Entre le bistouri et la marquise, c'est la seconde qui a finalement emporté le coeur de Michaël Labro. Le journal du Médecin a rencontré ce jeune entrepreneur liégeois qui a fait ses études de médecine tout en créant une florissante manufacture en pâtisserie (600.000 macarons par jour). Au menu, de la gourmandise et beaucoup de labeur.
Il se serait bien vu chirurgien. Et pas n'importe quel chirurgien: "En chirurgie réparatrice, pour sauver les grands brûlés. Ça m'aurait bien passionné", sourit Michaël Labro de dessous sa charlotte blanche. Eh oui, point de calot de chirurgien finalement, sa passion pour la pâtisserie a pris le pas sur la médecine après ses cinq ans de cursus universitaire. Le jeune homme, qui vient tout juste de passer le cap des 30 printemps, a toutefois conservé le tablier blanc, le masque et les surchaussures. Loin du bloc op', il arpente les allées de son usine à macarons qui emploie désormais 400 ETP. Un second site, de 16.000 m2, est en cours de construction à l'Est de la province de Liège. Il devrait permettre de faire grimper le chiffre d'affaires annuel de 60 à 150 millions d'euros. Avant de dupliquer ce succès aux États-Unis.
De la biochimie à la meringue
"On me dit parfois: 'Mais tu as perdu cinq ans en médecine pour rien, alors? ' et je réponds: 'Mais non, pas du tout! '", s'exclame l'ex-futur médecin. "J'ai adoré étudier la médecine: le métabolisme, les échanges, les systèmes rénal et cardiaque, la voie pyramidale en neurologie... C'est exactement la même chose en alimentaire: une homéostasie. Toutes les recettes sont basées sur de la chimie: un peu plus acide, un peu plus basique, un changement de température et hop! , on dénature toute une recette."
Michaël est haut comme trois pommes quand il découvre la pâtisserie grâce à sa mamy, les mercredis après-midis. "Elle prenait des livres et on faisait des tests, c'était super chouette", se souvient-il, des étoiles plein les pupilles. À 12 ans, il passe des week-ends entiers en cuisine à peaufiner sa technique. Il revend ses javanais, mille-feuilles et autres opéras dans un cercle équestre "pour récupérer mes petits sous et réinvestir la semaine suivante". Un esprit entrepreneurial, déjà.
C'est un bon cadeau de 20 euros qui lui fait découvrir le macaron: "Un livre attire mon attention au rayon librairie de la Fnac. Le macaron n'est pas encore très connu, on commence à parler de Ladurée en France et, chez nous, de Darcis. Je teste, sans avoir la moindre idée de ce que ça doit goûter! Les premiers ne sont pas bons, ils sont tout durs, ça ressemble à de vulgaires cookies", se souvient-il en faisant la grimace. Michaël a 16 ans. Déterminé à percer les secrets de cette gourmandise, il contacte Mercotte dont il a découvert le blog de pâtisserie sur le web (elle n'est pas encore la vedette de l'émission TV aux côtés de Cyril Lignac, NdlR). "Elle me répond et on commence à échanger des e-mails tous les jours, parfois à 4 heures du matin."
La médecine, une (fausse) évidence
Enfin le macaron se laisse dompter. Un jour que Michaël révise avec Antoine pour leurs examens, son ami découvre les macarons dans le frigo. Et les trouve sympas. "Pourquoi on n'en vendrait pas en porte-à-porte?", lance-t-il. Le succès est vite au rendez-vous. Leurs pieds ne suffisent plus. Pour leur offrir un scooter pour pouvoir vendre au-delà de leur quartier, Michael pense à faire reproduire son chien, un labrador chocolat.
Mais le temps des humanités est terminé, il faut choisir un métier. "J'ai toujours voulu être médecin", poursuit le jeune homme dont les parents sont ingénieurs (et pas du tout fans de cuisine). "Je rêvais d'une profession qui allie médecine et économie, mais ça n'existait pas! Antoine est fils et petit-fils de médecins, je l'ai suivi. En réalité, je crois que rien ne me passionnait vraiment. Je ne savais que faire car j'avais peur de me brider à un seul domaine pour toute la vie..."
