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Aux termes de la Loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, ce dernier a le droit de consentir librement à toute intervention du praticien professionnel, moyennant information préalable concernent l'objectif, la nature, le degré d'urgence, la durée, la fréquence, les contre-indications, effets secondaires et risques inhérents à l'intervention et pertinents pour lui, les soins de suivi, les alternatives possibles et les répercussions financières. L'information et le consentement du patient sont deux notions intimement liées entre elles. L'information du patient est un préalable nécessaire au consentement. Patrick Henry, avocat spécialisé en droit médical et hospitalier, et Bernard de Coqueau, avocat pénaliste et expert agréé pour les formations de coordinateurs sécurité et santé, expliquent l'importance de l'information pour le patient: "le patient étant, sauf exception, un profane, il ignore tout de la portée, des risques, alternatives et conséquences des différents actes médicaux envisagés par son médecin. Seule une information complète délivrée au patient permet dès lors de l'éclairer afin qu'il puisse consentir pleinement et valablement à l'acte médical. Le consentement du patient à l'acte médical ne sera dès lors valable que s'il est "éclairé", c'est-à-dire donné en toute connaissance de cause". Il appartient ainsi au médecin d'informer son patient des alternatives au traitement ou à l'intervention et des conséquences ou risques de complications ou d'accidents qui en découlent. L'information à fournir doit permettre au patient de choisir en connaissance de cause la technique médicale qu'il estime être la plus avantageuse pour lui, tant du point de vue de l'utilité de l'opération elle-même, que du point de vue des risques y afférents. Par ailleurs, dans la mesure où il implique une atteinte à l'intégrité physique du patient - susceptible d'être pénalement qualifiée de coups et blessures volontaires -, l'acte médical n'est licite que s'il présente une utilité pour le patient. Le médecin est ainsi tenu de mettre en oeuvre le traitement qui correspond à "l'optimum thérapeutique", c'est-à-dire d'appliquer la méthode qui présente le moins de risques et le plus d'efficacité. Dans l'appréciation de l'utilité de l'intervention chirurgicale envisagée, le chirurgien est tenu d'appliquer la règle de proportionnalité: il ne peut pratiquer une intervention qui soumet son patient à des risques hors de proportion avec le but thérapeutique ou l'avantage escomptés. Avant de poser une indication opératoire, le médecin doit donc mettre en balance les bénéfices que l'intervention est susceptible de procurer au patient et les risques qu'elle lui fait courir. Prenons la situation de Madame V. qui souffre de myopie depuis qu'elle est jeune. Elle consulte le Dr X. pour obtenir un avis quant à l'opportunité d'une chirurgie correctrice de la myopie. Le médecin lui expose les deux possibilités qui s'offrent à elle, à savoir une intervention au laser ou le remplacement du cristallin naturel par un implant. Il est opté pour l'intervention de remplacement du cristallin à l'oeil droit qui est planifiée en première consultation et se déroule sans complication. Cependant, dans le décours immédiat de celle-ci, la patiente constate une perte de vision de près à l'oeil droit, une extrême sensibilité à la lumière et une altération des couleurs. Le Dr X. diagnostique une fibrose de la capsule postérieure et pratique une capsulotomie au laser. La patiente est encore revue en consultation. L'ophtalmologue qui n'a pas d'explication concernant le déficit constaté prescrit des lunettes avec un verre multifocal pour l'oeil droit et un verre monofocal pour l'oeil gauche et, plus tard, d'autres verres correcteurs. Handicapée à vie suite à une intervention médicale qui avait précisément pour objectif d'améliorer sa vision, Madame V. met en cause la responsabilité professionnelle du Dr X. Elle lui reproche: ? d'avoir manqué à son devoir d'information quant aux risques et inconvénients d'une intervention de remplacement du cristallin par rapport à une chirurgie correctrice par laser ; ? d'avoir commis une faute dans l'indication opératoire, l'intervention de remplacement du cristallin n'étant pas la plus adéquate dans sa situation ; ? d'avoir manqué à son devoir d'information des risques d'une capsulotomie ; ? et d'avoir pratiqué cette capsulotomie cinq jours seulement après l'intervention. Saisi de ce différend, le tribunal estime que le médecin n'a pas satisfait à son obligation d'information dès lors qu'il ne peut être déduit des mentions succinctes suivantes: "expliquer prk, prelex" et "décidée pour prelex", reprises aux notes de consultation que Madame V. s'est vu exposer les avantages