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Miraculeusement ressurgi 60 ans après la mort de son auteur (voir les circonstances ci-contre), Guerre de Louis-Ferdinand Céline a sans doute été écrit après Voyage au bout de la nuit et fait le lien avec Mort à crédit. Ce premier jet (plus de 5.000 feuillets ont été retrouvés dont 250 constituent Guerre) ici collecté et remis en ordre, voire retouché (à la manière Destouches) est suivi par Londres qui est paru la semaine dernière, La volonté du roi Krogold étant prévue pour l'an prochain toujours chez Gallimard. Rappelons que ce manuscrit "volé" d'après Céline était destiné à son éditeur originel, le Belge Robert Denoël, assassiné la veille de son audition devant le tribunal de l'épuration après la Deuxième Guerre. Plus qu'un brouillon, l'on retrouve ici le style accidenté, gueulard, verbal de Céline, sa faconde et sa poésie expressionniste, au sens des descriptions picturales de la guerre d'un Otto Dix. Dans ces tranchées de 14-18, Ferdinand (grandement inspiré de la vie de l'auteur) blessé, décoré, est soigné de toutes les manières par une infirmière, sous les yeux de son ami Bébert, souteneur et tire-au-flanc. L'horreur de la guerre est ici décrite dans toute sa sauvagerie... notamment de langage (et bizarrement proche dans sa description clinique d'un Ernst Jünger), lequel, cru, exhibe la part animale de l'homme. Tandis qu'au loin tonne Thanathos, Éros s'épuise tant qu'il peut dans tous les recoins. Une hystérie magnifiée par un écrivain inclassable et sans classe, marqué à jamais par la "Grande Guerre", dont le souvenir lui vaudra autant de migraines que de fulgurances: " C'est putain le passé, ça fond dans la rêvasserie. Il prend des petites mélodies en route qu'on lui demandait pas. Il vous revient tout maquillé de pleurs et de repentirs en vadrouillant." De guerre (dégeu)lasse, Céline, en la décrivant, en combat l'horreur sans jamais... déserter.