"Mes trois premières années de médecine sont fantastiques. Mais notre société est de plus en plus sollicitée... On nous commande 1.000, 2.000 macarons. Dans la région, nous devenons les "Dr Macarons", ce capital sympathie fait affluer les demandes sur notre site internet, notamment pour Noël... en période de blocus. Antoine se retire progressivement pour se concentrer sur ses études, je décide de répondre à la demande, dont celles de magasins." Michaël ne va quasi plus au cours, il passe sa vie dans son petit atelier de pâtisserie, bricolé dans le garage chez son grand-père. Même en blocus, il cogite. A envie de tout faire (sauf d'étudier). Ainsi, il griffonne un étui rond en forme de fleur pour accueillir ses macarons. Delhaize adore et devient l'un de ses clients-tremplin.
L'heure du choix
C'est en fin de master, quand arrivent les stages, que le déclic a lieu: "Un matin, je pousse la double porte de l'hôpital des Bruyères et la referme aussitôt: j'ai compris que c'est fini. Ce n'est pas fait pour moi, je ne vais pas être heureux."
De la médecine, il conserve, entre autres, une (al)chimie des molécules: "Je suis le seul au monde à avoir pu désucrer la coque du macaron, les grands pâtissiers qui s'y sont lancés ont échoué, nous, le macaron salé a été notre porte d'entrée!" se réjouit Michaël. "Si on réduit d'un rien le sucre dans le coque, ça ressemble à un laid cookie. Et mettre du sel dans une coque, ça ne marche pas non plus: par effet osmotique, le sel absorbe l'humidité ambiante et la coque devient hypertrempée."
Aujourd'hui, sa petite entreprise ne connaît pas la crise. Elle tourne sept jours sur sept, 24h/24, en cinq pauses. Le "Dr Labro" crée 220 millions de macarons par an, livrés dans le monde entier. Dix goûts salés, 20 sucrés, dont d'indéfectibles best-sellers: chocolat, vanille, framboise et caramel. Il voit Mercotte chaque année, tutoie Cédric Grolet et Joakim Prat, deux pâtissiers au firmament, et s'apprêtait à accueillir Pierre Hermé quand nous l'avons rencontré. "Je ne regrette rien, je me suis fait plein d'amis formidables et j'ai appris plein de choses. L'unif reste un must de par son esprit. Quand je vois mes amis médecins, je sais que j'aurais été malheureux comme les pierres, tout comme eux n'aimeraient pas ma vie", conclut-il avec philosophie.
Il se serait bien vu chirurgien. Et pas n'importe quel chirurgien: "En chirurgie réparatrice, pour sauver les grands brûlés. Ça m'aurait bien passionné", sourit Michaël Labro de dessous sa charlotte blanche. Eh oui, point de calot de chirurgien finalement, sa passion pour la pâtisserie a pris le pas sur la médecine après ses cinq ans de cursus universitaire. Le jeune homme, qui vient tout juste de passer le cap des 30 printemps, a toutefois conservé le tablier blanc, le masque et les surchaussures. Loin du bloc op', il arpente les allées de son usine à macarons qui emploie désormais 400 ETP. Un second site, de 16.000 m2, est en cours de construction à l'Est de la province de Liège. Il devrait permettre de faire grimper le chiffre d'affaires annuel de 60 à 150 millions d'euros. Avant de dupliquer ce succès aux États-Unis. "On me dit parfois: 'Mais tu as perdu cinq ans en médecine pour rien, alors? ' et je réponds: 'Mais non, pas du tout! '", s'exclame l'ex-futur médecin. "J'ai adoré étudier la médecine: le métabolisme, les échanges, les systèmes rénal et cardiaque, la voie pyramidale en neurologie... C'est exactement la même chose en alimentaire: une homéostasie. Toutes les recettes sont basées sur de la chimie: un peu plus acide, un peu plus basique, un changement de température et hop! , on dénature toute une recette." Michaël est haut comme trois pommes quand il découvre la pâtisserie grâce à sa mamy, les mercredis après-midis. "Elle prenait des livres et on faisait des tests, c'était super chouette", se souvient-il, des étoiles plein les pupilles. À 12 ans, il passe des week-ends entiers en cuisine à peaufiner sa technique. Il revend ses javanais, mille-feuilles et autres opéras dans un cercle équestre "pour récupérer