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La qualité du sommeil (41%), le stress lié au travail (35%) et à la vie domestique (30%) ou encore le temps d'écran (23%) sont les principaux facteurs déclenchants une migraine. C'est ce que montre une étude menée auprès de plus de 500 patients migraineux. Les 36-55 ans sont plus susceptibles d'avoir une crise liée au stress, alors que chez les 20-35 ans, elle est plus souvent liée à la déshydratation, l'alcool, le tabac ou encore au cycle menstruel chez les femmes. Autre point mis en avant: le stress dû à la vie domestique est un déclencheur plus courant chez les parents (38%) que chez les non-parents (24%). Un quart des parents migraineux ressentent que leur migraine empire avec le temps, tandis que la moitié des migraineux sans enfant estime qu'elle s'améliore. Si la moitié des personnes sondées pense que la migraine ne nécessite pas une visite chez un médecin ou pharmacien, consulter son généraliste est le premier réflexe lorsque la première crise de migraine apparaît (41%) et, plus les crises sont fréquentes, plus le patient sera incité à consulter. "La migraine est une maladie qui nécessite une prise en charge et un traitement personnalisés. Il faut donc être médecin mais aussi psycho-socio-anthropologue!", précise le Dr Gianni Franco, neurologue au CHU UCL Namur Dinant. La prise en charge d'un migraineux nécessite de pratiquer une médecine intégrative, "parce qu'on ne soigne pas une maladie mais une personne malade. Ensuite, il faut tendre vers une multidisciplinarité synergique où le médecin généraliste (et si besoin le neurologue) est au centre parce qu'il a la responsabilité diagnostique et thérapeutique et où chaque professionnel de la santé peut intervenir lorsque son art va pouvoir contribuer au mieux-être. Enfin, la participation du migraineux et de son entourage est essentielle parce que le patient va devenir expert de sa migraine, et il va nous aider à détecter les facteurs déclenchants qui lui sont propres et qui peuvent évoluer au fur et à mesure des circonstances de la vie".Dès lors, il convient d'agir d'une part, sur l'évitement des facteurs déclenchants et, d'autre part, sur la désensibilisation du cerveau à cet engrenage douloureux qu'est la migraine par des approches et des stratégies médicamenteuses et non médicamenteuses. "Tout en accompagnant le patient dans son histoire et en l'aidant à se rassurer et à devenir acteur de sa propre prise en charge", insiste le Dr Franco. Parmi les autres intervenants avec lesquels le médecin est en relation, les pharmaciens participent au suivi de l'information et de l'observance médicamenteuse. "Seuls 20% des patients migraineux se font traiter, 40% ne se traitent pas et 40% ne se traitent plus parce qu'ils se découragent ou qu'ils n'ont pas été informés. Parmi ces 80%, beaucoup se soignent à leur façon et, parfois, l'utilisation abusive ou inappropriée de médicaments peut induire des céphalées iatrogènes. Donc, l'observance médicamenteuse, l'information, l'incitation à avoir un rôle participatif font aussi partie de la mission du pharmacien qui doit accompagner le patient en connivence et en continuité avec le médecin qui, lui, a la charge et la responsabilité du diagnostic différentiel entre les autres céphalées et les migraines, et surtout, dans 10% des cas, les céphalées secondaires qui indiquent une mise au point et une prise en charge spécifiques, parfois en urgence", ajoute-t-il. Les approches non médicamenteuses concernent la prise en charge des troubles du sommeil (insomnies, syndrome d'apnées obstructives du sommeil) ou le stress familial ou professionnel (on fera appel à des techniques comme la sophrologie, la méditation...) ou des troubles posturaux indiquant la collaboration kinésithérapeutique. Le recours à l'acupuncture et autres corollaires peut être envisagé. Pour la désensibilisation du cerveau à l'engrenage douloureux, on se tournera vers les appareils de stimulations transcutanées frontales tels le QALM ou le CEFALY qui permettent de bypasser la stimulation douloureuse. "Quand un patient consulte pour un mal de tête, j'essaye de préciser le type de céphalée et son invalidité pour choisir avec lui les approches les plus personnalisées tout en réévaluant l'historique des médicaments déjà essayés (il faut au moins huit semaines de traitement pour jauger de son efficacité)", décrit le Dr Franco. "Ensuite, on parle des facteurs déclenchants et de l'éducation à la santé qui doit être générale en y intégrant la qualité de vie (jour et nuit), le contexte du travail, le cadre familial, et aussi le soutien psychologique face au sentiment d'être une charge pour son entourage et l'isolement social et culturel qui en découle, et les appréhensions par rapport à la récidive de la crise migraineuse... En parallèle des traitements médicamenteux des crises douloureuses, si la migraine prend un aspect chronique et invalidant, un traitement de fond est indiqué pour aider à relever le seuil d'induction de la migraine (bêtabloquants, antiépileptiques, riboflavine, magnésium, coenzyme Q10, ...) ainsi que des approches non médicamenteuses comme les exercices posturaux, l'acupuncture, l'auto-relaxation... Pour certaines migraines invalidantes et résistant aux traitements classiques, le recours aux anticorps monoclonaux par injection mensuelle est souvent miraculeux.""Je prescris le traitement de fond pendant trois-six mois, avec un schéma progressif d'installation et ensuite de réduction. Pour préparer àun arrêt médicamenteux à terme, je propose des outils favorisant une auto-gestion de la migraine tels que la sophrologie et autres corollaires ou d'emblée l'utilisation d'un appareil de stimulations transcutanées frontales. Ce qui est sûr c'est que rien n'est perdu: le patient adopte une nouvelle façon de vivre, sa qualité veille diurne-sommeil nocturne est améliorée, et là, on peut aborder un avenir sans médicaments avec un patient participatif et devenu expert de sa propre migraine."Pour Gianni Franco, il s'agit d'une médecine Intégrative aux 4 P: préventive, prédictive, personnalisée et participative: "Une consultation pour migraine est un véritable défi où nous sommes confrontés à la nécessité d'écouter et d'entendre la plainte d'inconfort douloureux, ses facteurs déclenchants et ses conséquences accentuant les charges directes, indirectes et intangibles qui altèrent la qualité de vie de la personne migraineuse et de son entourage. La réponse ne peut être efficace qu'en s'inscrivant dans le cadre d'une multidisciplinarité large et synergique où est intégré le patient en souffrance.""Pour le médecin, le défi auquel nous confronte la migraine est à la mesure de notre Art médical qui doit considérer non pas la maladie mais le malade dans son histoire...", conclut-il.