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Outre l'atteinte pulmonaire, la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) a des conséquences systémiques significatives: capacité à l'effort diminuée, atrophie musculaire, ostéoporose, perte de poids, maladies cardiovasculaires, dépression et anxiété, etc. Ces comorbidités entrainent un repli sur soi, un isolement social et une diminution accrue de l'activité physique qui, à leur tour, aggravent les symptômes de la BPCO et des pathologies associées. La réhabilitation respiratoire (RR) peut briser ce cercle vicieux. Elle se définit comme "une intervention globale basée sur une évaluation approfondie du patient, suivie de traitements adaptés [...] qui incluent [...] l'entrainement à l'exercice, l'éducation et des changements de comportements induits pour améliorer l'état physique et psychologique des malades atteints de maladies respiratoires chroniques et pour promouvoir l'adhésion à des comportements visant à améliorer la santé." (1) Les recommandations internationales promeuvent toutes la RR comme stratégie thérapeutique à part entière, au même titre que les traitements médicamenteux. Et pour cause: il a été démontré que la RR est la stratégie la plus efficace pour améliorer la dyspnée, la qualité de vie et la tolérance à l'effort de ces patients. En Belgique, 4 centres conventionnés sont actuellement reconnus par l'INAMI (2). La RR y prend la forme d'un programme de 60 séances étalées sur maximum six mois. Pour pouvoir intégrer le programme et bénéficier de son remboursement, le patient atteint de BPCO doit rencontrer plusieurs critères: - être symptomatique, - être sous traitement médicamenteux optimal, - présenter un volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) inférieur à 50% ou une diffusion du CO inférieure à 50%, - présenter au moins deux des cinq critères suivants: un score inférieur à 100 au test de qualité de vie CRDQ ou inférieur à 20 pour la composante dyspnée, une puissance maximale sur ergocycle inférieure à 90 watts, une force des muscles inspiratoires et expiratoires, une force du quadriceps inférieure ou un test de marche de 6 minutes inférieur(e)s à 70% des valeurs prédites. Ces critères nécessitant souvent des tests spécifiques, les praticiens de première ligne sont invités à référer les candidats potentiels à un pneumologue qui se chargera de l'évaluation et pourra, le cas échéant, diriger le patient vers une RR conventionnée. Au niveau des contre-indications à entamer une RR, notons les troubles psychiatriques ou cognitifs sévères, une comorbidité qui n'est pas sous contrôle (insuffisance hépatique, cardiopathie, etc.) ou une véritable incapacité à réaliser les exercices (à cause d'une polyarthrose sévère, par exemple). Cela dit, plusieurs facteurs peuvent décourager les patients à achever le programme: le tabagisme actif, la dépression, des difficultés logistiques (trajets, coût, etc.), etc. Le programme est adapté en fonction des besoins et des capacités de chaque patient. De plus, les centres l'organisent selon les ressources humaines et matérielles disponibles. Dans tous les cas, il ne s'agit pas seulement d'une revalidation physique. L'efficacité de la RR tient à son caractère résolument multidisciplinaire. Au CHU de Liège (3), par exemple, une séance de RR dure entre deux et trois heures. Elle comporte un exercice d'endurance en aérobie de 40 à 60 minutes (éventuellement fractionné en plusieurs séquences) ; le renforcement de muscles spécifiques (membres inférieurs et/ou supérieurs, électrostimulation neuromusculaire, entrainement des muscles respiratoires) ; une séance collective de gymnastique et d'assouplissement (souplesse articulaire, équilibre, proprioception et coordination) et l'éducation du patient à différentes thématiques en lien avec sa maladie. La RR peut aussi comporter de la kinésithérapie respiratoire en cas d'encombrement bronchique, des conseils diététiques, une consultation d'ergothérapie et/ou de tabacologie, etc. Outre les spécialistes (para)médicaux, un travailleur social peut également intervenir pour aider les patients à faire face aux tâches administratives, difficultés financières et/ou problèmes de déplacement qu'ils peuvent rencontrer du fait de la maladie. L'efficacité de la RR a été démontrée par de larges études randomisées. Ses effets sont multiples (4): - La qualité de vie perçue des patients BPCO est améliorée. - La dyspnée est soulagée. - Les capacités physiques à l'effort sont augmentées: la puissance maximale atteinte, la consommation maximale en O2, les performances au test de marche de 6 minutes, la force des muscles locomoteurs et l'endurance sur vélo ou tapis roulant sont toutes améliorées par la RR. - Correctement mené, l'entrainement des muscles inspiratoires tend à réduire la dyspnée à l'effort et au repos, à améliorer l'endurance et à légèrement augmenter la capacité à l'effort. Cela dit, il n'a pas été établi que ces bénéfices sont dus spécifiquement au renforcement des muscles respiratoires: la RR en tant que telle améliore déjà ces paramètres. - Le renforcement des muscles supérieurs peut soulager les symptômes liés à leur utilisation dans la vie quotidienne, la faciliter et, de ce fait, augmenter l'autonomie des patients. - La RR réduit les comorbidités psychologiques (dépression, anxiété, troubles de l'humeur, etc.), fréquentes chez le patient atteint de BPCO. - Le nombre d'exacerbations et, par conséquent, d'hospitalisations est réduit dans l'année suivant la RR. Si les bénéfices sur la survie ont été peu étudiés par des études randomisées, "la reprise et le maintien d'une activité physique accrue freinent l'évolution de la BPCO", déclare le Pr Jean-Louis Corhay, pneumologue au CHU de Liège. "Comme beaucoup de paramètres sont améliorés, les patients qui ont bénéficié d'une RR ont un meilleur moral, ce qui peut influer positivement sur l'adhésion thérapeutique - et, à terme, possiblement sur la mortalité." À condition, bien sûr, d'inscrire les acquis de la RR dans le temps... Les effets d'une RR se maintiennent pendant plusieurs mois, mais sans changement de comportement au-delà du programme, ils tendent à disparaitre au bout d'un an. Si le patient peut alors intégrer un programme de maintenance, in fine, il s'agit d'induire des changements de comportement qui vont effectivement et durablement augmenter le niveau d'activité physique. "Pendant et après la RR, un suivi étroit en première ligne est souhaitable", estime le Pr Corhay. "Il est important d'interroger le patient et de s'assurer de son adhésion au programme et à ses traitements. On peut aussi l'aider à trouver des solutions pour bouger davantage - en prenant un petit chien ou en achetant une bicyclette ergométrique, par exemple - ou le référer vers un psychologue ou un tabacologue. N'oublions pas que certains patients ne quittent pratiquement plus leur domicile. Le but ultime de la RR est de les faire sortir de chez eux."