mes petits sous et réinvestir la semaine suivante". Un esprit entrepreneurial, déjà. C'est un bon cadeau de 20 euros qui lui fait découvrir le macaron: "Un livre attire mon attention au rayon librairie de la Fnac. Le macaron n'est pas encore très connu, on commence à parler de Ladurée en France et, chez nous, de Darcis. Je teste, sans avoir la moindre idée de ce que ça doit goûter! Les premiers ne sont pas bons, ils sont tout durs, ça ressemble à de vulgaires cookies", se souvient-il en faisant la grimace. Michaël a 16 ans. Déterminé à percer les secrets de cette gourmandise, il contacte Mercotte dont il a découvert le blog de pâtisserie sur le web (elle n'est pas encore la vedette de l'émission TV aux côtés de Cyril Lignac, NdlR). "Elle me répond et on commence à échanger des e-mails tous les jours, parfois à 4 heures du matin." Enfin le macaron se laisse dompter. Un jour que Michaël révise avec Antoine pour leurs examens, son ami découvre les macarons dans le frigo. Et les trouve sympas. "Pourquoi on n'en vendrait pas en porte-à-porte?", lance-t-il. Le succès est vite au rendez-vous. Leurs pieds ne suffisent plus. Pour leur offrir un scooter pour pouvoir vendre au-delà de leur quartier, Michael pense à faire reproduire son chien, un labrador chocolat. Mais le temps des humanités est terminé, il faut choisir un métier. "J'ai toujours voulu être médecin", poursuit le jeune homme dont les parents sont ingénieurs (et pas du tout fans de cuisine). "Je rêvais d'une profession qui allie médecine et économie, mais ça n'existait pas! Antoine est fils et petit-fils de médecins, je l'ai suivi. En réalité, je crois que rien ne me passionnait vraiment. Je ne savais que faire car j'avais peur de me brider à un seul domaine pour toute la vie..." "Mes trois premières années de médecine sont fantastiques. Mais notre société est de plus en plus sollicitée... On nous commande 1.000, 2.000 macarons. Dans la région, nous devenons les "Dr Macarons", ce capital sympathie fait affluer les demandes sur notre site internet, notamment pour Noël... en période de blocus. Antoine se retire progressivement pour se concentrer sur ses études, je décide de répondre à la demande, dont celles de magasins." Michaël ne va quasi plus au cours, il passe sa vie dans son petit atelier de pâtisserie, bricolé dans le garage chez son grand-père. Même en blocus, il cogite. A envie de tout faire (sauf d'étudier). Ainsi, il griffonne un étui rond en forme de fleur pour accueillir ses macarons. Delhaize adore et devient l'un de ses clients-tremplin. C'est en fin de master, quand arrivent les stages, que le déclic a lieu: "Un matin, je pousse la double porte de l'hôpital des Bruyères et la referme aussitôt: j'ai compris que c'est fini. Ce n'est pas fait pour moi, je ne vais pas être heureux." De la médecine, il conserve, entre autres, une (al)chimie des molécules: "Je suis le seul au monde à avoir pu désucrer la coque du macaron, les grands pâtissiers qui s'y sont lancés ont échoué, nous, le macaron salé a été notre porte d'entrée!" se réjouit Michaël. "Si on réduit d'un rien le sucre dans le coque, ça ressemble à un laid cookie. Et mettre du sel dans une coque, ça ne marche pas non plus: par effet osmotique, le sel absorbe l'humidité ambiante et la coque devient hypertrempée."Aujourd'hui, sa petite entreprise ne connaît pas la crise. Elle tourne sept jours sur sept, 24h/24, en cinq pauses. Le "Dr Labro" crée 220 millions de macarons par an, livrés dans le monde entier. Dix goûts salés, 20 sucrés, dont d'indéfectibles best-sellers: chocolat, vanille, framboise et caramel. Il voit Mercotte chaque année, tutoie Cédric Grolet et Joakim Prat, deux pâtissiers au firmament, et s'apprêtait à accueillir Pierre Hermé quand nous l'avons rencontré. "Je ne regrette rien, je me suis fait plein d'amis formidables et j'ai appris plein de choses. L'unif reste un must de par son esprit. Quand je vois mes amis médecins, je sais que j'aurais été malheureux comme les pierres, tout comme eux n'aimeraient pas ma vie", conclut-il avec philosophie.