et inconvénients des deux options thérapeutiques. Or, de telles informations étaient essentielles pour permettre à Madame V. de prendre une décision en parfaite connaissance de cause. Le tribunal retient également une faute quant à l'indication opératoire, sur base de l'avis de l'expert judiciaire qui estime que le Dr X n'aurait pas dû proposer la technique Prelex à Madame V. dès lors qu'elle allait avoir 40 ans, âge charnière pour ce type de chirurgie (qui n'est qu'indicatif), qu'elle n'était pas presbyte et ne présentait pas de cataracte et qu'il n'existait aucune contre-indication à la chirurgie réfractive par laser Excimer, qui aurait permis à Madame V. de retrouver un confort binoculaire sans lunettes pendant plusieurs années. Enfin, comme relevé par l'expert judiciaire, la capsulotomie n'aurait pas dû été réalisée si précocement, compte tenu des risques qu'elle comportait. L'indication opératoire est avant tout une question médicale sur laquelle le tribunal, profane en la matière, a désigné un expert judiciaire qui s'est prononcé sur la question. Le tribunal a également retenu un manquement au devoir d'information sur base des notes lacunaires de consultation alors même que l'assureur prétendait que son assuré avait fourni les informations utiles à sa patiente. Cette considération nous amène à la question relative à la charge de la preuve. En Belgique comme en France, la question de savoir à qui incombe la charge de la preuve du (non)respect de cette obligation a fait couler beaucoup d'encre. L'enjeu est, en effet, crucial puisque c'est la partie sur qui repose le fardeau de la preuve qui succombe si elle ne parvient pas à prouver ce qu'elle allègue. En Belgique, comme en France, la jurisprudence a d'abord considéré que la charge de la preuve du défaut d'information incombait au patient dans la mesure où c'est à la partie qui invoque un fait constitutif d'une faute d'en apporter la preuve. La Cour de cassation française a cependant opéré un revirement de jurisprudence et décidé, par un arrêt du 25 février 1997 que "le médecin est tenu d'une obligation particulière d'information vis-à-vis de son patient et qu'il lui incombe de prouver qu'il a exécuté cette obligation". Ce principe est désormais consacré, en France, sur le plan législatif. L'exemple français a été accueilli favorablement par certaines juridictions belges qui, s'en inspirant, ont imposé en cas de litige au médecin de prouver qu'il avait rempli son devoir d'information vis-à-vis de son patient. Notre Cour de cassation a cependant sonné le glas de cette tendance par ses arrêts des 14 décembre 2001 et 16 décembre 2004 par lesquels elle a souligné que la charge de la preuve de l'insuffisance de l'information qui a été délivrée repose sur le patient. Si elle a d'abord prononcé un arrêt qui pouvait s'analyser comme opérant un revirement de jurisprudence, elle a ensuite confirmé sa jurisprudence imposant la charge de la preuve au patient. Ceci n'a pas empêché le tribunal de considérer que le défaut d'information était démontré tenant compte des principes relatifs à l'allègement de la charge de la preuve d'un fait négatif et de la force probante du dossier médical. Le tribunal rappelle à ce sujet que la Cour de cassation a toujours admis que la preuve d'un fait négatif ne doit pas être apportée avec la même rigueur que celle d'un fait affirmatif et ajoute que ce principe a été repris par le nouveau Code civil qui prévoit que celui qui supporte la charge de la preuve d'un fait négatif peut se contenter d'établir la vraisemblance de ce fait. Le tribunal conclut ainsi au défaut d'information après avoir souligné que "c'est sur base de l'ensemble des pièces produites et des circonstances concrètes de l'espèce que le tribunal devra décider si la preuve d'un manquement au devoir d'information est établie dans le chef du médecin" avant de poursuivre en indiquant que "le dossier médical revêt à cet égard une force probante importante. Ce qui y est mentionné est présumé, sauf preuve contraire, correspondre à la réalité. Celui qui veut en contester le contenu supporte la charge de la preuve. La règle inverse s'applique également: ce qui aurait dû être repris dans le dossier du patient mais n'y figure pas est réputé ne pas avoir eu lieu. Le praticien qui s'écarte du cours normal des choses en ne mentionnant pas dans le dossier des éléments qui devraient y être consignés doit pouvoir justifier des motifs pour lesquels la règle n'a pas été respectée. Celui qui soutient que des faits qui ne sont pas repris dans le dossier de patient se sont produits doit en rapporter la preuve". Eu égard à ce qui précède, on ne peut que conseiller au médecin d'indiquer à ses notes de consultation, le plus précisément possible, toutes les informations communiquées au patient.