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Le magnifique bâtiment 19e situé aux bords d'une artère très passante de la capitale anglaise (à la jonction de Brampton et Cromwell Road) a décidé de laisser pénétrer ces véhicules infernaux dans les caves du musée. L'exposition se veut un circuit, bien sûr plein de chicanes, dans le monde et l'épopée de l'automobile, vu sous un angle pas forcément technique, mais plutôt d'un point de vue du design, de ses performances et de son impact sociologique et environnemental. Elle débute son parcours sur les visions futuristes qui ont animé l'industrie automobile depuis ses débuts : des story-boards et extraits du Cinquième élément, ou de Blade Runner 49, de Besson à Back to the future en passant par des illustrations montrant un Moscou communiste du point de vue des voitures volantes en l'an 2000.... nous somme en 72.Cars aborde ensuite en vitesse... la vitesse : comparant une Benz de 1888 qui roulait à 16 km à l'heure avec la profilée Bluebird qui atteignait les 450 km/h en 1935 ! Conséquence logique, les courses sont évoquées notamment au travers de photos datant du début du siècle dernier prises à... Ostende qui apparemment en organisait de nombreuses à l'époque.L'amour de la vitesse entraîne au niveau du design une évolution profilée des véhicules comme en témoigne la maquette de la Golden Arrow anglaise, détentrice sur la plage de Daytona Beach du record de vitesse en 1929. La ligne streamline (qui n'est pas sans rapport avec le coefficient de pénétration dans l'air) affecte d'ailleurs des objets usuels comme une radio, un briquet, un ventilateur, un fauteuil et même une trancheuse !La vitesse implique sécurité et les premières affiches dans ce sens apparaissent dès les années trente (alors que la Mustang fastback de Steve McQueen dans Bullitt dévale les rues de San Francisco) ainsi que les premières ceintures et les klaxons (mot allemand et pas anglais).L'aspect production (de masse) est également évoqué avec bien sûr la présentation d'une Ford T, les plans d'une fabrique du même constructeur, la maquette du Lingetto de Fiat à Turin (manque celui d'Imperia à Nessonvaux, entre Liège et Verviers) et des photos de Fordlandia, une lubie d'Henri Ford qui voulait produire ses propres pneus en caoutchouc et acquis à cet effet un morceau d'Amazonie aussi grand que la Belgique pour y construire une usine idéale ; l'expérience durant 20 ans constitua un désastre économique et humain.Cette production en série influencera jusqu'à l'architecture puisque le Corbusier conçut une maison standardisée et d'un prix abordable du nom de Citrohan (dont on peut voir la maquette) en hommage au constructeur français qui avait également mis en oeuvre ce type de fabrication à la chaîne. Idem pour le Bauhaus dont le but était de produire des objets standardisés comme la chaise de Breuer, mais qui dans les faits se révéla compliqué pour les industriels ; une standardisation appliquée même aux êtres humains : les statues de Norma et Norman représentaient aux États-Unis dans les années 50 les canons idéaux de l'homme et de la femme ! Face aux cadences infernales, les syndicats se rebellent comme le montrent les affiches, et les industriels développent peu à peu des robots... beaucoup moins récalcitrants.Afin de mieux vendre leurs véhicules, les fabricants imaginent de les personnaliser au travers de mascottes (en verre notamment conçues par Lalique) et posées sur le devant souvent le radiateur : l'expo en présente dix dont la Victoire, d'un style Art déco, la déesse étant représentée cheveux aux vent. General Motors est le premier constructeur à proposer un nuancier (imité par les producteurs de machines à écrire, entre autres) pour les clients riches tandis que certains modèles sont fabriqués à un seul exemplaire et à la main comme la magnifique Hispano-Suiza datant de 1922. GM toujours propose avec Motorama un salon ambulant dont on peut admirer des reproductions, comme les publicités hilarantes conçues par VW dans les années 50 pour le marché américain (époque de la " Bug ", popularisée de Disney).Après la guerre, la voiture se personnalise et devient un objet, non plus de consommation, mais de sous ou de contreculture pour certains (voitures décorées façon hippie dans les années 60, vidéo de course sur les dunes actuelles dans le désert). Et si la voiture électrique fut le premier choix des inventeurs dans les années 1890, elle fut bien vite remplacée par l'essence, qui permet une plus grande autonomie et donc de liberté.L'autochenille de la Croisière noire, voulue par André Citroën dans les années 20 trône dans cette partie à côté de la première voiture familiale la fiat 600 multipla, d'un prototype de voiture atomique Nucleon concept car (la bombe, montre un petit film, a failli être utilisée comme explosif pour déplacer des terres et accéder à des gisements du pétrole !).L'expo explore également la dépendance à l'essence, les conséquences géopolitiques de cette addiction sur carte datant de 1916 et décrivant la péninsule arabique notamment, encore sous la coupe d'un empire ottoman subclaquant. Des pubs d'époque montrent par exemple Humble, chaîne de pompes américaines dépendant d'Esso, se vanter de pouvoir faire fondre un glacier très rapidement (dans une édition de Life en 62) ! alors que l'expo nous indique qu'il reste l'équivalent de 1.500 millions de barils de pétrole, non loin d'une cabin scooter avare en carburant et construit par Messerschmitt en 59 (non loin de la Peykan voiture iranienne de l'époque du Shah), dans la foulée de la crise de Suez.Le développement de l'automobile l'a été en parallèle avec les routes : celles d'une carte du Reich montre les premières autobahnen d'Europe voulues par Hitler pour faire rouler coccinelles, voitures du peuple et les chars écraseurs de peuple. Le Führer s'est basé de l'enseignement de Ford, sympathisant nazi, pour faire produire à la chaîne les postes de radio peu onéreux qui pouvaient ainsi diffuser ses discours dans toutes les chaumières.Cette prolifération des voies (très bien illustré au niveau européen par une carte animée par vidéo) s'accompagne de celle de guides Michelin (producteur de pneus), de publicités pour le tourisme (Shell dans les années 20 promeut Stonehenge, désormais atteignable en voiture) ou l'amorce du mythe de l'auto-grill (dessin et photos) italien dans les années soixante.L'expo qui alterne objets, images, photos maquettes et surtout véhicules d'époque se conclut, comme elle a commencé, sur le futur : pas vu par le rétroviseur cette fois, mais en regardant la route droit devant avec l'évocation de la voiture électrique et sans intervention du conducteur (Audi AG) et une formidable voiture volante conçue par Airbus. Le tout sur fond de pop up d'images alternant présentations techniques et questions climatiques, preuve que le moteur à explosion est désormais sur une voie... de garage.