccin à 13 valences, le vaccin polysaccharidique est administré un an plus tard suivant le schéma normal.""Espérons que, malgré la relative complexité de ce nouvel avis, la vaccination antipneumococcique bénéficiera d'une attention plus large et sera davantage adoptée dans le futur."